Marque notoire et opposition à l’enregistrement d’une marque : "La française des yeux".

Par Adrien Cohen-Boulakia, Avocat.

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Explorer : # marque notoire # opposition à l'enregistrement # risque de confusion # notoriété de la marque

Chacun aura pu deviner à la lecture de ce titre la marque qui fut invoquée à l’appui de l’opposition formée contre l’enregistrement de la marque « la française des yeux ». Il s’agit bien évidemment de la marque « la française des jeux ».

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Marque notoire et opposition à l’enregistrement d’une marque : la française des yeux

Chacun aura pu deviner à la lecture de ce titre la marque qui fut invoquée à l’appui de l’opposition formée contre l’enregistrement de la marque « la française des yeux ». Il s’agit bien évidemment de la marque « la française des jeux ».

1/ Contexte du litige.

La société Française des jeux a formé opposition suite au dépôt de la marque « la française des yeux » pour désigner divers produits et services, et notamment des logiciels. Elle invoquait la notoriété de sa marque « la française des jeux », qui devait selon elle bénéficier d’une protection élargie.
Le déposant soutenait de son côté l’absence de risque de confusion pour le consommateur, dès lors que les produits et services sont différents.
L’INPI comme la Cour d’appel de Paris [1] ont rejeté l’opposition.
Elément important, les faits du litige sont antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 13 novembre 2019 qui a ajouté à la liste des droits antérieurs [2] la marque de renommée. L’opposition était donc fondée sur la marque notoire au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris.
Curieusement, la Française des jeux invoquait également une atteinte à la marque de renommée sur le fondement de l’article 713-5 du code de la propriété intellectuelle. La Cour d’appel de Paris a très logiquement rappelé que :
« Dans le cadre de la procédure d’opposition, sont inapplicables les dispositions de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle qui engage la responsabilité civile de l’auteur portant atteinte à une marque jouissant d’une renommée ».

2/ Sur la notoriété de la marque « la française des jeux ».

On imagine que la Française des jeux n’a pas hésité à fournir une multitude de pièces et extraits de sites internet de nature à prouver la notoriété de sa marque. Cependant, la Cour d’appel a considéré que les documents produits démontraient uniquement la notoriété de ladite marque « dans les domaines des jeux », et non pour les produits et services visés dans le dépôt de marque [3] objet du litige.

3/ Sur la comparaison entre les produits et services.

Le principal produit sur lequel la Française des jeux fondait son opposition concernait le « logiciel ». La Française des jeux soutenait qu’elle avait développé plusieurs applications mobiles et qu’il existait en conséquence un risque de confusion entre les signes.
Cette prétention illustre une nouvelle fois que le « logiciel », produit souvent visé dans les demandes d’enregistrement (tout comme le service de « publicité »), est encore mal compris par les déposants. Ainsi, la Cour d’appel rappelle que les logiciels s’entendent de « programmes informatiques permettant à un ordinateur d’exécuter une tâche particulière ». Elle en déduit ainsi logiquement qu’ils « n’ont pas la même nature, la même fonction que les jeux qui recouvrent des articles ludiques destinés au divertissement ».

4/ Comparaison entre les signes.

De façon en revanche très critiquable, la Cour d’appel a considéré que les signes en présence produisaient une impression d’ensemble différente, tant sur le plan visuel, phonétique, et intellectuel, soulignant la différence entre les vocables « jeux » et « yeux ». Pourtant, plusieurs arguments auraient pu être soulevés pour démontrer au contraire de fortes similitudes, essentiellement phonétiques entre les signes, qui ont en commun la même séquence d’attaque [la française des], et ont des sonorités quasi identiques. Cliquez-ici pour en savoir plus sur l’analyse du risque de confusion entre les marques [4].
Ainsi, la Française des jeux aurait légitimement pu davantage souligner ses importantes similitudes, tout comme la notoriété de sa marque, qui à notre sens, aurait pu largement compenser les faibles différences entre les signes.

La solution eut-elle était différente si le litige avait été soumis aux dispositions issues de l’ordonnance du 13 novembre 2019 ? Il est certain en tout cas que la Française des jeux aurait bénéficié d’un fondement textuel supplémentaire, et prétendre ainsi que l’usage du signe « la française des yeux » pourrait permettre à son titulaire de tirer indûment profit du caractère distinctif et de la renommée de sa marque « la française des jeux ».

Me Adrien COHEN-BOULAKIA
https://www.nioumark.fr

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Notes de l'article:

[1Cour d’appel de Versailles, 30 avril 2020, n° 19/07248

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