Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Des effets du règlement relatif à la restauration de la nature sur le droit de l’environnement.

Par Johnny Anibaldi, Juriste.

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Le Règlement de restauration de la nature adopté par le Parlement européen impose aux États membres de l'Union européenne de restaurer au moins 20% des zones terrestres et marines dégradées d'ici 2030 et l'ensemble des écosystèmes nécessitant une restauration d'ici 2050. Ce changement de paradigme de la préservation à la restauration doit être intégré dans le droit français, notamment en modifiant l'article L110-1 du Code de l'environnement pour définir précisément les objectifs de restauration et détailler les mesures et actions concrètes à mettre en place.
Description rédigée par l'IA du Village

Dernière pierre en date à l’édifice du Pacte vert européen, le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la restauration de la nature et modifiant le règlement (UE) 2022/869 est contraignant par nature : il aura nécessairement des effets sur les différents droits nationaux et particulièrement en matière de droit de l’environnement français.
Ce règlement a été définitivement adopté par le Conseil des ministres de l’Environnement de l’Union européenne le 17 juin 2024.
L’enjeu du présent article est de dresser un aperçu des évolutions législatives susceptibles d’être menées à la suite de l’entrée en vigueur de ce règlement.

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La volonté écologique européenne s’inscrit dans une perspective internationale remontant à de nombreuses années. En effet, du 5 au 16 juin 1972, s’est tenue la Conférence des Nations unies sur l’environnement, aussi nommée Conférence de Stockholm. Pour information, il s’agit du premier d’une longue série de Sommets de la Terre : celui de 1992, soit le troisième Sommet de la Terre, fut celui de la conclusion de la Convention sur la diversité biologique [1]. Cette convention fut ratifiée à la fois par la France et par l’Union européenne, respectivement le 1ᵉʳ juillet 1994 et le 21 décembre 1993 [2]. Par cette ratification, l’Union européenne s’engagea formellement dans une démarche de préservation de la nature et de la biodiversité. Or, elle estima nécessaire de prendre des mesures concrètes en vue de réaliser cet objectif, ce qui passa par la présentation, le 11 décembre 2019, du Pacte vert pour l’Europe, lequel « définit la marche à suivre pour faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050, tout en stimulant l’économie, en améliorant la santé et la qualité de vie des citoyens, en préservant la nature et en ne laissant personne de côté » pour reprendre les termes du communiqué de presse afférent à cette présentation [3]. Pour résumer, ce Pacte vert ambitionnait - et ambitionne toujours - de faire de l’Europe géographique, le premier continent au monde à devenir neutre en carbone tout en accompagnant une adaptation ainsi qu’une relance de l’économie, le tout dans une perspective démocratique fondée sur la consultation citoyenne.

Parmi les mesures nées de ce Pacte vert européen, la dernière en date fut l’adoption du règlement relatif à la restauration de la nature [4] (ci-après « le Règlement ») par le Parlement européen en date du 27 février 2024 [5]. Une adoption particulièrement difficile, en l’occurrence [6]. En outre, de tous les instruments issus du Pacte vert, le Règlement est le plus contraignant. En effet, l’un des aspects les plus fondamentaux du Règlement, et qu’il y a lieu de mentionner d’emblée dans le cadre de la présente introduction, réside dans le caractère nécessairement contraignant du Règlement. En effet, conformément aux deux premiers paragraphes de l’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, il est constant que « pour exercer les compétences de l’Union, les institutions adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis. / Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre ». En d’autres termes, une fois le Règlement entré en vigueur, l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne se verront soumis à l’obligation de respecter les dispositions de ce texte sous peine de sanctions [7] [8].

Le Règlement entrera en vigueur « le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne », conformément au premier paragraphe de son article 28 [9]. Pour le dire plus simplement, le Règlement entrera donc en vigueur 20 jours après sa publication au Journal Officiel de l’Union européenne. Applicable en l’état par nature, le Règlement ne nécessitera aucune mesure de transposition en droit interne, contrairement à une directive par exemple. En ce qui concerne la France, l’on soulèvera, pour clore cette introduction, la parution, le 22 mars 2024, d’une circulaire parue au Journal Officiel de la République française du 7 avril 2024 relative à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne (Dont la version originale peut être consultée via ce lien : Circulaire du 22 mars 2024 relative à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne) réitérant « l’obligation de mettre en œuvre le droit de l’Union qui découle tant de la Constitution du 4 octobre 1958 que des traités européens. Elle recouvre à la fois la transposition des directives européennes en droit interne et l’adaptation du droit national aux règlements » [10].

