Le nombre d'appels irrecevables a explosé. Par Benoit Henry, Avocat.

Le nombre d’appels irrecevables a explosé.

Par Benoit Henry, Avocat.

8237 lectures 1re Parution: 4.82  /5

Explorer : # procédure d'appel # sinistralité # spécialisation juridique # réformes procédurales

Les pièges de la procédure d’appel ont une incidence sur la sinistralité de la profession d’avocat. Les irrecevabilités et sinistres de responsabilités sont en forte hausse.
Mais au-delà des questions de procédure formelle, le vrai problème, c’est la recevabilité, les moyens, les objets, la validité des actes. Or, le nombre d’appels irrecevables a explosé. Ces irrecevabilités ont entraîné des actions en responsabilité contre les avocats et une hausse des déclarations de sinistres.
En 2020, la vigilance s’impose particulièrement concernant les incidents de procédure soulevées d’office par le Conseiller de la mise en état ou à l’initiative de l’adversaire et en matière de procédure de renvoi après cassation.

-

I - Une procédure d’appel spécifique.

1) La procédure civile d’appel est dangereuse.

La gestion de la procédure demande avant tout de la rigueur, de la méthode et des connaissances pour être régulière.

Les chausses trappes de la procédure sont nombreuses.

Les réformes procédurales successives, en matière civile, commerciale et sociale ont encore entrainé une sinistralité accrue de +50 %.

Au 1er janvier 2018, 66 958 avocats ont été recensés sur l’ensemble du territoire national contre 48.461 dix ans plus tôt (+38%).

Avec 28.145 avocats, le barreau de Paris concentre à lui seul 42% de l’effectif total.

35.724 avocats sont assurés par la Société de Courtage des Barreaux (SCB).

Selon la Société de courtage des barreaux en avril 2018, alors qu’en 2015, les erreurs de procédure en appel constituaient la 4ème cause de sinistralité avec 9,4 % des sinistres déclarés, ce taux est progressivement monté à 15,5 % en 2016 pour constituer la 3ème cause de sinistralité.

Puis en 2017, les erreurs de procédure en appel constituaient la 2nde cause de sinistralité avec 20,4 % des sinistres déclarés

Sur la seule année 2018, le nombre de sinistres a augmenté de près de 50 % pour les 35.724 avocats sont assurés par la Société de Courtage des Barreaux (SCB) pour devenir la 1ère cause de sinistralité.

Les principales causes de sinistres identifiées sont principalement :
• le non-respect des délais de l’appelant pour conclure dans plus de 50% des sinistres ;
• le non-respect du délai de l’intimé pour 25% des cas ;
• le non-respect de la dénonciation de la déclaration d’appel dans 20 % des sinistres ;
• le non-respect du délai d’appel pour 5% des sinistres.

Les données communiquées par le barreau de Paris, confirment que le taux de sinistralité en appel pour les avocats parisiens a également augmenté, sur la période 2008 à 2018, de plus de 20 % par rapport à l’ensemble des sinistres constatés et les erreurs consécutives à l’application des nouvelles procédures apparues depuis 2013 représentent plus de la moitié des cas et des coûts recensés en 2018.

Ces chiffres certifiés conformes avec les données du bureau des assurances de l’ordre des avocats au barreau de Paris le 14 mai 2019, soit plus de 70 dossiers pour un coût de 1,5 millions sur un total de 138 dossiers pour un coût de 2,6 millions.

Cette situation risque d’aboutir à une augmentation des primes d’assurance.

2) L’appel est le dernier degré de juridiction.

L’erreur n’est pas permise, les conséquences de la moindre erreur étant extrêmement lourdes et très souvent irrattrapables.

La procédure d’appel est autrement plus complexe et périlleuse que ne l’est la procédure de première instance.

Ainsi, une péremption en première instance laisse la possibilité d’assigner à nouveau, alors qu’en appel, la péremption donne force de chose jugée au jugement, ce qui met un terme au litige, sans possibilité de réintroduire une instance.

