Le licenciement pour motif économique en droit anglais.

Par Alain-Christian Monkam, Avocat.

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Explorer : # licenciement économique # droit du travail # procédure de licenciement # flexibilité de l'emploi

Le gouvernement français songe, semble t-il, à simplifier les règles du licenciement économique. C’est l’occasion de revenir brièvement sur le déroulement de ce licenciement en Angleterre ’redundancy’, lequel offre un bel exemple de flexibilité et explique notamment le faible taux de chômage des Anglais (5,1% contre 10,2% en France).

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I- Motif économique

Le droit français enferme le licenciement économique dans une définition complexe qu’il est difficile, même pour un professionnel du droit, de comprendre et de mettre en œuvre pour ses clients. L’article L. 1233-3 du Code du travail dispose en effet que « le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (...) ». Et comme si cela ne suffisait pas, l’article L. 1233-4 du Code du travail ajoute que : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.(...) ».

En revanche, en Angleterre, la définition du licenciement économique ne tient aucun compte de l’état financier de l’entreprise. Section 139 de l’Employment Rights Act (ERA) 1996 indique : « an employee who is dismissed shall be taken to be dismissed by reason of redundancy if the dismissal is wholly or mainly attributable to—
(a)the fact that his employer has ceased or intends to cease—
(i)to carry on the business for the purposes of which the employee was employed by him, or
(ii)to carry on that business in the place where the employee was so employed, or
(b)the fact that the requirements of that business—
(i)for employees to carry out work of a particular kind, or
(ii)for employees to carry out work of a particular kind in the place where the employee was employed by the employer,
have ceased or diminished or are expected to cease or diminish »

En d’autres termes, le motif anglais du licenciement économique est constitué par le seul fait de la disparition totale ou partielle du poste du salarié visé. C’est le seul critère pris en compte, ce qui autorise bien entendu une très grande souplesse pour les entreprises qui peuvent adapter leurs effectifs suivant leurs besoins et la conjoncture. Au demeurant, la loi britannique ne crée textuellement aucune obligation préalable de reclassement. Il appartient cependant aux tribunaux anglais de vérifier, au cas par cas, si les efforts de reclassement accomplis par l’employeur ont été sérieux en fonction de la taille et les ressources de l’entreprise (Thomas and Betts Manufacturing Ltd v Harding 1980 IRLR 255, CA).

Il sera enfin relevé que cette définition du licenciement n’est applicable en Angleterre qu’en cas de rupture individuelle. En cas de licenciement collectif, la loi britannique va encore plus loin dans la flexibilité et écarte même toute définition du licenciement économique.

II- Procédure

En droit français, la procédure individuelle de licenciement économique est, là également, enfermée dans une procédure complexe à multiples étapes :
• convocation du salarié (visé par le critère de l’ordre des licenciements) à un entretien préalable en respectant le délai (5 jours ouvrables) et le formalisme prévus par les articles L. 1233-11 et R. 1232-1 et suivants du Code du travail ;
• proposition pendant l’entretien soit du contrat de sécurisation professionnelle (entreprise de moins de 1.000 salariés) soit du congé de reclassement au delà ;
• notification de la rupture après l’expiration d’un délai de 7 jours ouvrables (ou de 15 jours pour les cadres). La lettre de licenciement doit respecter le formalisme prescrit par l’article L. 1233-16 du Code du travail (énoncé du motif économique, priorité de réembauchage etc.) ;
• dans un délai de 8 jours, information de l’administration du licenciement intervenu.

En Angleterre, c’est simple, la loi ne fixe aucune procédure obligatoire de licenciement économique (ni de licenciement pour motif personnel d’ailleurs). Mais se substituant à la loi, la jurisprudence (Williams and others v Compair Maxam Ltd 1982 ICR 156, EAT) a posé depuis longtemps le principe de « procédure juste » (« procedural fairness »), ce qui signifie :
• appliquer des critères objectifs d’ordre de licenciement
• consulter un syndicat s’il en existe un dans l’entreprise
• consulter le salarié intéressé sur l’imminence de la mesure de licenciement
• expliquer au salarié les critères selon lequel il a été choisi
• proposer un poste de reclassement s’il est disponible
• notifier la rupture du contrat

Cette procédure légère ne fixe aucun délai qui est laissé au bon sens de l’employeur. Enfin, on notera qu’en Angleterre, il n’existe aucune obligation de motiver une lettre de licenciement (motif économique ou pas). Toutefois, le salarié ayant au moins 2 ans d’ancienneté peut solliciter les raisons de son licenciement, son employeur ayant 14 jours pour répondre. Au cas présent, s’il ne l’avait pas déjà fait, l’employeur se contentera d’écrire ’redundancy’ !

Alain-Christian Monkam
Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris
https://monkam.uk/

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