Les contributions extérieures devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat.

Par Antoine Lunven, Etudiant.

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Cet article tente d’analyser les « portes étroites » devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat, depuis leur « renouvellement » en 2019. En effet, elles sont désormais rendues publiques par le Conseil constitutionnel contrairement au Conseil d’Etat.

Cet article tente, par ailleurs, de comparer ce moyen d’accès aux juridictions (notamment à la juridiction constitutionnelle) par rapport à l’amicus curiae ainsi que par rapport à la QPC.

Finalement, les « portes étroites » posent la question de l’appropriation de la Constitution par les citoyens.

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L’intervention du citoyen dans le débat public est rare, en ce qu’en effet, il intervient en politique, de manière exceptionnelle par la voie du vote, voire par la voie du référendum. Par ailleurs, le citoyen peut intervenir par la voie judiciaire en se transformant en un justiciable, mais cette intervention demeure elle aussi circonstanciée. Ainsi, sous ses deux rôles d’électeur et de justiciable, le citoyen n’a que peu de moyens de se faire entendre juridiquement, rendant le débat sur la Constitution restreint à certaines personnes. C’est pourquoi la question prioritaire de constitutionnalité ouvre la voie « judiciaire » à ce débat constitutionnel.

Toutefois, il faudrait que ce débat dépasse le cadre purement judiciaire pour devenir un débat politique, public et citoyen. Le citoyen ne doit pas rester étranger de la norme fondamentale qui régit son pays. Au contraire, il devrait pouvoir y intervenir, et ce y compris devant le Conseil constitutionnel, d’où l’émergence des portes étroites devenues aujourd’hui contributions extérieures.

Chapitre 1 : L’inscription des contributions extérieures entre transparence et lobby.

La « publicité » des contributions extérieures s’inscrit dans un mouvement plus large de la transparence de la vie publique ainsi que de l’encadrement du lobbying. Toutefois, le lobbying constitue, réellement, la seule voie d’accès efficace au prétoire du juge (constitutionnel), puisque la société civile semble, a priori, exclue de celui-ci.

Section 1 : Contexte et éléments historiques.

Le Conseil constitutionnel, dans un communiqué en date du 24 mai 2019, a annoncé que désormais, qu’il allait rendre publique les prochaines contributions extérieures, et non plus seulement la liste des portes étroites. En effet, initialement, jusqu’en février 2017, le Conseil constitutionnel ne rendait pas publique les portes étroites même si leur existence était attestée. Cependant, dans un objectif de transparence, le juge constitutionnel français a pris la décision de publier la liste des contributeurs. Ainsi, par cette décision de 2019, le Conseil constitutionnel opère un revirement majeur, puisqu’il y a une différence importante entre la publication d’une simple liste, dont il était possible de soupçonner l’opinion de l’auteur de cette contribution et son véritable contenu étant soumis au débat contradictoire. Il y a donc une publicité de ces contributions, en sachant que la publicité est une règle commune, et essentielle à tout procès.

Il est possible de dégager quatre grandes étapes dans l’histoire des « portes étroites » [1] :

En 1970, il y a « les accélérations et les réticences » par des saisines officieuses.

En 1980, il y a « une divulgation et des acceptations », dans un objectif de dévoiler les pratiques, ce qui conduit à des observations accrues. En effet, l’existence de ces portes étroites apparait au début des années 80, confirmé par Vedel, puis dans les mélanges à la mémoire de Henri Capitant.

A partir de 1990, il y a une véritable diffusion, en 1991. En effet, la première fois qu’est utilisée l’expression de « portes étroites », c’est de la plume de Georges Vedel en 1991 [2]. Puis, c’est confirmé par d’autres auteurs, les années suivantes, comme par Guy de Carcassonne en 2001, ou par Mazeaud en 2005.

La « procédurisation » à partir de 2017, puis largement 2019 avec la publication du contenu des contributions extérieures suite, notamment, à un arrêt du Conseil d’État, Association les Amis de la Terre France, en date du 11 avril 2019 [3].

Section 2 : L’inscription des portes étroites dans une tendance à la transparence de la vie publique.

Le Conseil constitutionnel traverse depuis quelques années, à l’image de d’autres institutions, une tendance à la transparence. En effet, la juridiction constitutionnelle publie depuis 1983 les saisines, à partir de 1995 les observations en réponse du Gouvernement. Finalement, en 2009, le Conseil constitutionnel a ouvert au public ses archives. Ainsi la publicité de ces portes étroites s’inscrit dans cette logique de transparence des institutions et de la vie publique.

Dans cette logique, la loi Sapin II du 9 décembre 2016 [4], pose un nouveau cadre juridique concernant le lobbysme par la création d’une autorité administrative indépendante qu’est la HATVP ayant pour mission, notamment, de régler les conflits d’intérêts. Cette autorité administrative indépendante tient un registre qui regroupe l’ensemble des lobbyistes, étant une obligation légale pour tout lobbyiste de s’y enregistrer en donnant des informations sur son état civil, et sur le domaine auquel il exerce son activité. Cependant, la loi Sapin II est incomplète, au moment de sa rédaction, en ce qu’elle ne vise pas les membres du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel.

Section 3 : L’inscription des portes étroites dans un « lobbying étatisé ».

Avant d’envisager les formes de lobbying devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, il serait pertinent de définir précisément ce qu’est le lobbying.

Paragraphe 1 : Définition du lobbying.

Le lobby est « un groupement ou une organisation ou association défendant des intérêts financiers, politiques, ou professionnels en exerçant des pressions sur les milieux parlementaires ou des milieux influents, notamment les organes de presse ». Autrement dit, une personne physique ou morale est un lobby à partir du moment où son activité principale est d’influencer une décision [à l’exception des décisions juridictionnelles] [5]. Cette définition traditionnelle des groupes de pression se place au sein de l’élaboration même de la loi, de sa confection, de son élaboration. Le lobby influencerait, donc, les représentants de la nation dans leur édiction de la loi, œuvre sacralisée. Mais il manque dans cette définition, l’influence de ces groupes d’intérêts sur les décisions juridictionnelles qui entourent la loi, c’est-à-dire lors de sa naissance (en amont concernant l’avis consultatif rendu par le Conseil d’État), et lors de sa viabilité (par le contrôle de constitutionnalité opéré par le Conseil constitutionnel). En effet, les groupes de pression ne se limitent pas au Parlement ou aux portes du Gouvernement, mais lors du processus entier de la confection d’une norme, qu’elle soit législative ou réglementaire. Cependant, en vertu du droit positif, ne sont pas considérés comme des lobbies ceux qui envoient habituellement ou ponctuellement des lettres d’observations ou des contributions extérieures de nature à influencer la décision de ces juridictions, puisque comme il a été précédemment, la loi a exclu de son champ d’application les juridictions, afin d’éviter la question épineuse du Conseil constitutionnel.

