On se souvient que le Conseil d’Etat avait desserré un peu l’étau de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme, en jugeant en 2020 que « le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions » (CE, 3 avril 2020, M. Fontenay, n° 419139 et autres, T. pp. 1045-1063 ; V. sur ce point notre article Loi Littoral et extension d’une construction en zone d’urbanisation diffuse).
Par un avis du 30 avril 2024 (Conseil d’état, 6ᵉ - 5ᵉ chambres réunies, 30/04/2024, 490405, Publié au recueil Lebon) les juges du Palais Royal viennent toutefois de tempérer cet assouplissement en l’encadrant significativement.
D’une point de vue urbanistique, la notion d’extension d’une construction a été récemment précisé par le Conseil d’Etat comme :
« lorsque le règlement d’un plan local d’urbanisme (PLU) ne précise pas, comme il lui est loisible de le faire, si la notion d’extension d’une construction existante, lorsqu’il s’y réfère, comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension, celle-ci doit, en principe, s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci » (Conseil d’État, 1ʳᵉ - 4ᵉ chambres réunies, 09/11/2023, 469300).
Ainsi, et selon ces principes, en présence d’une construction de 100 mètres carrés de surface de plancher, l’ajout de 99 mètres carrés, même s’il est non mesuré, s’avère rentrer dans la définition de l’extension d’une construction existante.
La question se posait alors de savoir s’il était possible, d’effectuer plusieurs extensions, au fur et à mesure, tant que l’agrandissement en cause, restait sous la barre du critère de la dimension inférieure.
Le potentiel d’une telle stratégie pouvait donc conduire à des constructions au final, très importante, dès lors que la base servant au calcul de ce critère augmentait à chaque fois.
Bien conscient de cette situation, le Tribunal administratif de Bastia a alors formulé une demande d’avis au Conseil d’Etat pour connaître les limites de la jurisprudence M. Fontenay.
Aux termes de son avis, le Conseil d’Etat vient alors affiner sa jurisprudence en jugeant que :
« toutefois, le simple agrandissement d’une construction existante, 1) c’est-à-dire une extension présentant un caractère limité au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de la nature de la modification apportée, ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation prohibée par ces dispositions....2) Le caractère limité de l’agrandissement envisagé s’apprécie par comparaison avec l’état de la construction initiale, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des éventuels agrandissements intervenus ultérieurement.... S’agissant toutefois des constructions antérieures à la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, le caractère de l’agrandissement envisagé s’apprécie par comparaison avec l’état de la construction à la date d’entrée en vigueur de cette loi ».
En premier lieu, la notion d’extension est expressément précisée avec des critères précis.
Ainsi, le caractère limité devra prendre en compte la taille, la proportion et la nature par rapport à la construction existante.
Un projet d’agrandissement qui serait moins important en superficie nouvelle pourrait ne pas rentrer dans cette définition, s’il conduit à l’édification d’un bâtiment d’une hauteur ou d’un gabarit supérieur à l’existant.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat oblige à prendre en compte la nature de la modification apportée.
Ce dernier critère pourra alors s’avérer particulièrement rédhibitoire pour certains projets.
En effet, comme l’indique M. Nicolas Agnoux dans ses conclusions lues sous cette décision du 30 avril 2024 :
« cette dernière exigence devrait s’appliquer de manière particulièrement rigoureuse s’agissant ici d’une dérogation à la non-constructibilité. L’aménagement de combles comme l’adjonction à une maison d’habitation d’une nouvelle chambre ou d’une terrasse de taille mesurée, ne soulèveront donc en principe pas de difficultés, à la différence d’hypothèses assimilables à de nouvelles constructions, tels que des projets tendant à juxtaposer, verticalement ou horizontalement par rapport à une maison d’habitation préexistante, un logement autonome. Selon nous, elle devrait également s’opposer à des projets d’extension des hôtels ou des commerces ayant pour objet d’augmenter les capacités d’accueil du public. Ainsi, et par analogie, l’article L121-11 ne permet de déroger au principe d’urbanisation en continuité pour la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, qu’à la condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus ».
Ainsi, par exemple, un projet d’extension d’un restaurant, en vue de permettre de servir plus de clients, ne pourra pas être considéré comme l’extension d’une construction existante en application de ce critère. En revanche, si l’extension vise en réalité uniquement à réaménager la cuisine pour offrir plus de place aux cuisiniers, alors il s’agira d’une extension.
La difficulté vient toutefois du fait qu’une fois l’extension réalisée pour un tel motif, rien n’interdit de faire des réaménagements intérieurs pouvant conduit, fort opportunément, à utiliser les mètres carrés supplémentaires pour permettre d’accueillir plus de clientèle.
De la même manière, le détachement d’un logement, à partir d’un bâtiment existant, n’est soumis à aucune autorisation d’urbanisme tant que celle-ci ne s’accompagne pas de surface de plancher supplémentaire ou de modifications de l’aspect extérieur d’un bâtiment.
Si le critère de la nature de l’extension risque de conduire à limiter beaucoup de projets, il n’est cependant pas suffisamment encadré par le droit de l’urbanisme pour s’assurer du respect de ce cadre strict.
En second lieu, et c’est le deuxième enseignement important de cette jurisprudence le « droit de tirage de mètres carré », pour reprendre l’expression du rapporteur public, est ici temporellement encadré.
Pour les constructions édifiées avant l’entrée en vigueur de la loi Littoral, c’est-à-dire avant le 5 janvier 1986, c’est compte tenu de leur état à cette date que les critères seront vérifiés.
Pour les constructions édifiées postérieurement, il conviendra alors de tenir compte de l’état de la construction initiale, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des éventuels agrandissements intervenus ultérieurement.
Les choses sont donc clarifiées d’un point de vue temporel.
L’application de ces principes risque toutefois d’être compliquée, obligeant parfois des communes à faire des recherches pas toujours aisées, pour connaître l’état du bâtiment à prendre en compte.
Elle risque de limiter beaucoup de nouveaux projets pour des acquéreurs ayant acheté un bien avec un projet d’extension qui finalement n’est plus possible si toutes les cartouches ont été consommées par les précédents propriétaires.
Des recours indemnitaires peuvent alors être envisagés s’il s’avère qu’aucun agrandissement n’est possible.