De la même manière, Il est nécessaire de connaître les délais propres à chaque recours, le point de départ du recours, et être en mesure d’inscrire immédiatement ce recours dans les formes imposées.
Le non-respect du délai de recours entraîne la forclusion, avec comme conséquence que le recours ne pourra plus être formé ultérieurement.

Habituellement, le délai pour faire appel est d’un mois pour les jugements et de quinze jours pour les ordonnances (article 538 du Code de procédure civile).

La procédure commerciale connaît le plus souvent des délais courts, de l’ordre de huit ou dix jours à compter de la notification.

Mais les délais pour faire appel sont très variables puisqu’ils peuvent être de 24 heures (en matière de funérailles : article R. 321-12 du Code de l’organisation judiciaire) ou de plusieurs mois (lorsque la partie est domiciliée à l’étranger : articles 643 et 644 du Code de procédure civile), et même plusieurs années (si le jugement n’a pas été signifié : article 528-1 du Code de procédure civile).

De la même manière, le « décret Magendie », a introduit de nouvelles sanctions, très sévères, dans l’hypothèse de conclusions remises ou notifiées hors les délais et les formes impératifs imposés par les nouvelles dispositions.

Des conclusions ou des appels incidents ou provoqués qui ne sont pas formés dans les délais et dans les formes requises entraînent de manière automatique la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions, sans possibilité de régularisation ultérieure.

Concernant les incidents de procédure soulevées d’office par le Conseiller de la mise en état ou à l’initiative de l’adversaire, si le décret du 6 mai 2017 a introduit la possibilité pour le Conseiller de la mise en état d’écarter les sanctions, les possibilités demeures très minimes puisqu’il convient pour l’avocat de démontrer le non-respect des délais provient d’un cas de force majeure.

La vigilance s’impose en matière de procédure de renvoi après cassation dont les délais pour le demandeur et le défendeur ont désormais été fixés par le décret du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration ou d’irrecevabilité des conclusions.

Surtout, le très bref délai de signification de la déclaration expose le demandeur au pourvoi à une brutale caducité dont les effets seront d’autant plus forts que la procédure a déjà fait l’objet d’au moins trois décisions préalables : un jugement, un arrêt de Cour d’Appel, d’un arrêt de Cassation.

II - Exigeant un véritable spécialiste.

1) La procédure d’appel exige une vigilance très particulière pour échapper aux pièges.

Il y a une spécificité de la procédure d’appel, encore renforcée par la nouvelle procédure d’appel "Magendie" complexe, qui exige une parfaite maîtrise des règles de la procédure civile, exigeant un véritable spécialiste du procès d’appel.

• L’accès au juge d’appel, les décisions susceptibles d’appel, l’appel impossible, l’appel soumis à autorisation spéciale, l’appel différé, les règles particulières à certaines juridictions ;

• La saisine du juge d’appel, la pratique du RPVA, les difficultés liées à la communication électronique, la cause étrangère ;

• L’objet de l’appel limité aux chefs du jugement déféré, le défaut de capacité d’ester en justice, le défaut de pouvoir, les majeurs protégés, la disparition de la personnalité juridique et les difficultés des entreprises ;

• La recevabilité de l’appel, les personnes ayant qualité pour interjeter appel, les changements de qualité, l’appel du ministère public, le changement dans la situation des parties, l’intérêt à interjeter appel, l’appel incident et l’appel provoqué, l’appel nullité ;

• Les délais d’appel, l’irrecevabilité des conclusions et la caducité de l’appel ; les procédures d’urgence à bref délai, les procédures relevant obligatoirement du jour fixe ; la procédure prioritaire, les procédures en matière de saisie immobilière, l’appel particulier du jugement d’orientation, l’appel en matière de compétence, l’appel en matière de procédures collectives ;