I- Le passage d’une logique de préservation à une logique de restauration.

L’un des points saillants du Règlement se trouve dans le changement de paradigme qu’il opère : contrairement aux textes préexistants, l’Union européenne ne s’inscrit plus dans une logique de préservation de la nature mais dans celle de la restauration (A) En découle la nécessaire reconnaissance, par le droit français, de ce principe restauratif (B).

A) La consécration de l’obligation de restauration parmi les principes généraux du Code de l’environnement.

La restauration de l’environnement est l’objet essentiel du Règlement. En effet, son premier article dispose qu’il « établit des règles visant à contribuer à : a) rétablir sur le long terme et de manière durable la biodiversité et la résilience des écosystèmes dans l’ensemble des zones terrestres et marines des États membres en restaurant les écosystèmes dégradés (…) ». Pour ce faire, il « établit un cadre dans lequel les États membres mettent en place des mesures de restauration efficaces par zone, dans le but de couvrir conjointement, en tant qu’objectif de l’Union, dans l’ensemble des zones et écosystèmes relevant du champ d’application du présent règlement, d’ici à 2030, au moins 20% des zones terrestres et au moins 20% des zones marines et, d’ici à 2050, l’ensemble des écosystèmes ayant besoin d’être restaurés ». Le contenu de ce premier article est corroboré par le premier considérant du même Règlement insistant sur la nécessité de « garantir le rétablissement de la biodiversité et de la résilience de la nature sur tout le territoire de l’Union » [11].

En outre, le Règlement comprend un Chapitre II relatif aux « objectifs et obligations de restauration » pesant sur chacun des États membres. Ce chapitre comprend dix articles (de 9 à 14), lesquels portent principalement sur la restauration de la nature et prévoient des objectifs chiffrés à atteindre dans une période déterminée pour différents écosystèmes. Ainsi, l’article 4 traite de la restauration des écosystèmes terrestres, côtiers et d’eau douce ; l’article 5 des écosystèmes marins ; l’article 12 traite des écosystèmes forestiers, etc. Il y a donc une volonté manifeste et assumée d’engager un processus de restauration globale de la nature en son sens le plus large. Quelques articles de deuxième chapitre ne portent pas précisément sur la restauration mais complètent ces dispositions : l’article 6 concerne la production d’énergie renouvelable ; l’article 7 traite de l’exception relative à la défense nationale ; l’article 13 impose la « plantation de trois milliards d’arbres supplémentaires ».

L’élément important pour la présente analyse se trouve dans la confrontation de cette série d’articles avec le septième. En effet, sans détailler outre mesure les subtilités de cet article 7, il est pertinent de s’arrêter sur son premier paragraphe :

« lors de la mise en place de mesures de restauration aux fins de l’article 4, paragraphe 1, 4 ou 7, ou de l’article 5, paragraphe 1, 2 ou 5, les États membres peuvent exempter les zones utilisées pour des activités répondant uniquement aux besoins de défense nationale, si ces mesures sont considérées incompatibles avec la poursuite de l’utilisation militaire des zones en question ».

Une question se pose toutefois : pourquoi ce chapitre relatif aux « objectifs et obligations de restauration » ne consacre-t-il un article qu’aux « besoins de défense nationale » ? Il est parfaitement loisible de subodorer qu’il s’agit, pour le Règlement, d’insister sur la nécessité de l’urgence d’une politique européenne de restauration de la nature. Cette hypothèse est corroborée par le 39ᵉ considérant du Règlement en vertu duquel

« il convient d’accorder la priorité absolue aux activités ayant pour seul objectif la défense ou la sécurité nationale. (...) Toutefois, s’ils appliquent cette exemption, les États membres devraient être tenus de mettre en place, pour autant que cela soit raisonnable et réalisable, des mesures visant à atténuer les incidences de ces plans et projets sur les types d’habitat » [12].

