Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Passoire thermique : quels rapports entre acteurs du bail d’habitation ?

Par Gnanzégbo Nathanaël Kalou, Juriste.

1962 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

La loi climat entend favoriser l’usage de logements moins énergivores en éradiquant les passoires thermiques susceptibles de faire grimper la facture d’énergie pour les occupants et de générer une quantité importante de gaz à effet de serre. De nouvelles obligations pèsent donc sur les propriétaires bailleurs de quoi remettre en cause leur relation avec les locataires

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I- Conséquences de la loi climat vis-à-vis des bailleurs.

Un logement est considéré comme passoire thermique lorsqu’il est noté F ou G sur l’Étiquette Énergie du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) allant de A à G.

Cela représente environ une consommation d’énergie supérieure à 330 kWh par m2 et par an.

La loi climat impose donc une série d’interdictions (A) et d’obligations (B) pour permettre de faire disparaître ce type de logement.

A) Les interdictions : non variation du loyer dès le 25 Août 2022.

En dehors « des zones tendues », l’augmentation du loyer à la relocation est moins encadrée et le loyer d’un logement est entièrement libre.

Dès le 25 août 2022, lorsqu’un logement de la classe F ou de la classe G fera l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne pourra excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire.

Il ne sera donc plus possible d’augmenter le loyer d’un logement classé F ou G lors d’un changement de locataire, et cela partout en France.

Aussi, cette augmentation ne pourra non plus intervenir pour sous-évaluation du loyer précédent en cas de renouvellement du bail.

La majoration du loyer n’est pas possible même si une « clause travaux » était insérée dans le bail d’habitation. C’était un cas de figure déjà très peu rencontré.

Enfin le loyer ne peut être indexé lorsque les logements sont de classe F ou G.

Pour rappel, une clause d’indexation permet la révision du loyer chaque année à compter de la date anniversaire du bail, et ce, en fonction de l’indice de référence des loyers (IRL) publié chaque trimestre par l’Insee et calculé en fonction de l’augmentation générale des prix.

Toutes ces mesures visent le maintien du montant du loyer aussi longtemps que les logements sont énergivores.

B) Les obligations : la mise en location de logements décents d’ici 2028.

Pour arriver à ne mettre en location que des logements décents, la loi climat impose aux actuels propriétaires bailleurs, la réalisation d’un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) nouvelle formule. Le but est de connaître précisément le classement du logement au regard de la performance énergétique et, le cas échéant, de se préparer aux futures échéances en faisant réaliser des travaux de rénovation énergétique.

Ainsi l’annonce et le contrat de location doivent permettre d’avoir des informations sur la performance énergétique du logement.

Il s’agit notamment de mentionner la classe énergétique du logement (A à G), et ce, depuis le 1er Juillet 2021.

Depuis le 1er Janvier 2022, il faut indiquer les dépenses théoriques annuelles de chauffage mentionnées dans le diagnostic de performance énergétique et préciser l’année de référence des prix de l’énergie utilisés pour établir cette estimation.

L’annonce doit indiquer pour les logements à l’étiquette énergie F et G, que la consommation énergétique est excessive et le bail doit mentionner que jusqu’en 2028 cette consommation n’excédera pas celle de la classe E.

Enfin à compter du 1er janvier 2028, il faudra mentionner, pour les logements à l’étiquette énergie F et G, que la consommation énergétique ne respecte pas le seuil fixé par la loi.

Dans la pratique, et dès 2023, la mise en conformité du logement passera par la réalisation de trois types de travaux : le renforcement de l’isolation globale, le changement du système de chauffage et le remplacement des ouvrants et vitrages.

Le but étant d’atteindre 450 kWh/m2 habitable.

Pour ces travaux le gouvernement a mis en place des mécanismes d’aides aux propriétaires bailleurs.

II- Les recours des locataires de logement énergivores.

Il s’agit de ne pas brusquer les bailleurs en allant crescendo au niveau des procédures et sanctions. Il y a donc une étape souple de conciliation qui si elle n’aboutit pas peut entraîner des sanctions plus sévères.

A) La conciliation.

C’est la première approche et elle est d’ailleurs à privilégier d’autant plus que le locataire ne perd rien à conserver une relation de confiance avec son bailleur.

Ainsi à compter de 2025, si le logement loué ne respecte pas le seuil minimal de performance énergétique et donc le critère de décence, le locataire disposera d’un recours amiable contre son bailleur.

Il consistera à demander au propriétaire la mise en conformité du logement par la réalisation de travaux de rénovation énergétique et d’isolation.

Le locataire doit faire préciser au propriétaire, par lettre recommandée avec accusé de réception, les travaux de mise en conformité que le propriétaire s’engage à effectuer et le délai de réalisation de ces travaux.

A défaut d’accord amiable ou à défaut de réponse du propriétaire dans les deux mois, le locataire pourra saisir la commission départementale de conciliation sur le fondement de l’indécence du logement. Précision faite que cette saisine n’est pas un préalable obligatoire à la saisine du juge si celle-ci intervient par la suite.

En cas d’accord, les parties signent un document de conciliation et le recours au juge n’est alors plus possible.

En cas de désaccord, la Chambre émet dans un délai de 2 mois un avis qu’elle adresse aux parties par lettre simple. Cet avis peut être porté à la connaissance du juge.

B) La voie judiciaire.

Devant le juge, le bailleur s’expose à des sanctions plus sévères.

Ainsi si le juge constate que le logement ne satisfait pas au seuil minimal de performance énergétique requis, il pourra :
- contraindre le propriétaire à faire les travaux nécessaires ;
- imposer la réduction de loyer à accorder au locataire ;
- imposer des dommages et intérêts à payer au locataire.

Il existe tout de même des exceptions. Ainsi le copropriétaire peut démontrer que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à ce niveau de performance minimal.

Aussi les logements soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte du niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles, échappent à la sanction portant sur la réalisation de travaux.

Cependant si les travaux ne pourront pas être ordonnés par le juge dans ces deux hypothèses, celui-ci pourrait néanmoins imposer une baisse de loyer et accorder des dommages intérêts au locataire.

Sources :

- Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
- Arrêté du 31 mars 2021 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation en France métropolitaine / JO N°0087 du 13/04/2021 entré en vigueur le 1er Juillet 2021.
- Le programme Habiter mieux de l’Anha.
- Article “logement décent [1].

Gnanzégbo Nathanaël Kalou, Juriste

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