Existe-t-il une obligation de tenter une résolution amiable devant les nouveaux Tribunaux judiciaires ? Par Benoît Henry, Avocat.

Existe-t-il une obligation de tenter une résolution amiable devant les nouveaux Tribunaux judiciaires ?

Par Benoît Henry, Avocat.

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Explorer : # résolution amiable # tribunal judiciaire # médiation # conciliation

La loi de réforme de la justice contient plusieurs dispositions sur les modes alternatifs de règlement des litiges.
Poursuivant les objectifs initiés par la loi 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, la loi de programmation et de réforme de la justice comporte 110 articles, a été promulguée le 23 mars 2019.
Depuis la loi de modernisation de la justice de 2016, avant de saisir le tribunal d’instance, donc pour les litiges d’un montant inférieur à 10. 000 €, les parties doivent, sauf exceptions, avoir tenté une conciliation devant un conciliateur de justice ou justifier d’autres diligences pour parvenir à une résolution amiable de leur litige, à peine d’irrecevabilité de leur demande.
Pour prendre en compte la future fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, ces dispositions sont modifiées à compter du 1er janvier 2020.

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L’obligation de tenter une résolution amiable quand une demande relevant du Tribunal de Grande Instance (futur tribunal judiciaire) tendra au paiement d’une somme n’excédant pas 10.000€ ou sera relative à un conflit de voisinage, la saisine de ce tribunal devra, à peine d’irrecevabilité que le juge pourra prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation (par un conciliateur de justice), ou de médiation (dans les conditions de la loi 95-125 du 8 février 1995), ou encore de procédure participative.

I- Les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance sont désormais réunis sous une dénomination commune : les tribunaux judiciaires.

Ils seront présidés par une seule et même personne, le Président du Tribunal judiciaire.

La loi prévoit en son article 95 la suppression au 31 décembre 2019 du tribunal d’instance en tant que juridiction autonome, dotée d’un greffe qui lui était propre, d’un magistrat chargé de son administration et de magistrats qui étaient en charge de son service.

A compter du 1er janvier 2020, le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance fusionnent et deviennent le tribunal judiciaire.

En conséquence, Subsistera un seul tribunal, le tribunal judiciaire, dont le principe d’une compétence générale en matière civile est posé.

Au sein du tribunal judiciaire est créé le juge des contentieux de la protection dont les compétences sont limitativement énumérées et relèvent des problématiques liées à la vulnérabilité économique et sociale et touchent à un ordre public de protection.

Il est important de comprendre que le périmètre de ses compétences est plus limité que celui du tribunal d’instance actuel.

En province, lorsque les tribunaux de grande instance ont dans leur ressort des tribunaux d’instance qui ne se trouvent pas dans la ville du siège du tribunal de grande instance actuel, la loi prévoit la création de chambres de proximité.

A Paris, il n’y aura pas de chambres de proximité car l’ensemble des tribunaux d’instance (TI) sont dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris (TGI)

Un seul tribunal judiciaire sera spécialement désigné par décret pour le traitement des requêtes en injonction de payer de tout le territoire ; cette disposition entrera en application le 1er janvier 2021.

Les Tribunaux judiciaires deviennent en conséquence compétents pour toutes les affaires civiles et commerciales qui ne sont pas en raison de leur nature attribuées à une autre juridiction.

La loi de réforme de la justice étend la représentation obligatoire pour un certain nombre de contentieux très techniques (contentieux de l’exécution ou en matière douanière).

Dans ces matières, l’accompagnement par un avocat est une condition essentielle de l’effectivité du recours au juge.

Devant le juge de l’exécution, cette obligation ne concernera pas les expulsions et les litiges de moins de 10.000 euros.

L’extension de la représentation obligatoire est présentée comme un gage d’efficacité et de qualité de la justice rendue en matière civile.

Elle devrait assurer une meilleure présentation des causes devant les juridictions et favoriser la qualité des décisions juridictionnelles :
"Le principe de la représentation obligatoire des parties ne peut, en principe, qu’assurer une meilleure présentation des causes et favoriser la qualité des décisions juridictionnelles, dans un contexte de complexification du droit…"

Notez, dès à présent, que pour les nouvelles affaires, les avocats peuvent continuer à prendre date auprès du Bureau d’Ordre Civil du Tribunal d’Instance qui sera maintenu dans son organisation actuelle après la suppression du tribunal d’instance pour toutes les affaires relevant du pôle civil de proximité.

Une fois la date connue, les avocats demandeurs peuvent dès maintenant délivrer les assignations pour les audiences postérieures au 1er janvier 2020, en prenant garde :
- de saisir le tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de proximité du tribunal judiciaire ;
- au nom de l’audience car les acronymes employés devant le Tribunal d’Instance seront maintenus, le terme tribunal d’instance étant simplement remplacé par celui de pôle civil de proximité.

Exemple :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
POLE CIVIL DE PROXIMITÉ
AUDIENCE X

En outre, les avocats sont invités à placer dès que possible leurs assignations délivrées pour une date postérieure au 1er janvier 2020 afin d’éviter un encombrement massif du greffe au 2 janvier 2020, qui ne fera que retarder le traitement des affaires et mettre en difficulté le greffe.

II- L’obligation de tenter une résolution amiable.

Quand une demande relevant du tribunal de grande instance (futur tribunal judiciaire) tendra au paiement d’une somme n’excédant pas 10.000€ ou sera relative à un conflit de voisinage, la saisine de ce tribunal devra, à peine d’irrecevabilité que le juge pourra prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation (par un conciliateur de justice), ou de médiation (dans les conditions de la loi 95-125 du 8 février 1995), ou encore de procédure participative.

Sauf quand :
- l’une des parties au moins sollicitera l’homologation d’un accord ;
- l’exercice d’un recours préalable auprès de l’auteur d’une décision sera imposé ;
- l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable prévus sera justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ;
- le juge ou une autorité administrative devra, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
- le litige sera relatif à l’application des dispositions d’ordre public du Code de la consommation sur le crédit (Livre III, Chapitres II et III et section 2 à 7 du chapitre IV).

Un décret définira les modalités d’application de ces dispositions, notamment les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant en-deçà duquel les litiges seront soumis à l’obligation.

Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019 a précisé que, s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d’indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent.

Sous cette réserve, le grief tiré d’une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif a été écarté.

En étendant l’obligation pour les justiciables de tenter une résolution amiable de leur différend avant de recourir au juge, le législateur entend permettre le désengorgement des tribunaux et favoriser des modalités plus apaisées et plus rapides de règlement des différends.

III- Les pouvoirs du juge d’imposer un médiateur.

Depuis le 25 mars 2019, le juge peut, en tout état d’une procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, s’il n’a pas recueilli l’accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu’il désigne.

En outre, la disposition selon laquelle un médiateur ne pouvait pas être désigné par le juge pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps a été supprimée.

Les opposants à ce texte ont critiqué la faculté pour le juge de solliciter un médiateur dès lors que l’accès à celui-ci est rarement gratuit (à la différence d’un conciliateur).

Par ailleurs, lorsque le juge ordonne une médiation dans une décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, les dispositions sur la durée de la médiation, son renouvellement et la rupture anticipée de la médiation ne sont pas applicables.

Espérant que ces nombreuses mesures tendant à accentuer la logique de déjudiciarisation, ne soient pas au détriment de la protection des personnes les plus vulnérables, dans le seul but de rechercher des économies et que la demande générée par ces incitations à utiliser les modes alternatifs de règlement des litiges risque de ne pas pouvoir être absorbée par la profession.

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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