Le Règlement instaure ainsi une obligation qui ne saurait souffrir de quelque exception d’ordre social ou économique que ce soit. Mais, ce faisant, n’y a-t-il pas un risque que les Etats membres, dans une démarche de respect du Règlement, n’en viennent à méconnaître potentiellement d’autres exigences européennes dans divers domaines ? L’on voit donc que malgré l’intention louable des institutions européennes, la question de la potentielle conflictualité des obligations n’est pas réglée. Des questions préjudicielles posées à la Cour de Justice de l’Union européenne seront ainsi les bienvenues pour éclaircir les enchevêtrements normatifs de textes aux attendus contradictoires.

B) Les effets d’une logique restaurative de l’environnement en droit français.

Le premier titre du Code de l’environnement traite des principes généraux : c’est donc en son sein qu’une intégration de l’objectif tenant à la restauration de la nature devra être matérialisée. L’on constatera que le premier article de ce Code, à savoir l’article L110-1, traite du patrimoine commun de la nation en son I, lequel est composé des « espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, la qualité de l’eau, les êtres vivants et la biodiversité ». L’article L110-1, II du Code de l’environnement évoque la connaissance, la protection, la mise en valeur et la restauration de l’ensemble des processus biologiques composant les éléments du patrimoine commun de la nation. Pour autant, aucun objectif chiffré n’est envisagé par cet article. Il s’agit donc d’un principe amenant une obligation de moyens et non de résultats, contrairement aux dispositions du Règlement qui, elles, en imposant des objectifs chiffrés, fait peser une obligation de résultat littérale dans le chef de chacun des Etats membres.

De plus, il pourrait trouver à y avoir une modification dans les termes de l’article L110-1 du Code de l’environnement. En effet, il existe une divergence dans les concepts utilisés par le Code de l’environnement et le Règlement. En effet, tandis que le premier s’attache à la biodiversité en général, le second s’attarde plus précisément aux écosystèmes, un aspect précis de la biodiversité. [13]. L’un des effets de l’entrée en vigueur du Règlement sera donc d’aboutir à une définition précise de la biodiversité mentionnée à l’article L110-1 du Code de l’environnement ou bien de procéder au remplacement de ce mot par écosystème en reprenant les termes exacts du Règlement, de sorte à anticiper et éviter toute violation du Règlement.

En outre, au-delà d’une réflexion sur les termes à utiliser, la révision de cet article L110-1 du Code de l’environnement devra nécessairement intégrer les objectifs posés par les articles intéressants du Règlement. Ce dernier intègrera ainsi l’obligation de restaurer les écosystèmes dégradés, disposant, par exemple, que « l’État, en collaboration avec les collectivités locales, s’engage à restaurer au moins 20% des zones terrestres et marines dégradées d’ici 2030 et tous les écosystèmes nécessitant une restauration d’ici 2050 ». Cette obligation légale vise à renforcer la résilience des écosystèmes et à inverser la perte de biodiversité en France, alignant ainsi les politiques nationales avec les objectifs européens de restauration écologique. De même, cette révision législative devra également prévoir des mécanismes de suivi et de reporting robustes pour assurer la transparence et l’efficacité des initiatives de restauration. Des indicateurs de performance précis devront être définis pour évaluer l’état de santé des écosystèmes restaurés et la progression vers les objectifs fixés. Par ailleurs, l’article révisé pourrait inclure des dispositions pour des audits périodiques et des rapports publics sur l’avancement des projets de restauration, garantissant ainsi une responsabilité accrue des autorités locales et nationales. Une telle approche permettrait de détecter rapidement les éventuels obstacles ou retards dans la mise en œuvre des mesures de restauration et d’y remédier efficacement.

II- La mise en place d’un plan national de restauration de la nature.

Afin de déterminer concrètement les mesures à mettre en place pour restaurer la nature, le Règlement, en ses articles 14 et suivants, impose la réalisation d’un plan national de restauration, lequel devra comprendre les mesures à mettre en place pour aboutir aux objectifs fixés [14]. La question se pose donc de savoir d’abord quels critères vont être utilisés dans le cadre de la réalisation de ce plan (A) mais aussi, incidemment, des effets du choix de tels ou tels critères dans le droit français (B).