• Le double degré de juridiction et le respect du principe du contradictoire, la communication des pièces et des conclusions ; le principe de l’immutabilité du litige, l’effet dévolutif, l’appel voie de réformation ou d’achèvement, frontières entre prétentions nouvelles recevables et prétentions nouvelles irrecevables, les applications jurisprudentielles, l’intervention volontaire, l’intervention forcée devant la Cour, l’évolution du litige, l’évocation ;

• L’office du juge d’appel, les pouvoirs juridictionnels du Conseiller de la mise en état, la chose jugée, le sursis à statuer, la communication des pièces, l’irrecevabilité des conclusions et leur modélisation, les exceptions de nullité, les fins de non-recevoir, les incidents d’instance, l’interruption, la péremption, la radiation, le désistement , l’autorité des décisions du CME et les voies de recours ; le référé suspension, l’arrêt de l’exécution provisoire, sanction de l’inexécution des condamnations provisoires de droit, ordonnées par le juge ou interdite ; aménagement de l’exécution provisoire.

2) Les pratiques actuelles très différentes selon les Cours quant à l’application du décret du 6 mai 2017.

Cela ne simplifie pas la gestion des multi-contentieux et la surveillance des délais notamment en matière d’appel de référés, d’affaires familiales, de décisions du juge de l’exécution ou encore de décisions concernant les procédures collectives.

La procédure d’appel est donc distincte de la procédure de première instance, et plus complexe, et elle exige du professionnel en charge de la postulation d’appel une parfaite connaissance de la procédure civile, et notamment en procédure civile d’appel.

L’avocat spécialiste en procédure d’appel, notamment celui qui a exercé précédemment les fonctions d’avoué à la Cour avant de devenir avocat a nécessairement la maîtrise de cette procédure d’appel.

En effet, il a traité, durant son activité professionnelle, des milliers de dossiers en appel, ce qui en fait un véritable spécialiste de l’appel.

Il garantit que la procédure sera scrupuleusement respectée, et que le dossier ne sera pas irrémédiablement perdu pour un problème de pure procédure.

Il peut intervenir en appel, en qualité d’avocat postulant, seul ou aux côtés de l’avocat plaidant qui sera alors en charge de la rédaction des conclusions et des plaidoiries.

Il peut proposer également une prestation, incluant notamment la rédaction de toutes conclusions, les plaidoiries sur incident ou déféré et l’exécution de la décision.

III - Pour être spécialiste, il faut traiter régulièrement un certain nombre de dossiers et mener très fréquemment la procédure d’appel.

1) L’activité, le nombre des appels civils par an rapporté à l’effectif des avocats ne permet pas à chacun de développer une pratique performante de la procédure susceptible de compenser ou de capitaliser une formation.

L’inspection Générale de la Justice (IGJ) a remis le 21 novembre 2019 à Madame le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice le rapport "sur le Bilan des réformes de la procédure d’appel en matière civile, commerciale, sociale et perspectives".

Les travaux ont porté sur l’activité de l’ensemble des cours d’appel sur la période 2009 à 2018.

La mission conclut que les cours d’appel se sont heurtées à l’impossibilité de réduire leur stock d’affaires en cours même si elles ont fait évoluer leurs méthodes de travail et leur organisation et que les réformes procédurales successives, en matière civile, commerciale et sociale ont entrainé une sinistralité accrue.

Si des formations sont assurées par les Barreaux, l’activité, le nombre des appels civils par an rapporté à l’effectif des avocats ne permet pas à chacun de développer une pratique performante de la procédure susceptible de compenser ou de capitaliser une formation.

2) L’avocat qui, à longueur d’année, mène des procès d’appel est un avocat spécialiste du procès d’appel.

Ses compétences sont éprouvées par une pratique régulière de la matière.

Il permet de bénéficier d’un concours efficace malgré le coût induit par cette intervention.

Cette intervention est parfaitement acceptée et comprise par le client lorsqu’il lui aura été expliqué en amont les spécificités de cette procédure pleine de chausse-trappes.

