En 2017, 31.500 annonces ont été mises en ligne sur Airbnb, dans le département des Alpes-Maritimes.
Nice occupe ainsi un tiers de ces locations, tandis que la ville de Cannes apparaît comme la 2e destination azuréenne pour les vacanciers avec 7.600 annonces postées sur le site pour 85.000 voyageurs à Cannes.
Dans la même année, la plateforme Airbnb a enregistré 584.000 arrivées de voyageurs dans le département pour un impact économique évalué à 560 millions d’euros.
Face à la montée des locations meublées touristiques proposées sur les plateformes, un nouveau règlement a été adopté à l’unanimité à l’issue d’une délibération du bureau métropolitain en date du 21 décembre 2018.
Présidé par le Maire Christian Estrosi, le bureau métropolitain a mis en place un Règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation et déterminant les compensations pour la ville de Nice [1].
L’objectif affiché par la métropole étant d’ « éviter la spéculation » au sein de l’activité de location d’habitation mais également de rétablir un équilibre entre les locations meublés et les hôtels afin de mettre fin à une « concurrence déloyale ».
Cette analyse a donc pour objet de mieux éclairer le citoyen sur la réglementation des locations meublées touristiques dans la métropole de Nice.
1- Rappel de la réglementation sur les logements meublés touristiques dans la métropole de Nice.
La ville de Nice apparaît comme une ville pionnière en matière de régulation de locations meublées touristiques [2]
Dès juillet 2014, un encadrement de la location des meublées touristiques sur la commune de Nice a été instauré. En ce sens, la demande d’autorisation temporaire de changement d’usage n’était valable que 3 ans et renouvelable 2 fois ce qui faisait un total de 9 ans maximum [3]
La municipalité a ainsi mis en place un régime d’autorisation temporaire de changement d’usage limitée à 50% de la surface de plancher des biens immobiliers.
De plus, le contrat de location devrait être conclu pour une durée maximale et non renouvelable de 90 jours consécutifs.
En outre, la ville de Nice n’accordait que trois autorisations maximum par propriétaire.
En juin 2015, une procédure de simplification de la délivrance des autorisations temporaires de changement d’usage a été instaurée [4].
A partir de cette date, la demande d’autorisation temporaire se fait sur la base d’un formulaire CERFA.
A l’instar d’autres villes telles que Paris, le conseil municipal a instauré en 2017, une déclaration d’enregistrement obligatoire « pour toute location de courte durée d’un local meublé, en faveur d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ».
Cependant, malgré les mesures instaurées, la municipalité a constaté durant l’année 2018 un impact négatif du développement des meublés touristiques au détriment du logement des niçois et de l’activité des hôteliers.
Le président du syndicat des hôteliers Nice Côte d’Azur, Denis Cippolini a estimé que « L’influence des locations de meublés sur le marché hôtelier est énorme. Le nombre d’appartements équivaut à vingt fois l’hôtel Méridien, sur la promenade des Anglais ».
C’est dans ce contexte que le bureau métropolitain présidé par Monsieur Christian Estrosi, a l’issue d’une délibération en date du 21 décembre 2018 a adopté le nouveau règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation et déterminant les compensations pour la ville de Nice.
2- Les nouvelles obligations incombant aux propriétaires souhaitant louer leur logement en meublé touristique dans la ville de Nice.
De quoi s’agit-il ?
La réglementation de la ville de Nice présente deux régimes distincts dans le cadre de la location de meublés touristiques.
A titre liminaire, le régime de la location meublée touristique des personnes physiques :
Pour les propriétaires qui louent leurs résidences principales dans la limite des 120 jours : Ceux-ci sont dispensés d’une demande d’autorisation de changement d’usage de locaux d’habitation auprès de la municipalité.
Pour les propriétaires souhaitant louer leurs résidences secondaires en location meublées touristiques : Une demande préalable d’autorisation de location de meublées touristiques est nécessaire.
A cet égard, on distingue entre le 1er logement et les locations meublées à partir du 2ème logement.
Sur le 1er logement mis à la location meublée touristique :
Une seule autorisation temporaire sans compensation d’une durée de 6 ans non renouvelable peut être accordée par propriétaire.