A) Trois caractéristiques du plan national de restauration.

La première caractéristique du plan national de restauration tient aux objectifs à poursuivre, donc à atteindre. En effet, force est d’établir des objectifs clairs et quantifiables en vue de guider les efforts de restauration des écosystèmes dégradés. Ces objectifs doivent être en accord avec les articles 4 à 12 du Règlement, qui couvrent diverses facettes de la restauration écologique, allant de la réhabilitation des habitats naturels à la protection et la revitalisation des populations d’espèces menacées. Par exemple, un objectif pourrait être de restaurer un certain pourcentage de forêts dégradées d’ici une date spécifique, ou d’augmenter les populations d’une espèce en danger par un certain nombre d’individus sur une période déterminée. Les objectifs doivent être formulés de manière à être spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et temporellement définis. Cela permet non seulement de suivre et d’évaluer les progrès de manière précise, mais aussi de garantir que les efforts de restauration sont réalistes et alignés avec les capacités et les ressources disponibles de l’État membre. Ces objectifs doivent également tenir compte des particularités écologiques et socio-économiques locales, assurant ainsi une approche adaptée et efficace pour chaque région concernée. En établissant des objectifs clairs et quantifiables, le plan de restauration national crée une feuille de route précise pour la mise en œuvre des initiatives de restauration, facilitant la coordination entre les diverses parties prenantes et l’allocation efficiente des ressources.

D’autre part, le plan national de restauration doit détailler les mesures et actions concrètes que l’État membre envisage de prendre pour atteindre les objectifs de restauration définis. Ces mesures doivent être spécifiques et adaptées aux besoins écologiques identifiés, couvrant un large éventail d’activités de restauration. Par exemple, la reforestation peut inclure la plantation d’espèces d’arbres natives pour rétablir les forêts dégradées, tandis que la restauration de zones humides peut impliquer la réintroduction de végétation aquatique et la réhabilitation de systèmes hydrologiques naturels. Les techniques de restauration doivent être choisies en fonction des caractéristiques écologiques des zones ciblées et des objectifs à atteindre. Cela peut inclure des pratiques telles que la restauration active, où des interventions directes sont effectuées, et la restauration passive, où les écosystèmes sont protégés pour se régénérer naturellement. Les techniques peuvent aussi intégrer des approches innovantes comme l’utilisation de bio ingénierie pour stabiliser les sols ou l’application de méthodes agroécologiques pour revitaliser les terres agricoles. Le plan doit spécifier les projets spécifiques à entreprendre, détaillant les zones géographiques ciblées, les actions prévues, et les résultats attendus. Par exemple, un projet de restauration de cours d’eau pourrait inclure la suppression de barrages obsolètes, la reconstitution des berges avec des plantes indigènes, et la création de passages pour la faune aquatique. Chaque projet doit être accompagné d’une analyse des impacts environnementaux pour garantir qu’il ne provoque pas de dommages collatéraux aux écosystèmes adjacents. Les parties prenantes impliquées dans chaque projet de restauration doivent être clairement identifiées. Cela inclut les autorités locales et nationales, les propriétaires fonciers, les agriculteurs, les organisations non gouvernementales, les chercheurs et les experts scientifiques. Le plan doit décrire les rôles et responsabilités de chaque partie prenante, assurant une collaboration efficace et une répartition claire des tâches. Par exemple, les agriculteurs pourraient être responsables de la mise en œuvre de pratiques agricoles durables, tandis que les chercheurs pourraient superviser le suivi et l’évaluation des résultats des projets de restauration. Les mesures et actions doivent également intégrer des pratiques durables et des innovations technologiques pour maximiser l’efficacité et l’impact des efforts de restauration. Cela peut inclure l’utilisation de techniques d’agriculture régénérative pour restaurer la fertilité des sols, l’application de solutions basées sur la nature pour gérer les ressources en eau, et l’adoption de technologies de surveillance avancées pour suivre l’évolution des écosystèmes restaurés. En intégrant ces pratiques et innovations, le plan national de restauration peut non seulement atteindre ses objectifs écologiques, mais aussi promouvoir une résilience environnementale à long terme.

