L’impact matériel, financier et psychologique d’une procédure d’expulsion pour un propriétaire-bailleur est tel que les facteurs liés à l’efficacité et la durée des démarches sont décisifs.
La loi nouvelle, si elle est votée, apportera-t-elle des solutions aux deux préoccupations principales de la matière :
Faciliter l’expulsion (1)
La rendre plus rapide (2) ?
1. La résiliation du bail sera-t-elle bientôt plus facile à obtenir devant le juge ?
A l’origine, le texte déposé auprès de l’Assemblée nationale le 5 avril 2022 prévoyait d’insérer obligatoirement une clause résolutoire pour loyers impayés dans tous les contrats de location d’habitation et de résilier systématiquement un bail d’habitation en cas de loyers impayés.
Or, le texte actuel, dans sa dernière version adoptée par l’Assemblée Nationalité le 4 avril 2023 et soumise au Sénat, a connu de multiples remaniements.
En l’état, la clause résolutoire prévoit expressément qu’en cas de loyer impayé et à défaut de règlement de l’intégralité de la dette locative par le locataire dans un délai de 2 mois (6 semaines après la réforme) à compter de la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire, le bail est résilié automatiquement.
L’insertion obligatoire d’une clause résolutoire.
En l’état actuel du droit, l’insertion d’une clause résolutoire dans les baux d’habitation n’est pas obligatoire. En pratique, elle est de style mais, son absence complexifie la mise en œuvre de la procédure judiciaire pour loyers impayés.
La proposition de loi, dans sa version actuelle, obligera désormais à insérer obligatoirement une clause résolutoire dans tous les baux d’habitation.
L’impact d’une clause résolutoire dans un bail d’habitation.
En l’état actuel du droit et en pratique, lorsqu’un locataire ne règle pas l’intégralité de sa dette dans le délai et qu’il ne part pas, peu importe sa bonne ou mauvaise foi, un propriétaire bailleur est contraint de saisir les tribunaux pour obtenir la résiliation effective du bail et ainsi l’expulsion du locataire, outre le règlement de ses loyers impayés.
En pratique également et contrairement à une fausse croyance très répandue, le juge dispose toujours d’un pouvoir d’appréciation quant à l’application de cette clause et peut refuser de prononcer l’expulsion en suspendant les effets de la clause résolutoire.
Ce type de contentieux d’apparence simple, ne l’est pas toujours et il revient à l’avocat du propriétaire bailleur d’obtenir l’expulsion effective du locataire.
La proposition de loi dans sa version initiale prévoyait de résilier automatiquement le bail, sans qu’il soit possible d’y déroger.
Cependant, dans sa dernière version, le texte prévoit qu’une suspension des effets de la clause résolutoire sera possible
« à la demande du locataire, du bailleur ou d’office à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ».
En réalité, cette disposition ne fait que consacrer la pratique judiciaire existante et il appartiendra toujours au propriétaire-bailleur de faire valoir cette clause devant les tribunaux lorsque le locataire mauvais payeur n’est pas parti de son plein gré.
2. L’expulsion sera-t-elle bientôt plus rapide pour un bailleur afin de récupérer son logement ?
Dans un souci de célérité des procédures, le texte actuel, dans sa dernière version du 4 avril 2023, réduit certains délais de procédure, à savoir :
- L’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 sera modifié puisque le délai de 2 mois sera réduit à 6 semaines. Ainsi, un locataire ne disposera que de 6 semaines pour payer l’intégralité de sa dette locative après la délivrance d’un commandement payer les lieux visant la clause résolutoire - le propriétaire-bailleur pourra ensuite l’assigner.
- Il y aura lieu d’informer la CCAPEX (Commission spécialisée de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) lorsque la situation d’impayés de loyers dure depuis 2 mois ou est équivalente à 2 fois le montant du loyer mensuel hors charges.
- Le délai entre la signification de l’assignation à la CCAPEX et l’audience sera, lui aussi, réduit de 2 mois à 6 semaines.
- Le délai accordé aux locataires pour quitter les lieux après un jugement d’expulsion, prévu par l’article L412-1 du Code des procédures civiles d’exécution sera réduit de 3 ans à 1 an et sera conditionné à la bonne foi de la personne expulsée et si elle n’est pas rentrée dans les locaux « à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ».
Si la réduction théorique de ces délais de procédure constitue une avancée concrète, un propriétaire bailleur sera toujours dépendant des délais de chaque Juridiction pour juger et ceux qu’elle accorde.
En pratique, en l’état actuel du droit, le juge prend déjà en considération la bonne ou mauvaise foi du locataire même si ce critère n’est pas expressément énoncé ainsi que les capacités de règlement de la dette locative pour accorder des délais et il est très rare que des délais supérieurs à 1 an soient accordés.
En conséquence, les apports prévisibles de cette proposition de loi seront peu sensibles pour un propriétaire bailleur qui devra toujours réagir énergiquement.
Le cabinet se tient à la disposition des propriétaires-bailleurs victimes de loyers impayés afin de porter leurs intérêts et faire valoir leurs droits devant les tribunaux.