Il faut dire que l’autorisation est limitée à une résidence par foyer fiscal.
Ainsi, si le propriétaire désire poursuivre la location après la période de 6 ans, il sera soumis automatiquement au régime de la compensation.
A partir du 2ème logement mis à la location par le même propriétaire :
Une compensation est obligatoire dès le 2ème logement ce qui signifie que le propriétaire devra acheter un local de surface équivalente à son bien dans le but de compenser la perte du local d’habitation.
A titre secondaire, le régime des personnes morales notamment les SCI :
Les personnes morales souhaitant pratiquer la location meublée touristique seront automatiquement soumises à une obligation de compensation à partir du 1er logement.
Ainsi, dès le premier appartement en location saisonnière, un second local devra être proposé en location pure par le propriétaire. Selon le Maire Christian Estrosi « Cela permettra de maintenir une offre de logement suffisante pour les étudiants, les actifs et les retraités » [5].
En quoi consiste la compensation ?
La compensation consiste en une transformation de surfaces commerciales en logements afin de combler la perte de surfaces d’habitation du local transformé.
Comment est-elle mise en œuvre ?
Le demandeur la propose sur son propre patrimoine ou sur le patrimoine d’un tiers qui lui cède cette possibilité à titre onéreux ou gratuit. Cette compensation a pour but la préservation de l’équilibre entre l’habitat et les activités économiques [6].
Dans le cadre de la réglementation niçoise, le propriétaire aura deux solutions :
Acheter un titre de compensation à un tiers qui possède des locaux afin de les transformer en logements ;
Proposer de transformer des logements qu’il détient en surfaces commerciales
Il apparait clairement au regard de ce qui précède que le règlement de Nice se rapproche majoritairement de la réglementation de Paris notamment en ce qui concerne la distinction entre résidence principale et résidence secondaire, le régime de compensation.
La différence majeure se situe au niveau du caractère temporaire de la demande d’autorisation.
Tandis que la ville de Paris prévoit une autorisation sans limitation de durée, la municipalité niçoise quant à elle instaure une autorisation temporaire d’une durée de 6 ans non renouvelable.
Par ailleurs, la Métropole et la Ville de Nice s’est doté d’un Pôle protection logements composé de plusieurs agents assermentés chargés d’effectuer des contrôles réguliers.
A l’issue de ces contrôles, des constats d’infractions pourront être dressés par les agents assermentés de la ville.
A ce stade, il est primordial de se faire assister d’un avocat qui pourra adresser un courrier à la ville de Nice.
Dans le cadre de son expertise, l’avocat pourra indiquer que le propriétaire a cessé l’infraction ou est sur le point de cesser. Mieux que l’activité de location meublée touristique du propriétaire est bel et bien légale.
L’envoi de ce courrier par un avocat spécialisé doit ainsi mettre en lumière la coopération du client à travers la démonstration de la clôture de son compte, la remise en location du logement, mais encore des circonstances atténuantes (chômage, état de santé etc…).
Pour une illustration, et par un jugement rendu en décembre 2018, le Juge du Tribunal de Grande Instance de Paris a fixé une amende inférieure à 5.000,00 euros en suite d’un tel courrier d’avocat en tenant compte de l’enrichissement réel du client, mais également de sa coopération lors de l’opération de contrôle et des circonstances atténuantes.
En conséquence, les démarches mises en œuvre par l’avocat visent à minimiser les risques encourus par les propriétaires en cas d’infraction à la réglementation
3- Les risques encourus par les propriétaires en cas d’infraction à la réglementation.
Lorsqu’un propriétaire est assigné par la ville de Nice au titre de la violation de la réglementation sur les locations meublées touristiques, celui-ci peut se voir infliger d’importantes sanctions.
Une liste de sanctions est susceptible d’être prononcées à l’encontre du propriétaire.
Sur le plan civil, les propriétaires en situation illégale s’exposent à des sanctions suivantes :
La nullité des accords et des conventions conclus en violation de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation ;
Une amende civile pouvant aller jusqu’à 50.000 euros par local transformé illégalement ;
La remise en état des lieux sous astreinte judiciaire.
Sur le plan pénal, le règlement prévoit une peine d’un an d’emprisonnement ainsi qu’une amende pouvant aller jusqu’à 80.000 euros.