Enfin, le dernier point concerne l’établissement d’un calendrier détaillé et d’une allocation précise des ressources nécessaires à la mise en œuvre des actions prévues. Le calendrier doit inclure des étapes intermédiaires et des échéances pour chaque mesure, assurant ainsi un suivi régulier des progrès. Par exemple, le plan pourrait spécifier que certaines zones humides doivent être restaurées d’ici deux ans, avec des rapports d’avancement à soumettre tous les six mois. Des jalons clairs permettent de maintenir le projet sur la bonne voie et facilitent l’identification et la résolution rapide des obstacles potentiels. Le calendrier doit être structuré de manière à inclure des étapes intermédiaires précises et des échéances bien définies pour chaque activité de restauration. Chaque étape doit correspondre à des actions concrètes et mesurables, telles que la préparation du site, la plantation de végétation, ou la surveillance post restauration. Par exemple, une étape intermédiaire pourrait être la complétion de la plantation d’arbres dans une zone dégradée dans les six premiers mois, suivie d’une phase de surveillance et d’entretien pour les six mois suivants. Ce découpage en étapes facilite la gestion du projet et permet de suivre les progrès de manière systématique. Le plan doit également détailler l’allocation des ressources financières nécessaires pour chaque activité de restauration. Cela inclut l’identification des sources de financement, qu’elles soient nationales, européennes, ou privées. Par exemple, le plan pourrait inclure des fonds alloués par des programmes de financement de l’UE, tels que le Fonds européen de développement régional (FEDER) [15] ou le programme LIFE [16], ainsi que des investissements privés ou des partenariats public-privé. En outre, des mécanismes de gouvernance doivent être établis pour gérer et distribuer ces fonds de manière transparente et efficace.

Les traits principaux du plan national de restauration ayant été présentés, il y a lieu d’envisager deux domaines susceptibles de connaître quelques évolutions en raison de l’application du Règlement, à savoir le droit de l’urbanisme et le droit fiscal.

B) Deux domaines susceptibles d’évoluer : le droit de l’urbanisme et le droit fiscal.

En premier lieu, les projets de construction pourraient être soumis à des évaluations environnementales plus strictes pour garantir qu’ils ne compromettent pas les efforts de restauration de la nature. Cela inclut l’analyse de l’impact potentiel sur les habitats naturels, les espèces protégées, et les écosystèmes en cours de restauration. En ce sens, les autorités pourraient imposer des conditions spécifiques pour la délivrance de permis de construire afin de garantir la compatibilité des nouveaux projets avec les objectifs de restauration de la nature. Par exemple, un projet pourrait être requis d’inclure des mesures de compensation écologique, telles que la création ou la restauration d’habitats équivalents ailleurs. Plus précisément, certaines zones pourraient être désignées comme prioritaires pour la restauration de la nature, limitant ou réglementant strictement les nouvelles constructions dans ces zones. Les plans locaux d’urbanisme pourraient être adaptés pour refléter ces priorités, préservant ainsi les efforts de restauration. Les projets de construction devront alors être alignés avec le contenu du plan national de restauration de la nature. Cela pourrait inclure la coordination avec les initiatives de reforestation, la protection des zones humides, et la création de corridors écologiques pour faciliter le déplacement des espèces. En ce sens, les réglementations liées à l’urbanisme pourraient imposer des obligations légales aux promoteurs de minimiser l’empreinte écologique de leurs projets et de contribuer activement à la restauration des écosystèmes affectés par leurs activités de construction [17].

