L’obligation d’informer l’Administration fiscale d’un changement d’adresse s’impose au non-résident.

Par Thomas Martinez, Elève-Avocat.

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Tout changement d’adresse doit être déclaré à l’administration fiscale, y compris pour un non-résident.

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Par un arrêt du 17 février 2022, la Cour administrative d’appel de Paris revient sur les notions de changement d’adresse et de défaut de notification de l’administré contribuable, la distinction intéressante étant qu’on est en présence d’un non-résident [1].

Dans cette affaire, un contrôle de comptabilité a été diligenté à l’encontre d’une SAS duquel a découlé un rappel d’impôt sur le revenu au titre d’une plus-value non déclarée issue d’une cession d’actions détenues par l’intéressé au sein de la société.

Le reliquat fiscal a été mis en recouvrement pour un montant de 6 millions d’euros.

Toutefois, l’administré a formé une réclamation préalable et demandé à bénéficier du sursis à paiement prévu à l’article L277 du livre des procédures fiscales. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 14 septembre 2017. Une mise en demeure valant commandement de payer a été émise par le comptable de la direction des impôts des non-résidents. A la suite d’une contestation infructueuse de la mise en demeure, l’administré interjette appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil et demande la décharge de l’obligation de payer.

« Toutefois, il résulte de l’instruction que la décision du 14 septembre 2017 a été envoyée à la dernière adresse du requérant connue de l’administration fiscale, à Serra Carnaxide. Si le requérant soutient qu’il avait entre-temps déménagé, il lui appartenait d’effectuer les diligences nécessaires soit pour faire suivre son courrier, soit pour informer l’administration fiscale française de son changement d’adresse, ce que le requérant n’établit pas ni même n’allègue. La circonstance qu’il ait informé les autorités fiscales portugaises est sans incidence à cet égard, comme l’est également la circonstance, opposée pour la première fois en appel, que l’accusé de réception du pli contenant la décision du 14 septembre 2017 a été signé, le 25 septembre 2017, par une personne que M. A indique ne pas connaître. De plus, et en tout état de cause, la mention de cette décision du 14 septembre 2017 dans la liste des pièces annexées à la lettre d’opposition du 7 septembre 2018, et sa production par l’intéressé lui-même devant les juges de première instance, montre qu’elle a bien été remise à M. A. Il en va de même de la lettre d’opposition du 7 septembre 2018, qui a elle aussi été envoyée à l’adresse de Serra Carnaxide » [2].

En l’espèce, si l’administré formulait un reproche connu pour l’administration, celui d’avoir été notifié de la décision rejetant sa réclamation à son ancienne adresse, ce qui centrait l’argumentation sur une ignorance légitime et handicapante face à la procédure administrative fiscale, la spécificité de cet arrêt tient cependant à la non-résidence de ce même administré qui invoquait une ancienne adresse à Serra Carnaxide au Portugal, « alors qu’il a déménagé à Sao Domingos de Rana le 24 octobre 2016 ».

Cette situation de distanciation territoriale pouvait s’avérer complexe et réelle pour l’administré, a fortiori il s’était passé un an entre le déménagement et la décision.

Cependant, la non-résidence ne génère aucunement pour l’administration fiscale française une absence de contrôle des administrés dès lors qu’ils sont imposables ou imposés en France.

Ainsi, le juge administratif constate que la décision litigieuse a été envoyée à la dernière adresse du requérant « connue de l’administration fiscale » et en déduit qu’il appartenait à l’administré d’assurer les diligences nécessaires pour prévenir l’administration qu’il avait déménagé. Or, le demandeur n’apporte pas la preuve de ses diligences. En sus, si l’administré prétend que l’accusé de réception du pli lui est inconnu, cet argument reste sans incidence s’il est infondé et contré par la légalité de la procédure administrative (envoi par lettre simple à la dernière adresse connue de l’administration).

Ayant « négligé » d’informer et en l’absence de toute justification personnelle, l’administration se retrouve fondée à imposer l’administré, quant bien même celui-ci serait dans une situation « complexe » de non-résident. Ce dernier conservait en effet des liens fiscaux avec la France de sorte qu’il ne pouvait « échapper à un contrôle » de l’administration fiscale.

Le changement d’adresse constitue un élément de défense pour l’administré, mais il conviendra de démontrer les diligences effectuées auprès de l’administration avant toute prise de décision ou tout commencement de procédure fiscale.

Si l’administration s’est abstenue de vérifier l’adresse effective de l’administré malgré les diligences incontestables de celui-ci, ce qui signifie qu’un dysfonctionnement en interne a eu lieu, cette situation est alors susceptible de « convaincre » le juge de sanctionner l’administration et donner raison au contribuable.

Thomas Martinez
Avocat au Barreau de Lyon

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Notes de l'article:

[1En l’espèce, CAA Paris, 17 février 2022, n° 20PA04307 ; Voir également sur le changement d’adresse : CAA Douai, 3 mars 2022, n° 20DA00788 ; CAA Bordeaux, 10 mars 2022, n° 20BX01155.

[2Note : CAA Paris, 17 février 2022, n° 20PA04307.

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