Le litige portait sur l’occupation sans droit ni titre d’un terrain par des personnes vivant au sein d’ouvrages et caravanes.
Les propriétaires demandaient ainsi l’expulsion de ces occupants sans droit ni titre au Juge des référés, en arguant d’un trouble manifestement illicite.
Le Juge des référés ordonnait ainsi l’expulsion en se fondant exclusivement sur l’existence d’un trouble manifestement illicite, sans pour autant rechercher, comme il le devait, à soupeser les droits fondamentaux invoqués devant lui.
En effet, le Juge avait l’obligation de mettre en balance le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des occupants de ce terrain et le droit de propriété des propriétaires.
Or, l’expulsion était ordonnée au motif inopérant que toute occupation sans droit ni titre du bien d’autrui permet aux propriétaires d’obtenir en référé l’expulsion des occupants « sans que puisse leur être opposée la légitimé du but poursuivi d’atteindre l’objectif de valeur constitutionnelle de disposer d’un logement décent, la nécessité de satisfaire à cet objectif étant opposable, non pas aux particuliers, mais à la personne publique ».
La Cour de Cassation se devait alors de trancher entre le droit au respect de la vie privée et familiale et au logement et le droit de propriété, tous deux des droits fondamentaux.
Plus précisément, il lui appartenait d’appliquer un contrôle de proportionnalité.
Qu’est-ce-que le principe de proportionnalité ?
Ce principe existe dans la quasi-totalité des pays d’Europe et c’est la Convention européenne des droits de l’homme et de l’Union européenne qui l’exprime le plus fortement.
La Convention européenne des droits de l’homme le consacre expressément en prévoyant, dans les paragraphes 2 de ses articles 8 à 11, la possibilité de limiter l’exercice des droits qu’ils protègent lorsque cette restriction « constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire » à la sauvegarde de certains objectifs dont la sécurité nationale, la défense de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui.
Autrement dit, il s’agit de concilier des droits fondamentaux et de les équilibrer avec les objectifs d’intérêt général poursuivis par les autorités étatiques, d’une mise en balance et de recherche d’un équilibre.
Une mesure restreignant des droits et libertés fondamentaux (dans notre cas d’espèce la mesure d’expulsion) doit donc être à la fois :
appropriée ou adaptée (elle doit permettre de réaliser l’objectif légitime poursuivi) ;
nécessaire (elle ne doit pas excéder ce qu’exige la réalisation de l’objectif poursuivi) ;
proportionnée (elle ne doit pas, par les charges qu’elle crée, être disproportionnée avec l’objectif poursuivi et le résultat recherché).
Et à la Cour de trancher très nettement, faisant de l’arrêt rendu un arrêt novateur.
En effet, la Haute juridiction indique que « l’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété ; qu’ayant retenu à bon droit que, le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d’obtenir en référé l’expulsion des occupants, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ».
De ce fait, la Cour a reconnu expressément le caractère absolu du droit de propriété en retenant que la mesure d’expulsion était proportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte au droit de propriété.
Cet arrêt marque ainsi un tournant pour les propriétaires de terrains squattés, qui pourront de facto, faire valoir plus facilement leurs demandes d’expulsion, et surtout plus rapidement par la voie du référé.