En parallèle, il est loisible aux Etats membres de « promouvoir le déploiement de régimes d’aide privés ou publics au bénéfice des parties prenantes qui mettent en œuvre des mesures de restauration visées aux articles 4 à 12, y compris les gestionnaires de terres et les propriétaires fonciers, les agriculteurs, les forestiers et les pêcheurs » [18]. Ces aides peuvent prendre la forme de subventions directes, de réductions fiscales ou d’autres incitations économiques, afin de faciliter et encourager l’adoption de pratiques durables et la mise en œuvre de projets de restauration à grande échelle. Il existe d’ores et déjà divers mécanismes contractuels et fiscaux incitant les acteurs économiques à s’engager dans une démarche respectueuse de la préservation de la nature mais, en vertu de cet extrait, il incombera donc aux Etats membres d’adapter les mesures applicables avant l’entrée en vigueur du Règlement en vue d’inciter non plus seulement à préserver l’environnement mais bien à prendre des mesures en vue de le restaurer. Une mesure envisageable serait la mise en place d’un crédit d’impôt pour restauration écologique : les entreprises qui investissent dans des projets de restauration écologique pourraient bénéficier d’un crédit d’impôt proportionnel aux dépenses engagées dans ces initiatives. Ces projets pourraient inclure la reforestation, la restauration des zones humides, la création de corridors écologiques, ou la remise en état des écosystèmes dégradés. Les autorités définiraient les critères précis pour qu’un projet soit éligible au crédit d’impôt. Ces critères pourraient inclure des objectifs spécifiques de biodiversité, la surface restaurée, et l’utilisation de techniques de restauration reconnues. Un pourcentage des dépenses directement liées aux projets de restauration pourrait être déduit des impôts sur les bénéfices des entreprises. Par exemple, un crédit d’impôt de 30% pourrait être appliqué sur les dépenses éligibles [19]. Ce faisant, l’issue ne peut qu’être bénéfique pour l’entreprise et l’État : la première s’engage dans une démarche RSE et réduit le coût net des projets de restauration pour les entreprises tandis que l’Etat peut compter sur l’initiative privée et être en phase avec les exigences européennes.

Johnny Anibaldi, Juriste

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Notes de l'article:

[1Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, 5 juin 1992, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1760, p. 79. Lien URL vers le texte de la convention certifié conforme :https://treaties.un.org/doc/Treaties/1992/06/19920605%2008-44%20PM/Ch_XXVII_08p.pdf.

[2À noter que la Convention sur la diversité biologique fut ratifiée d’abord par l’Union européenne puis par la France. Sans rentrer dans des points trop techniques de droit européen, l’on mentionnera que l’Acte Unique Européen signé le 17 février 1986 confia, en son article 25, une compétence explicite à la Communauté européenne par une modification du Traité CEE, instituant un titre VII relatif à l’environnement.
L’article 130 R du Traité CEE, tel que modifié, disposait ainsi, en son premier paragraphe, que « l’action de la Communauté en matière d’environnement avait pour objet : - de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement / - de contribuer à la protection de la santé des personnes / - d’assurer une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles ». La ratification de la Convention sur la diversité biologique par la France s’explique aisément : la compétence de la Communauté européenne était alors une compétence partagée, d’où il suivait que le texte devait aussi être ratifié par les Etats membres, donc la France.

[4De son nom complet : Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la restauration de la nature et modifiant le règlement (UE) 2022/869 ; disponible en sa version adoptée par le Parlement européen https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-74-2023-REV-1/fr/pdf.

[6Comme le rapporte le site de La Gazette des Communes dans un article du 3 juillet 2024 : « ie vote est passé sur le fil et fait l’objet d’un recours du chancelier autrichien ; sa ministre de l’Environnement ayant voté pour, contre son avis », v. https://www.lagazettedescommunes.com/937221/restauration-de-la-nature-le-reglement-europeen-adopte-apporte-du-concret/. Pour une présentation succincte des difficultés inhérentes à l’adoption du Règlement par le Parlement européen, l’on renverra à un article du journal Le Monde du 27 février 2024, « Le Parlement européen adopte le règlement sur la restauration de la nature », https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/27/le-parlement-europeen-adopte-le-reglement-sur-la-restauration-de-la-nature_6218860_3244.html.

[7En vertu du second paragraphe de l’article 28 du Règlement, d’après lequel « le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre ».

[8Qu’il s’agisse d’un recours devant le juge national par le ressortissant d’un Etat membre ou bien par le biais d’un recours en manquement à l’initiative de la Commission européenne.

[9Pour information, le second paragraphe du premier article du règlement (UE) n° 216/2013 du Conseil du 7 mars 2013 relatif à la publication électronique du Journal officiel de l’Union européenne dispose que « seul le Journal officiel publié sous forme électronique (ci-après dénommé « édition électronique du Journal officiel ») fait foi et produit des effets juridiques ».