Cependant, cette question fait l’objet de débats doctrinaux, notamment devant l’Assemblée Nationale. En effet, une question écrite n°99231 de M. René Rouquet, publiée au Journal officiel le 27 septembre 2016 (avant le changement de conception du Conseil constitutionnel) dont la réponse a été donnée par le ministre de la Justice, après la publicisation des portes étroites, le 16 mai 2017, pose la question de la déontologie des membres du Conseil constitutionnel [6]. Au passage, le délai de réponse assez long permet au ministre de la Justice de ne pas se prononcer sur cette question « polémique » de la nécessité ou non de publier les contributions extérieures, qui fait l’objet dans les quelques articles publiés à ce sujet, d’assez grandes divergences (surtout entre Denys de Béchillon et Thomas Perroud). Ainsi, l’adoption de principes déontologiques pour le Sénat et l’Assemblée nationale devrait être étendue aux membres de cette juridiction. Dans sa réponse, le ministre de la Justice rappelle les contraintes temporelles qui pèsent sur le Conseil constitutionnel ainsi que sur la nature des portes étroites, c’est-à-dire leur absence d’existence légale. Cependant, est prévu un projet de loi du 1er février 2017 portant extension des principes déontologiques aux membres du Conseil constitutionnel. Cette proposition de loi organique viendrait modifier l’ordonnance du 7 novembre 1958 [7] posant des contraintes de transparence de la vie publique sur ces membres du Conseil constitutionnel.

Si le lobbying est clairement identifié, ses formes pratiques sont diverses et nécessiteraient d’être clarifiées.

Paragraphe 2 : Quel lobbying devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ?

Ces hautes juridictions deviennent des « lieux importants de lobbying » [8]. Ce lobbysme est difficile à appréhender ce qu’il « s’exerce à travers le langage du droit, et auprès d’institutions dont le rôle est méconnu du grand public » [9]. Toutefois, il est possible de dégager un lobbying lato sensu, large, mais il également possible d’extraire, un lobbying stricto sensu, c’est-à-dire les contributions extérieures.

A) Un lobbysme lato sensu : influence des hautes juridictions par les sphères privées.

Ce lobbysme lato sensu se matérialiserait par des rencontres informelles entre des membres du Conseil constitutionnel et des sphères économiques, comme avec Pierre Gattaz, qui fut « le patron » du MEDEF. De plus, le rôle du secrétaire général du Gouvernement n’est pas négligeable, et joue un rôle pivot dans l’orientation des décisions du Conseil constitutionnel.

Toutefois, la subjectivité de cet argument n’est pas juridiquement recevable au même titre que l’appréciation portée sur le secrétaire général du Gouvernement, ni même les rencontres informelles, en ce que cela ne relève pas du juridique, mais du politique. Si ces arguments doivent ou devraient être soulevés ce n’est pas pour une critique juridique du manque de neutralité de ces juridictions d’un point de vue juridique, mais plus d’un point de vue politique. S’il faut des encadrements juridiques, la nature même du lobbysme est politique.

B) Un lobbysme stricto sensu : les contributions extérieures.

Les contributions extérieures sont considérées par une faible partie la doctrine comme étant du lobbying. Or, la doctrine minoritaire semble avoir raison puisqu’il s’agit de défendre des intérêts en exerçant une influence sur les « juges ».

Section 4 : Une participation faible de la société civile dans la vie publique.

La participation de la société civile si elle constitue un mode d’intervention au même titre que le lobbying, elle diffère de celui-ci par la défense de l’intérêt général ou d’un intérêt supérieur, et non d’un intérêt purement privé ou financier.

La société civile, les citoyens participent peu à la vie publique. Ils élisent des représentants lors des élections présidentielles, législatives ou municipales, s’ils se déplacent pour voter. Par ailleurs, parfois des référendums sont organisés, mais ces derniers demeurent rares, qu’ils soient décisionnels (articles 11, 72-1 et 89 de la Constitution) ou non.

Il y a une crise de la démocratie représentative. En effet, pour combler cette crise, s’est développée, la démocratie administrative. Il en ressort l’idée d’associer le public à l’élaboration de la décision administrative soit par des procédures participatives, soit par des procédures délibératives.

Cependant, est-il possible d’associer le public à l’élaboration d’une décision de justice, ou d’une « cassation participative » [10] ? Si certains modes d’intervention se sont développés devant les juridictions françaises, elles ne permettent pas à la société civile d’accéder au prétoire de manière effective.

Chapitre 2 : Tentatives de définition des contributions extérieures.

La tentative de définition des « portes étroites » est assez hasardeuse, en ce que si sa finalité est saisissable, sa matérialisation juridique l’est moins. En effet, il peut être admis que c’est une observation écrite qui apporte des éléments pour attirer l’attention d’une juridiction. Ainsi, cette porte étroite peut se définir négativement, c’est-à-dire en la comparant à des procédés proches. Une fois définie négativement, ces aspects originaux ressortiront d’autant mieux par une définition positive, sans toutefois être convaincante sur le plan purement juridique.

Section 1 : La contribution extérieure face à des procédures juridiques « démocratisantes ».

La contribution extérieure s’inscrit dans un contexte d’ouverture du prétoire à la société, de « démocratie judiciaire », au même titre que la question prioritaire de constitutionnalité ou l’amicus curiae. Cette ouverture à la société démocratise le procès. Malgré ce point commun, la contribution extérieure se distingue très nettement du régime de la QPC sur de nombreux points, et se rapproche plutôt de l’amicus curiae, un concept de Common law également introduit en France.

Paragraphe 1 : Les contributions extérieures et la question prioritaire de constitutionnalité.

Les contributions extérieures constituent une voie d’accès au prétoire du juge constitutionnel, au même titre que la QPC. Cependant, les portes étroites sont antérieures à l’institution de la QPC, de façon à que cette dernière soit palliative. Surtout, ce sont deux procédures assez différentes, dont la comparaison ne peut être succincte. De plus, ces deux procédures ne sont pas situées sur le même plan, de telle sorte, que les contributions extérieures ont subsisté au développement de la QPC. Malgré leurs différences de régime, ces procédures ouvrent le prétoire du Conseil constitutionnel aux citoyens.

A) Introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, un nouveau souffle sur le contrôle de constitutionnalité des lois.

L’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité en 2008, et entrée en vigueur en 2010, élargit la saisine du Conseil constitutionnel. Cette saisine était limitée jusqu’à la révision constitutionnelle de 1974 [11] à quatre autorités politiques, le Président de la République, le Premier ministre, et les Présidents des deux assemblées parlementaires. Ainsi, afin d’élargir et de mieux contrôler les potentielles lois inconstitutionnelles, il est apparu nécessaire d’ouvrir un peu plus la saisine de cette juridiction sui-generis, puisqu’en cas de fait majoritaire, une loi inconstitutionnelle pouvait passer inaperçue et ne pas être contrôlée par le Conseil constitutionnel. L’ouverture de la saisine à l’opposition en 1974 à 60 députés ou 60 sénateurs demeure une saisine politique. Ainsi, après des projets et des tentatives d’élargir le prétoire durant les années 80-90 avec l’exception d’inconstitutionnalité, le projet de la QPC, issu du comité Balladur, a finalement été retenu à la fin des années 2000.