Au stade de la procédure d’assignation, l’assistance d’un conseil juridique peut constituer un atout majeur.
En effet, et à l’instar du courrier envoyé à la Ville lors de l’opération de contrôle, l’avocat a pour mission soit de démontrer l’absence d’infraction, soit tenter de démontrer que cette infraction ne peut faire l’objet d’une amende aussi importante.
Car, s’il est vrai que la ville de Nice peut assigner le propriétaire afin de lui infliger une sanction, il importe de préciser que les procédures ne peuvent être jugées actuellement par le Tribunal de grande de Nice et ce, en raison d’une question préjudicielle posé par la cour de cassation à la cour de justice de l’union européenne sur la conformité de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation à une directive européenne.
4) Le gel des procédures : obstacle majeur à l’application du règlement par la ville de Nice.
Tout comme Paris, la ville de Nice se heurtera dans l’application du règlement au sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Les propriétaires assignés peuvent par l’intermédiaire de leur avocat, solliciter ce sursis à statuer devant le Tribunal de Grande Instance de Nice.
Car, en effet, la Cour de justice de l’union européenne (CJCE) a été saisie d’une question préjudicielle par un arrêt de la cour de cassation en date du 15 novembre 2018 (RG n° 17-26.158) afin de statuer sur la conformité de l’article L.631-7 du Code de la Construction avec les dispositions de la directive européenne service 2006/123/CE [7].
Faut-il le rappeler, l’article L.631-7 du Code de la Construction apparait comme la pierre angulaire de l’encadrement de la réglementation des locations meublées touristiques.
La cour de cassation interroge la cour de justice de l’union européenne sur la validité de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation au regard des critères très précis fixés par la directive.
La directive européenne prévoit que les régimes d’autorisation fixés par les Etats doivent être clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance mais encore transparents et accessibles.
Or, l’article L.631-7 du Code de la construction comporte une rédaction qui pourrait être contraire à ces critères fixés par la directive.
En l’espèce, le texte sur lequel prend appui le règlement de Nice évoquerait des termes imprécis comme « de manière répétée », « courte durée » ou encore « clientèle de passage ».
Telles sont en substance les questions soulevées dans le domaine des locations meublées de courte durée, sur lesquelles la Cour de Justice de l’Union Européenne va prochainement être amenée à se prononcer.
Dans ce contexte, le Tribunal de Grande instance de Paris sursoit systématiquement à statuer dans toutes les affaires dont il est saisi par la Ville de Paris au titre des manquements des propriétaires ne respectant pas la réglementation des locations meublées touristiques en attendant la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
De la même manière, il est prévisible que les Tribunaux des grandes villes de France notamment le Tribunal de Grande d’Instance de Nice s’alignent sur cette solution jurisprudentielle d’attente.
En revanche, il convient toutefois de préciser que la suspension des procédures ne signifie pas que le texte de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation est irrégulier.
Ce dernier reste en vigueur dans l’attente d’une décision contraire qui ne sera pas connue avant la fin de l’année 2019.
5) L’impact de la nouvelle règlementation sur la location meublée touristique à Nice.
Au regard de ce qui précède, il ne fait aucun doute que le règlement adopté par la ville de Nice aura des impacts considérables sur l’activité de location meublée touristique dans la métropole azuréenne.
Car, en effet, les propriétaires qui souhaiteraient proposer leur bien à la location meublée touristique dans la métropole Niçoise devront soit s’aligner sur ces mesures restrictives soit se tourner vers la location classique. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la rentabilité de leur investissement locatif.
Selon l’observation du tourisme de la Côte d’Azur, sur tout le parc total de résidences secondaires, les Alpes-Maritimes figurent depuis 2013 au 1er rang des Départements français.
C’est dire l’importance de la location de meublée touristique dans la région.
Malgré cette situation très alarmante, les propriétaires pourront se tourner vers un nouveau type de locations meublées instauré par la loi Elan.
Depuis, le 24 novembre 2018, la loi Elan permet aux propriétaires de conclure des locations meublées dans le cadre d’un bail mobilité.
Une aubaine pour les propriétaires qui souhaiteraient poursuivre leurs activités de locations meublées.