[10L’obligation de mise en œuvre du droit de l’Union européenne a été formalisée en l’article 88-1 de la Constitution, lequel dispose que « la République participe à l’Union européenne constituée d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».

[11« Il est nécessaire de fixer, au niveau de l’Union, des règles relatives à la restauration des écosystèmes afin de garantir le rétablissement de la biodiversité et de la résilience de la nature sur tout le territoire de l’Union. La restauration des écosystèmes contribue également aux objectifs de l’Union en matière d’atténuation du changement climatique et
d’adaptation à celui-ci
 ».

[12À des fins de bonne compréhension, voici l’intégralité du considérant en question : « Il convient d’accorder la priorité absolue aux activités ayant pour seul objectif la défense ou la sécurité nationale. Par conséquent, lors de la mise en place de mesures de restauration, les États membres devraient pouvoir exempter les zones utilisées pour de telles activités si ces mesures sont considérées incompatibles avec la poursuite de l’utilisation militaire des zones en question. En outre, aux fins de l’application des dispositions du présent règlement relatives aux dérogations aux obligations d’amélioration continue et de non-détérioration en dehors des sites Natura 2000, les États membres devraient être autorisés à présumer que les plans et projets concernant de telles activités relèvent d’un intérêt public majeur. Les États membres devraient également pouvoir exempter ces plans et projets de l’exigence qu’il n’existe pas de solution de remplacement moins préjudiciable. Toutefois, s’ils appliquent cette exemption, les États membres devraient être tenus de mettre en place, pour autant que cela soit raisonnable et réalisable, des mesures visant à atténuer les incidences de ces plans et projets sur les types d’habitat ».

[13L’acception d’écosystème du Règlement est fournie par son article 3, 1), à savoir : « un ensemble complexe et dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux, de champignons et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leurs interactions, forment une unité fonctionnelle, et qui comprend des types d’habitats, des habitats d’espèces et des populations d’espèces ». De son côté, le Code de l’environnement ne fournit pas la définition d’écosystème mais seulement de « biodiversité » ou « diversité biologique » en son article L1110-1, I, al. 3, à savoir « la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants ».

[14L’article 14, 1. du Règlement dispose à ce sujet que « chaque État membre élabore un plan national de restauration et effectue la surveillance et les recherches préparatoires permettant de déterminer les mesures de restauration nécessaires pour atteindre les objectifs de restauration et satisfaire aux obligations énoncées aux articles 4 à 13, et pour contribuer aux objectifs généraux et aux objectifs de l’Union énoncés à l’article 1er, en tenant compte des données scientifiques les plus récentes ».

[15Le régime juridique du FEDER est fondé sur le règlement (UE) 2021/1058 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion.

[16Le programme LIFE est fondé sur le règlement (UE) 2021/1783 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 établissant un programme pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE), et abrogeant le règlement (UE) no 1293/2013. Il s’agit du « seul programme spécifiquement consacré à l’environnement et à l’action pour le climat et joue dès lors un rôle crucial de soutien dans la mise en œuvre de la législation et des politiques de l’Union dans ces domaines », conformément au douzième considérant de ce règlement.

[17Supposons qu’un promoteur immobilier souhaite construire un nouveau complexe résidentiel près d’une zone humide en cours de restauration. En vertu du règlement sur la restauration de la nature, le permis de construire pourrait être accordé à condition que le promoteur effectue une étude d’impact environnemental approfondie ou, encore, implémente des mesures pour protéger et restaurer les habitats affectés, comme la plantation d’arbres ou la création de zones tampon pour protéger la zone humide, voire s’engage à financer des initiatives locales de restauration écologique pour compenser l’impact de la construction.

[18Article 14, 12. du Règlement.

[19Ainsi, par exemple, une entreprise agroalimentaire décide de restaurer une zone humide dégradée adjacente à ses installations. Le coût total du projet s’élève à 200 000 euros. Grâce au crédit d’impôt environnemental de 30%, l’entreprise pourrait déduire 60 000 euros de son impôt sur les bénéfices.

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