B) Les différences de régime entre les contributions extérieures et la QPC.

Les « portes étroites » sont une voie « informelle » d’accès au prétoire du Conseil constitutionnel, alors que la QPC est prévue à la fois à l’article 61-1 de la Constitution de 1958, par une loi organique [12] ainsi, que notamment, par le règlement intérieur de cette « juridiction sui generis ». La première différence tient, donc, au régime de la QPC et de sa procédure. Toutefois, la procédure de la porte étroite commence à se dessiner, comme l’envoi de ladite contribution à une adresse mail déterminée, mais cette procédure n’est pas envisagée dans des textes normatifs (simplement dans un communiqué de presse).

De plus, si la QPC n’est ouverte qu’aux justiciables dans le cadre du procès, la porte étroite peut être soumise par toute personne, société, universitaire, étudiant, lobby, pour apporter des éléments portant sur un projet de loi devant le Conseil d’État, ou sur la constitutionnalité (ou non) d’une loi devant le Conseil constitutionnel. L’ouverture du prétoire est plus large en ce qui concerne les contributions extérieures. La QPC, pour pouvoir être invoquée et invocable, doit s’appliquer à la situation du justiciable, alors que la contribution extérieure n’a pas besoin de cette condition pour être envoyée et transmise au Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, la contribution extérieure concerne (pour le Conseil constitutionnel) le contrôle a priori de la loi, alors que la QPC concerne le contrôle a posteriori de la loi. Par le mécanisme de la QPC, le citoyen peut directement contester une loi ou une de ses dispositions qui est inconstitutionnelle, alors que la « porte étroite » ne se limite qu’aux lois qui sont déférées devant sa juridiction, si elles le sont. Donc, la portée quantitative des « portes étroites » est limitée devant le Conseil constitutionnel, mais est plus large en ce qui concerne le Conseil d’État qui a à connaître et à émettre des avis sur des projets de loi, des décrets. Ensuite, le domaine d’application qualitatif de « porte étroite » est plus large que celui de la QPC, qui ne peut porter, en effet, que sur les « droits et libertés » constitutionnellement garantis.

Il faut adapter les règles d’intervention des tiers devant le Conseil constitutionnel en suivant et respectant les principes fondamentaux de l’indépendance, de l’impartialité, du contradictoire et de la publicité des audiences (paradoxal car l’audience d’examen de la constitutionnalité a priori d’une loi se fait dans le secret, et sans une audience publique).

Si l’amicus curiae nécessite, en principe, une sollicitation du tribunal, la QPC nécessite, quant à elle, d’être posée au cours d’un procès, alors que la porte étroite peut être envoyée lors d’un examen de la constitutionnalité d’une loi a priori (pour le Conseil constitutionnel) ou pour l’avis d’un projet de loi ou de décret (pour le Conseil d’État) par la seule volonté de son auteur.

Finalement, la comparaison de la porte étroite à la QPC est assez maladroite, en ce qu’in fine, la porte étroite n’est pas à proprement parler d’une voie de recours en tant que telle, elle est un moyen d’accès au prétoire pour faire valoir des intérêts privés, mais ne constitue pas un « droit ». La voie de recours doit être prévue par un texte et doit porter sur un droit d’un individu lésé, sinon ça ne concerne qu’une intervention extérieure, comme en ce qui concerne l’aamicus curiae qui se rapproche plus de la contribution extérieure.

Paragraphe 2 : Les contributions extérieures et l’amicus curiae.

Qu’il soit qualifié de « tiers intervenant » devant la Cour EDH, ou de « personne invitée » voire de « intervenant qualifié » dans l’ordre juridique interne, l’amicus curiae (terme latin signifiant « ami de la cour ») est une procédure très intéressante en ce qui concerne l’intervention d’un tiers au cours d’un procès et de l’ouverture du prétoire à la lumière de la QPC et des contributions extérieures.

A) Eléments de définition de l’amicus curiae.

L’amicus curiae est une procédure où intervient un « expert » pour apporter des éléments de connaissances de droit ou de fait sur une question jugée technique. Plus spécifiquement, selon Le Cornu, « qualité de consultant extraordinaire et d’informateur bénévole à laquelle la juridiction saisie invite une personnalité à l’audience afin de fournir en présence de tous les intéressés, toutes les observations propres à éclaire le juge [13] ». Cette définition est très intéressante en ce qu’elle apporte des éléments de régime de cette procédure, mais elle est à nuancer sur la question de l’initiative de l’amicus curiae, en ce que celle-ci peut provenir, exceptionnellement, de l’expert devant la Cour suprême des États-Unis en vertu de son article 37 du règlement.

B) Développement à double vitesse de l’amicus curiae.

Le développement de l’amicus curiae est à deux vitesses. En effet, si son développement est accru dans les ordres juridiques extérieures, et particulièrement dans les pays de Common law, son développement est lent dans l’ordre juridique français.

1. Développement accru de l’amicus curiae dans les ordres juridiques extérieures.

La procédure d’amicus curiae s’est fortement accrue devant les ordres juridiques internationaux ainsi que dans ceux des pays étrangers, particulièrement ceux de la Common law.

a) Les ordres juridiques internationaux.

L’amicus curiae est une procédure qui est très souvent utilisée dans des conventions d’arbitrage, devant l’OMC ainsi que devant la Cour EDH. En effet, le régime procédural concernant la procédure de l’amicus curiae devant la Cour EDH est régie aux articles 1-2, et 44§3 a. du règlement de cette juridiction.

b) Les ordres juridiques internes étrangers.

L’amicus curiae est apparue au XVIIème en Angleterre et s’est rapidement répandue dans les ordres juridiques des autres pays. En effet, cette procédure est, à l’heure actuelle, très utilisée en Angleterre ainsi que dans les pays de Common Law, comme les États-Unis.

En effet, l’amicus curiae qui est une procédure majeure devant la Cour suprême des États-Unis est inscrite à l’article 37 du règlement intérieur de cette juridiction. Interviennent majoritairement en qualités d’amicus curiae, les collectivités publiques, les associations, alors que devant qu’au Royaume-Uni ainsi qu’au Canada, ce sont davantage les avocats qui interviennent en cette qualité.

2. Faible développement de l’amicus curiae dans l’ordre juridique interne.

Elle a été introduite pour la première fois en France, dans un arrêt du 21 juin 1988, de la cour d’appel de Paris [14]. La première définition française qui lui a été donnée a été négative, en ce qu’elle n’est « ni un témoin, ni une partie ».

Par l’amicus curiae se pose la question de l’ouverture du prétoire de la juridiction aux citoyens, et par la conscience que la décision n’a pas qu’un impact entre les parties au procès, mais également a des effets sociaux et économiques.

Depuis l’introduction, de cet outil de Common law, l’amicus curiae s’inscrit dans un contexte d’ouverture du prétoire aux tiers ou aux citoyens, au même titre que les portes étroites et la QPC. Ainsi, l’amicus curiae est un facteur de démocratisation du procès administratif, en ce qu’il porte les intérêts de la société, à travers cet « outil procédural original au service du pouvoir normatif du juge [15] ».

a) Les consécrations textuelles de l’amicus curiae.

En ce qui concerne la possibilité de recourir à la procédure l’amicus curiae devant la Cour de cassation, celle-ci a été codifiée par le législateur dans le code de l’organisation judiciaire, par une loi du 18 novembre 2016, à l’article L.431-3-1 [16]. Cette intervention ne fait qu’entériner la pratique de la plus haute juridiction civile de l’ordre français. Plus largement, l’article 27 du Code de procédure civile pourrait ouvrir l’amicus curiae aux juges du fond [17].

Par ailleurs, en ce qui concerne l’ordre administratif, un décret du 22 février 2010 [18] a introduit l’amicus curiae dans le Code de la justice administrative, à l’article R.625-3 [19]. Il s’agit en l’espèce d’une « officialisation » de cette pratique consistant en des échanges informels entre les juges et les membres de la doctrine [20].

Concernant, le régime procédural devant le Conseil constitutionnel, ce régime a tout d’abord été prétorien avant d’être inscrit au règlement intérieur pour les procédures de QPC à l’article 6 al 5. Cette inscription de cette procédure a été décidée lors d’une décision du Conseil constitutionnel en date du 21 juin 2011, afin d’encadrer l’intervention de ce tiers dans la QPC [21]. La principale condition est celle d’un « intérêt spécial », reste à déterminer ce que recouvre cette notion souple et fonctionnelle, dont la définition sera modulable par ce juge constitutionnel.

La possibilité offerte aux juridictions d’inviter le président de l’Autorité des marchés financiers, inscrite à l’article L.621-10 du Code monétaire et financier [22].

b) Les consécrations jurisprudentielles de l’amicus curiae.

Ce qui est frappant, c’est que l’utilisation de la procédure de l’amicus curiae intervient dans des situations sensibles, dans des dossiers médiatiques où l’expertise technique est nécessaire.

Ainsi, devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, la question de l’amicus curiae s’est posée pour les conventions de mères porteuses, dans un arrêt rendu le 31 mai 1991 [23].

En outre, les seules fois notables où le Conseil d’État a eu à utiliser cet outil, c’était à l’occasion de quatre arrêts, d’une part, un arrêt, M. Eduardo José K., du 23 décembre 2011 concernant une question de droit international posée par un détenteur d’emprunt russe [24], l’autre était relatif, d’autre part, à l’affaire Lambert, lors d’un arrêt d’assemblée du 14 février 2014 [25], concernant « l’obstination déraisonnable ». De manière également médiatique, le Conseil d’État a eu recours à l’amicus curiae lors de deux arrêts rendus le même jour, en date du 7 juin 2019 [26] relatifs au projet de l’aéroport de « Notre-Dame des Landes ».

La procédure d’amicus curiae a été remarquablement utilisée devant le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises pour des QPC, notamment pour une question touchant à une OQTF par l’intervention de GISTI, de l’OIP et de La Cimade lors d’une décision DC du 6 septembre 2018 [27].

C) Amicus curiae et contribution extérieure.

Il serait judicieux de s’intéresser, dans une première mesure au régime juridique de l’amicus curiae, avant de le comparer à celui de la contribution extérieure.

1. Le régime juridique de l’amicus curiae.

Pour que l’amicus curiae soit recevable, la jurisprudence a posé deux conditions [28] :

D’une part, « le caractère d’intérêt public de ces contributions », en ce qu’elles doivent porter sur des considérations d’ordre général, et non sur une appréciation des pièces du dossier. Ainsi, l’amicus curiae est encadrée assez fortement par cette limite substantielle [29] posée par le Conseil d’État concernant un arrêt relatif à une contravention de grande voirie faisant resurgir un acte d’ancien droit [30]. L’amicus curiae doit répondre à une question de droit, ce qui limite la participation des tiers au cours d’un procès.

D’autre part, souvent, les amicus curiae portent sur les droits fondamentaux (asile, éducation, égalité).

De plus, cette procédure doit rester exceptionnelle, demeurant ainsi un « produit rare [31] », qui peut être utilisée, également, en appel [32] ou en référé [33]. Si l’amicus curiae doit être impartiale, les critiques quant à l’utilisation de cette technique risquent de se développer, comme ce fut le cas en 1992 par l’intervention de J.Bernard auprès la Cour de cassation dans un arrêt du 21 mai 1992.

L’amicus curiae se distingue de l’expertise, notamment, en figurant dans le chapitre consacré aux « autres mesures d’instruction » et non au chapitre dédié à « l’expertise » dans le Code de justice administrative [34]. De plus, l’expert ne peut pas se prononcer sur des questions de droit [35].

L’intervention de l’amicus curiae doit être nécessaire sollicitée par le juge, et peut revêtir différentes formes. En l’espèce, il n’y pas de formalisme qui est imposer. L’objectif de l’amicus curiae est d’aider le juge sur des questions techniques, et non de trancher le litige à sa place.

Par ailleurs, malgré le caractère discrétionnaire de cette procédure, des protections spécifiques sont accordées aux parties [36] :

Assister à l’exposé de l’amicus curiae (publicité).

Formuler toutes les observations utiles (contradictoire).

Proposer l’audition de personnalités.

Malgré cet encadrement de l’amicus curiae, il est possible que ce dernier dépasse son office. Deux hypothèses sont, en l’espèce, envisagées [37] :

Le dépassement vient du juge lui-même.

L’amicus curiae lui-même méconnait le cadre de sa mission.

La conséquence du dépassement de l’amicus curiae est imputé au juge qui doit en tirer toutes les conséquences. Il ne doit pas tenir pas compte des éléments superflus qui dépassent l’office, mais il peut prendre en compte tous les éléments qui rentrent dans la mission qu’il lui a consigné.

2. Distinctions de régime entre les contributions extérieures et l’amicus curiae.

L’amicus curiae est une voie juridictionnelle, ce qui est l’une des premières grandes différences avec les contributions extérieures qui n’ont pas véritablement de procédures (informelles). En effet, Séverine Menétrey exprime l’idée selon laquelle que l’amicus curiae n’est pas condamnable en soi, puisque « les règles du jeu sont connues à l’avance et que le juge conserve sa compétence  [38] ». Le lobbying est, donc, « juridictionnel », et connus d’avance, tandis qu’il est « informel » et méconnu pour les « portes étroites ».

Contrairement aux « portes étroites » qui ne sont cantonnées qu’au contrôle de la loi, que ce soit au stade de son élaboration, de son avis, ou au stade du contrôle de constitutionnalité a priori, l’amicus curiae intervient en principe au cours d’un procès. Donc, l’intervention de l’amicus curiae a des conséquences directes sur le jugement rendu au cours du procès, et affecte ainsi la situation du justiciable.

De plus, si les « portes étroites » sont spontanées, en principe, les amicus curiae sont sollicitées ; donc l’intervenant est invité. Toutefois, ce principe est assoupli, puisque par exemple, en vertu de l’article 37 du règlement de la Cour suprême des États-Unis, l’initiative de l’intervention de la personne en tant qu’amicus curiae peut-être spontanée.

Il y a également l’idée d’une publicité de l’amicus curiae, qui commence seulement à émerger en ce qui concerne les portes étroites avec la prise de position du Conseil constitutionnel en cette faveur, alors que le Conseil d’État reste muet face à cette question.

Ainsi, les régimes de ces procédures sont sensiblement différents, en ce que ces deux procédures sont situées sur des plans, des dimensions différentes. Cependant, malgré la différence de régime, Dominique Rousseau estime, à juste titre, que « l’avenir des portes étroites, c’est amicus curiae  [39] ». De plus, les portes étroites et les amicus curiae sont toutes les deux pratiquées devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, donc la substitution de la procédure de l’une des techniques par l’autre ne suerait poser trop de difficultés. Toutefois, cette idée est à relativiser avec les inconvénients exhaustifs relevés par Denys de Béchillon dans ses « Réflexions sur le statut des ‘’portes étroites’’ devant le Conseil constitutionnel [40] », en ce qui concerne cette problématique du temps, c’est-à-dire du délai court pour rendre sa décision.

Section 2 : Tentative de définition d’une contribution extérieure.

Si une définition peut être commune aux contributions extérieures devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, la dénomination de ces observations pourra alors différer sans véritable consensus.

Paragraphe 1 : Définition a minima de la contribution extérieure.

La contribution extérieure reflète l’idée que toute personne physique ou morale peut faire connaitre au Conseil constitutionnel, son opinion basée sur des éléments juridiques ou de faits. Ainsi, cette intervention est spontanée et n’est pas sollicitée. De plus, elle est ouverte à toute personne, juriste ou non-juriste. Ensuite, la technique de la porte étroite est initialement et toujours, une procédure informelle, sans véritable statut procédural. Désormais si sa publicité est réalisée devant le Conseil constitutionnel, son existence devant le Conseil d’État demeure niée.

Paragraphe 2 : la variation sémantique du vocabulaire.

Sémantiquement, le terme peut varier selon que la contribution soit soumise au Conseil constitutionnel ou au Conseil d’Etat. En effet, la doctrine évoque les expressions de « portes étroites » ou de « contributions extérieures » devant le Conseil constitutionnel, alors qu’elle utilise les expressions de « lettres d’observations [41] » ou de « portes étroites » devant le Conseil d’État. Toutefois, le Conseil constitutionnel utilise désormais le vocable de « [contributions extérieures », au lieu de « portes étroites ».

Malgré les différences sémantiques entre les expressions, toutes rejoignent l’idée d’une « amicus curiae à la française », en ce que la porte étroite est une ouverture spontanée, auquel tout citoyen peut s’y engouffrer pour débattre de sujets constitutionnels. Si le régime de l’amicus curiae et de sa procédure jumelle diffère, l’expression de « l’ami de la cour » est intéressante, en ce que la majorité des intervenants pour les contributions extérieures sont des professeurs de droit, et plus précisément des constitutionnalistes, proches donc du Conseil constitutionnel. Ainsi, l’amicus curiae à la française, selon Vedel, est une adaptation de sa sœur jumelle, l’amicus curiae.

Chapitre 3 : La délimitation des contributions extérieures.

Les portes étroites si la doctrine a du mal à la définir, elle a d’autant plus de facilité à les délimiter ou à en faire une typologie. Leur délimitation peut être tant matérielle, c’est-à-dire devant que lois, quels textes le citoyen peut-il envoyer des contributions extérieures, ou substantielle, c’est-à-dire le sujet dont porte la contribution extérieure.

Section 1 : La délimitation matérielle des contributions extérieures.

Dans un objectif de clarté, il s’agira de présenter la délimitation matérielle des portes étroites dans un ordre chronologique d’adoption d’une loi ou d’un acte réglementaire, en ce qui concerne leur procédure d’élaboration et d’adoption. Le projet de loi ou d’acte réglementaire peut être présenté devant le Conseil d’État. Puis dans un second temps, la loi, par exemple, pourra faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité a priori si elle est déférée devant le Conseil constitutionnel avant sa promulgation par 60 députés ou 60 sénateurs, depuis la révision constitutionnelle de 1974.

Paragraphe 1 : La délimitation matérielle des contributions extérieures devant le Conseil d’État.

Le champ d’application est plus large devant les sections administratives du Conseil d’État que devant le Conseil constitutionnel, avec 1129 textes étudiés contre 164 devant le Conseil constitutionnel en 2014. En effet, les « lettres d’observations » peuvent être envoyées à l’encontre de projets de loi, projets d’ordonnance dont la saisine de la section administrative du Conseil d’État est obligatoire en vertu respectivement des articles 38 et 39 de la Constitution ainsi que des projets de décrets. D’autres saisines du Conseil d’État sont possibles mais elles sont facultatives notamment par l’Assemblée Nationale. De plus, les pouvoirs du Conseil d’État sont encore plus étendus, en ce qu’en plus de contrôler la régularité juridique, il se prononce sur l’opportunité de prendre le texte [42].

En l’espèce, il y a un véritable enjeu, en ce que le Gouvernement suit les avis du Conseil d’État.

Paragraphe 2 : La délimitation matérielle des contributions extérieures devant le Conseil constitutionnel.

Le champ d’application devant le Conseil constitutionnel est relativement large mais étant donné que ses saisines sont moins courantes que celle du Conseil d’État, son contentieux est moins important. Ainsi, en 2014, il y avait 47 contributions extérieures. Ainsi, ces « portes étroites » portent sur des projets de lois ordinaires, des ordonnances, des règlements des assemblées ainsi que des examens de traités [43].

Section 2 : Une délimitation substantielle des contributions extérieures.

Si devant le Conseil d’État, il est fort possible que des contestations de grands projets d’autoroutes ou d’aéroports, soient intervenues par cette voie non-juridictionnelles ou au contraire de soutien à ces projets. Toutefois, cela ne reste que des suppositions.

En l’espèce, seul le Conseil constitutionnel soumet désormais ses contributions extérieures à la publicité, donc seules ces dernières seront examinées pour essayer d’en tirer une délimitation générale valable a fortiori par le Conseil d’État.

Chapitre 4 : Le régime juridique des contributions extérieures.

Avant d’envisager les règles procédurales spécifiques au Conseil constitutionnel, il serait pertinent d’évoquer des considérations générales du régime des portes étroites devant le Conseil constitutionnel et devant le Conseil d’État. En l’espèce, il s’agira de s’intéresser plus particulièrement à deux règles de procédure des contributions extérieures devant le Conseil constitutionnel, d’une part les règles relatives au principe du contradictoire, puis d’autre part le principe de la publicité, s’agissant que seule la seconde a subi deux évolutions successives

Section 1 : Considérations générales devant le Conseil constitutionnel et devant le Conseil d’État.

S’il n’y a pas véritablement de procédures des contributions extérieures devant le Conseil constitutionnel, comme c’est le cas pour la QPC, il y néanmoins des principes directeurs qui s’appliquent à ces contributions sui generis. L’une des règles fondamentales qui constituent la procédure (si elle existe) des contributions extérieures, comme le rappelle le communiqué de presse du Conseil constitutionnel de 2019, c’est que l’auteur de la porte étroite doit être clairement identifié (en plus d’envoyer cette contribution écrite, et non orale, à une adresse mail spécifique). Aucune restriction n’est faite sur ses auteurs, tout citoyen peut adresser des observations tant qu’il s’identifie. Les expéditeurs de ces contributions sui generis, peuvent être autres que des avocats ou professeurs, comme des professions concernées par la disposition dont la constitutionnalité est mise en cause. En théorie, il n’y pas de hiérarchie entre les contributions extérieures reçues au Conseil d’État ou au Conseil constitutionnel selon les auteurs, mais en pratique, la contribution extérieure émise par un proche de la Cour revêtira plus d’importance que celle émise par un lointain cousin.

La lettre d’observation devrait être envoyée au rapporteur de la section administrative compétente selon Eric Salagovitsch ce qui représente un avantage pour les avocats à la cour, car ils ont plus de chance que la « porte étroite » parvienne au conseiller d’État et qu’elle soit prise en compte [44]. Les citoyens peuvent le faire d’eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’un avocat aux conseils. En outre, Bernard Stirn admet que des avis extérieurs ont pu être envoyés au Conseil d’État pour des avis sur des projets de loi qui sont versés au champ du contradictoire. Finalement, le Conseil d’État pourrait rendre les avis des projets de loi publics, mais il ne le pourrait pas pour les avis sur les projets de décrets, se mettant ainsi presque en ligne avec le Conseil constitutionnel.

Section 2 : Le principe du contradictoire devant le Conseil constitutionnel.

Comme le remarque Denys de Béchillon, les contributions extérieures « ne sont pas, sauf cas très exceptionnel, communiquées comme telles au Secrétariat général du Gouvernement ». Cette entorse au contradictoire parait explicitement problématique. En effet, « elles n’apparaissent qu’indirectement et sur un mode dépersonnalisé dans le cadre de l’instruction, via le questionnaire et la réunion de travail ». La justification selon laquelle les membres du Conseil constitutionnel s’approprient les « portes étroites » dans leur raisonnement n’est pas satisfaisante puisqu’elle va à l’encontre de l’authentification de l’auteur de la porte étroite. Effectivement, puisque l’argument contenu dans la porte étroite ne sera plus dissocié de l’avis du membre du Conseil constitutionnel.

Pour clarifier, Denys de Béchillon justifie l’absence de publicité des « portes étroites » par la reprise de celles-ci dans l’argumentation des membres du Conseil constitutionnel. A fortiori, le secrétaire général du Gouvernement aura connaissance de ces arguments, donc a priori, ça ne pose pas de problème.

Or la question se pose pour les arguments non-repris par les juges, que se passe-t-il pour ces derniers ?

En effet, si les membres du Conseil constitutionnel reprennent les arguments des « portes étroites » ça ne pose pas de problème sur la question du contradictoire (mais plus sur l’authentification de son auteur). En revanche, ce défaut de contradictoire est problématique lors qu’un argument n’est pas repris par un membre du Conseil constitutionnel, et ne sera, donc, pas porté à la connaissance du secrétaire général du Gouvernement.

Ainsi, comme le rappelle Denys Béchillon, si tout argument peut être envoyé au Conseil constitutionnel puisqu’il n’est pas possible d’hiérarchiser leur pertinence, il faut mettre cet impératif en cohérence avec un impératif de contradictoire. Pour prévenir ce risque il faut dissocier les arguments impartiaux des juges, des arguments de la société civile par la procédure du contradictoire malgré le tempo qu’impose la procédure de l’article 61 de la Constitution. Toutefois, le « tri préalable » semble s’opposer au principe du contradictoire...

Section 3 : Le principe de publicité devant le Conseil constitutionnel.

La publicité est le fondement de la neutralité de la procédure selon Thomas Perroud [45].

Si on veut mettre en place une publicité des portes étroites, il faut remettre en place contexte particulier du contrôle de constitutionnalité de la loi à priori, en ce que l’audience, contrairement aux autres procès n’est pas publique. Les instructions -études des dispositions structurelles ou substantielles de la loi-sont également menées dans le secret. Si l’audience n’est pas publique, la décision l’est. A contrario du contrôle de constitutionnalité de la loi a priori, les audiences de QPC sont publiques.

Denys de Béchillon souligne un élément fondamental dans son rapport qui est à mettre en lumière avec la QPC. En effet, le Parlement était contre l’idée d’une exception d’inconstitutionnalité depuis les années 1980, en ce qu’il était, originellement, le seul juge et interprète de la loi. Laisser un juge pouvoir analyser, à tout moment, la constitutionnalité d’une loi même après sa promulgation viendrait amoindrir sa légitimité et le prestige de sa fonction. Ainsi, l’acceptation de l’exception d’inconstitutionnalité, la QPC, n’a été effective qu’en 2008, par une révision constitutionnelle, procédure entrée en vigueur en 2010. Ainsi, les portes étroites iraient à l’encontre de « leur monopole de saisine », amoindrissant leur pouvoir et prestige. Ces éléments expliquent concrètement pourquoi les portes étroites étaient gardées secrètes.

Pour justifier la confidentialité des portes étroites, sont avancés, les arguments concernant la « souveraineté du Conseil constitutionnel », l’idée qu’il conserve sa marge d’appréciation et qu’il ne puisse pas être déduit une quelconque influence des portes étroites dans son examen de la loi.

Toutefois, « l’opacité́ entretienne la méfiance et que la transparence écarte le soupçon ». Le fait de les rendre publique ne conduira pas à leur tarissement. « Les ‘‘portes étroites’’ peuvent jouer un rôle très positif dans l’entretien d’une justice constitutionnelle de qualité. ».

Denys de Béchillon avait envisagé, en 2017, la seule publication de la liste des « portes étroites ». Cette thèse de la publication formelle de la liste des portes étroites a été retenue dans un premier temps en 2017 mais elle n’était pas tenable du point de vue de la transparence.

C’est pourquoi en 2019, le Conseil constitutionnel décide de publier, également, le contenu de ces contributions. Le constitutionnaliste, dans une chronique publiée sur Le Point, prône les bienfaits de la transparence, sans pour autant avoir changé d’avis sur le sujet [46]. Cette publicité « permet de révéler l’exacte nature de ce qu’est ainsi adressé au juge ». Denys de Béchillon utilise l’expression de « discussion juridique » et non d’influences occultes de lobbyistes « aux antipodes de la manipulation ».

Ainsi, dans cet article, Denys de Béchillon semble rejoindre la thèse de Thomas Perroud. En effet, il rejoint l’idée de placer la Constitution au centre du débat public afin d’enrichir la discussion juridique par un débat.

Chapitre 5 : Faut-il garder les contributions extérieures ?

Avant de se prononcer sur l’opportunité de garder cette voie non-contentieuse dont le régime est lacunaire, il serait judicieux de s’intéresser à ses apports.

Section 1 : Les apports des contributions extérieures dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Selon Olivier Dutheillet de Lamothe « le contrôle a priori du Conseil constitutionnel vit dans un climat de grande pauvreté intellectuelle (…) c’est un vrai bonheur (…) pour les juges d’avoir une porte étroite dans une affaire ». En effet, la porte étroite améliore « la qualité du jugement ». Elle éclaire le juge sur des sujets techniques. Plus il a de connaissances, plus sa réponse sera adaptée à la situation. Si certains auteurs estiment qu’il une pauvreté intellectuelle lors de l’examen de la constitutionnalité d’une loi a priori, c’est lié à « l’urgence » de l’examen juridictionnel de la loi. En effet, le dossier relatif à la loi examinée n’est pas forcément préparé en avance en cas d’une saisine politique soudaine. De plus, la qualité de la loi déteint sur la qualité du jugement du juge, une loi mal écrite rendra un jugement obscur. Ainsi, l’argument de l’urgence est à nouveau utilisé pour justifier de l’utilisation des portes étroites, qui ces dernières sont souvent élaborées (ou commencées à être élaborer) dès le dépôt du projet ou de la proposition de loi devant une chambre du parlement. C’est à se demander s’il ne faudrait pas réviser la Constitution pour allonger ce délai d’un mois qui est très restrictif, les juges n’ont pas le temps de lire de longues notes ou mémoires. Outre ce caractère de l’urgence, ces interventions écrites sont utiles dans des domaines techniques avec des éléments non-juridiques.

Section 2 : Les contributions extérieures : héritage passé ou avenir du débat constitutionnel ?

Deux voies opposées sont possibles, désormais. Si on veut mettre fin à cette pratique des contributions extérieures, encore faut-il savoir par quel(s) procédé(s) va-t-on la remplacer ? Soit, le Conseil constitutionnel admet que débattre de la Constitution doit être public, que chaque citoyen peut le faire, soit le Conseil constitutionnel étend l’utilisation de l’amicus curiae au contrôle de constitutionnalité a priori de la loi.

Paragraphe 1 : Déplacement de la question juridique à une question politique : solution possible à l’incertitude de la place à donner aux contributions extérieures.

Le débat constitutionnel est restreint aux élus de la nation, aux représentants de l’expression de la volonté générale. Le débat constitutionnel des citoyens est incident en ce qu’ils élisent des représentants qui vont débattre sur la Constitution à leur place. Hormis l’élection de ces représentants, les citoyens se prononcent sur la Constitution à l’occasion de référendum, dont leur seule possibilité est d’approuver ou la non la question posée. Ainsi le seul point de vue direct sur la constitution que peuvent émettre les citoyens n’est possible que via des référendums, rares soient-ils, aux articles 11, 72 et 89 de la Constitution.

Hormis ces deux possibilités, de manière juridique ou contentieuse, les citoyens n’ont pas d’autres moyens d’exprimer leur opinion. S’en suit une crise de la représentativité qui peut être comblée, partiellement, par ces portes étroites. Toutefois, le débat constitutionnel est fermé, restreint. Or la question de l’interprétation de la constitution est essentielle. Au-delà de la simple porte étroite, faudrait-il admettre de manière général un débat sur la Constitution ouvert plus largement à tout citoyen. Admettre un débat constitutionnel public sur la Constitution pourrait être une solution possible à la qualification de ces portes étroites. Ainsi, si elles n’étaient pas conservées dans leur état actuel, elles seraient le fondement d’un réel débat plus large que la simple soumission d’observations dont leur importance n’est pas révélée. En effet, l’interprétation de la Constitution nécessiterait un contradictoire, une confrontation d’idées, donc un pluralisme concrétisé par une publicité des interventions écrites, mais plus largement de la publicité de ce moyen d’intervention devant ce juge constitutionnel.

Toutefois, l’idée d’un débat sur l’interprétation de la Constitution s’il est possible aux États-Unis, sa tournure en France serait différente, du fait d’une culture de la Constitution profondément différente.

La culture de la Constitution aux États-Unis est très différente de celle en France. En effet, le débat public sur la Constitution aux États-Unis a été rendu possible dès 1803 avec l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis, Marbury vs Madison, qui a opéré pour la première fois un contrôle de constitutionnalité des lois, alors même que la Constitution de 1787 ne le prévoyait pas explicitement. Le « bill of rights » de 1789 ainsi que les nombreux autres amendements à la Constitution, ont rendu possible un certain nombre de valeurs qui se sont empeignées dans la Constitution américaine depuis plus de deux siècles, alors même que la Constitution française date de 1958. Le rapport à la Constitution est différent, si aux États-Unis elle est fondatrice, en France elle demeure trop ignorée, y compris dans l’éducation. Toutefois, le Conseil constitutionnel organise un concours annuel « Découvrons notre Constitution » depuis, 2016 pour les classes de l’enseignement primaire et secondaire afin de leur permettre de s’empeigner de la culture de la Constitution, ce qui est un bon début.

Carré de Malberg estime que « l’interprétation de la Constitution (..) n’appartient et n’incombe qu’au Parlement ». Le Sénat se conçoit originellement en tant que juge de constitutionnalité des lois. En effet, la période du légicentrisme ne permettait pas la mise en place d’un débat sur la Constitution puisque la loi était sacrée et rien n’était au-dessus de la loi, y compris la Constitution. Avec la seconde guerre mondiale, s’est développé le constitutionnalisme, avec une volonté forte des constituants de protéger les valeurs les plus importantes dans des normes enserrées dans des procédures plus contraignantes que la simple procédure législative. En 1971, le Conseil constitutionnel est sorti de son rôle de simple répartiteur des compétences, entre la loi et le règlement, pour opérer un contrôle de constitutionnalité [47]. Toutefois, les autorités de saisine sont réduites à quatre, toutes des autorités de saisine qui sont le Président de la République, le Premier ministre, et les Présidents des deux assemblées. La révision constitutionnelle de 1974 qui ouvre à 60 députés ou 60 sénateurs la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel d’une loi potentiellement inconstitutionnelle avant sa promulgation ne combe pas le vide d’un débat public. La question de la culture de la Constitution a pu ressurgir en 1989 par l’élaboration d’un projet de loi constitutionnelle sur la création d’une exception d’inconstitutionnalité à l’américaine, projet qui n’a pas abouti. La QPC, rendue possible par une révision constitutionnelle de 2008 [48], par une loi organique de 2009, permet au justiciable de poser une question prioritaire de constitutionnalité sur une disposition législative potentiellement inconstitutionnelle. Malgré le développement du contrôle de constitutionnalité, celui-ci demeure limité à l’image de la remarque de Carré de Malberg. En effet, le Conseil constitutionnel estime, dans sa décision « IVG » de 1975, que « l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement » [49].

C’est dans cette impossibilité de débattre de la Constitution réellement, jusqu’en 2010, que les portes étroites tentaient et tentent de combler ce vide, et demain, peut-être, l’amicus curiae.

Paragraphe 2 : Le développement de l’amicus curiae : solution alternative.

L’amicus curiae est la « grande sœur » de la porte étroite, puisque la première intervient en cours d’instance, alors que la seconde intervient dans l’ombre. Ainsi, l’unification du recours au tiers permettrait à terme de privilégier cette institution nord-américaine à la fois dans le contrôle préventif des textes et dans leur application. Certes, il faudra sûrement allonger le délai d’examen du contrôle de la constitutionnalité d’une loi à deux, voire trois mois pour pouvoir procéder à des auditions d’experts sur le sujet. Toutefois, cette solution opterait toujours pour un débat restreint qui ne serait pas ouvert à tout citoyen, mais seulement à des experts.

Finalement, les « portes étroites » actuelles pourront s’emparer des questions de la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis [50], d’une part de l’influence du nombre de cosignatures de ces pétitions de principe, et d’autre part ces portes étroites pourront être envoyées par des personnes morales de droit public, comme notamment des collectivités territoriales.

Antoine Lunven,
Journaliste et éditeur en droit public
Fondateur du projet Meta-Doctrinal.org
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/antoine-lunven-01/
Site : https://meta-doctrinal.org

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Notes de l'article:

[1Damien Connil, Annexe 1 Histoire et typologie des « portes étroites » devant le Conseil constitutionnel in Réflexions sur le statut des « portes étroites » devant le Conseil constitutionnel, janvier 2017.

[2G. Vedel, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel. La porte étroite », La vie judiciaire, 11-17 mars 1991.

[3CE, 11 avril 2019, Association les Amis de la Terre France, n°425063.

[4L. n° 2016-1691, 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

[5Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL).

[6Rép. min. n°99231 : JOAN, 16 mai 2017, Rouquet R.

[7Ord. n°58-1067, 7. nov 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

[8Les Sages sous influence ? Le lobbysme auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat, rédigé par l’observatoire des multinationales et les Amis de la terre France.

[9Ibidem.

[10Thomas Perroud, « Une cassation participative est-elle possible ? », Recueil Dalloz, 2019, p. 2423.

[11L. const. n°74-904, 29 octobre 1974.

[12L. org. n°2009-1523, relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution.

[13Vocabulaire juridique, Gérard Cornu Association Henri Capitant, PUF.

[14CA Paris, 21 juin 1988.

[15Caroline Bugnon, « l’amicus curiae, facteur de démocratisation du procès administratif », AJDA, 2011, p.1608.

[16COJ, art. L. 431-3-1.

[17CPC, art. 27.

[18D. n°2010-164, 22 février 2010, relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives.

[19CJA, art. D. 625-3.

[20Jacques Arrighi de Casanova et Jacques-Henri Stahl, Le décret n°2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives, RFDA, 2010, p.387.

[21S. Menétrey, « l’encadrement des observations en intervention devant le Conseil [constitutionnel », 13 juillet 2014, Dalloz Actualités.

[22C. mon. fin., art. L. 621-10.

[23Cass. ass. plen., 31 mai 1991, n°90-20105.

[24CE, 23 décembre 2011, n°303678, M. Eduardo José K.

[25CE, ass., 14 février 2014, n°375081, Lambert.

[26CE, 7 juin 2019, n°406900 et n°406890, « Notre-Dame des Landes ».

[27Cons. const., 6 septembre 2018, n°2018-770 DC.

[28Xavier Philippe, Amicus curiae dans l’affaire de la pénalisation de la négation du génocide arménien, présentation de l’amicus curiae, Constitutions, 2012, p.389.

[29Elise Langelier, Recours à l’amicus curiae et nécessaire respect de l’office du juge, la Semaine Juridique Edition Générale n°22, 1er juin 2015.

[30CE, 6 mai 2015, n°375081, Préfet Ille-et-Vilaine.

[31Damien Connil, De la nature et des finalités de l’amicus curiae, AJDA, 2015, p.1545.

[32CAA Lyon, 23 octobre 2018, Commune de Chalon-sur-Saône.

[33CE, ass., 24 juin 2014, n°375081, Lambert.

[34Fabrice Melleray, La réforme de l’expertise, AJDA, 2014, p.1364.

[35CE, 17 décembre 1956, n°39002, Ministre de la reconstruction c/ Demoiselle Dubrueil.

[36Yves Laurin, L’amicus curiae, la Semaine Juridique Edition Générale, n°31, 29 juillet 1992, p.3603.

[37Gewltaz Eveillard, L’amicus devant les juridictions administratives, droit administratif n°10, octobre 2015.

[38Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », Hyper articles en ligne. HAL, 12 juillet 2017.

[39« Amicus curiae, un ‘’ami de la cour’’ sous utilisé depuis 30 ans ? » Journal spécial des sociétés, le 20 décembre 2018.

[40Denys de Béchillon, « Réflexion sur le statut des “portes étroites” devant le Conseil constitutionnel », Le Club des juristes, janvier 2017.

[41Eric Salagovitsch, « De la porte étroite devant le Conseil d’Etat », 3 avril 2017, la Semaine Juridique n°14.

[42Eric Salagovitsch, op., cit.

[43Damien Connil, op., cit.

[44Eric Salagovitsch, op., cit.

[45Thomas Perroud, op., cit.

[46Denys de Béchillon, Conseil constitutionnel : les bienfaits de la transparence, le Point, le 19 juin 2019.

[47Conseil const., 16 juillet 1971, n°71-44 DC.

[48L. const. n°2008-724, 23 juillet 2008.

[49Conseil const., 15 janvier 1975, n°74-54 DC.

[50Anne Deysine, La Cour suprême des États-Unis, Droit politique et démocratie, Dalloz, 2015.

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