En revanche, l’avocat qui, très épisodiquement au cours de l’année, représentera une partie devant la Cour, ne le sera pas.

L’avocat qui, à longueur d’année, mène une activité de conseil et d’assistance en droit est un avocat spécialiste du fond du droit.

Il accompagne et guide son client qui n’est pas suffisamment armé dans les méandres du droit civil, du droit commercial et du droit social.

Le spécialiste est une garantie pour le justiciable et un avantage pour le plaideur qui trouve auprès de l’expert en procédure civile d’appel : la sécurité et la responsabilité.

L’expert et le plaideur peuvent ainsi dans l’intérêt du client, réfléchir ensemble à ma meilleure stratégie procédurale pour assurer la défense des intérêts du client et c’est ce qui se passe dans la pratique.

IV - Le double regard, apparaît bien utile.

D’une manière très paradoxale, les différentes réformes dites de simplification de la procédure d’appel menées depuis 2009, dont on peut citer la suppression des avoués, la dématérialisation des procédures et l’entrée en vigueur du décret Magendie I de 2009 et Magendie II de 2011 et qui se sont accélérées en 2016 et 2017 ont abouti une procédure d’appel spécifique exigeant un véritable spécialiste du procès d’appel.

Les difficultés rencontrées par les avocats moins rodés aux rouages de la procédure ont ainsi contribué à réorienter un flux de dossiers vers ceux qui en demeurent les spécialistes.

Par vagues, avec des avancées et des reculs, au rythme des réformes.

1) Les chausses trappes évoluent constamment, la manière de présenter les moyens de procédures peut avoir un impact direct sur le bénéfice, la gestion et le suivi de la procédure demande du temps.

L’Avocat, spécialiste en procédure d’appel, représente la partie, accomplit sous sa responsabilité tous les actes de procédure et travaille de concert avec l’avocat plaidant.

L’application de délais drastiques...la jurisprudence portant à la fois sur l’autorité de la chose jugée et sur la nécessité de concentrer l’ensemble des moyens, voir même les demandes nées d’une même cause dans une même instance, dans toutes ces situations, le double regard de deux spécialistes devant le Tribunal et devant la Cour, apparaît bien utile.

Il est le copilote du procès, un spécialiste de la procédure et un généraliste du droit.
Il y a dans cette situation, la nécessité de regarder les choses dans leur globalité et il est donc impératif de la confier à des avocats spécialistes.

Il convient, en tout état de cause, de maîtriser parfaitement cet enchaînement car les sanctions sont extrêmement sévères.

Face à ces difficultés, le praticien se doit non seulement de se munir d’un agenda qui lui permet d’intégrer, dès le début de la procédure, l’arbre des hypothèses et de se créer des alertes, mais aussi d’adopter des réflexes de prudence.

Pour être complet il faudrait également évoquer les délais de distance, les cas particuliers des procédures d’urgence et la possibilité de demander une procédure accélérée.

L’existence de ces délais à tiroir, aux conséquences drastiques ne manquent pas....

Bref, il existe de nombreuses raisons de confier cette tâche à un expert.

2) Devenus experts, on vient les chercher pour les affaires complexes ou stratégiques, ou en urgence lorsque survient un problème sur un dossier.

Si, en théorie, il n’y a plus qu’un interlocuteur, en pratique, par la volonté des parties, il y en a souvent deux.

A l’instar de l’anesthésiste et du chirurgien, qui sont une garantie pour le patient, c’est un avantage pour le justiciable et un avantage pour le plaideur qui trouve auprès de l’expert en procédure civile d’appel : la sécurité et la responsabilité.

L’expert et le plaideur peuvent ainsi dans l’intérêt du client, réfléchir ensemble à ma meilleure stratégie procédurale pour assurer la défense des intérêts du client et c’est ce qui se passe dans la pratique.

Le travail commun est productif et harmonieux.

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

11 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs