Collecte des déchets ménagers : quand le juge administratif sanctionne la suppression de la collecte en porte-à-porte.

Par Adrien Souet, Avocat.

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Explorer : # collecte des déchets ménagers # collecte en porte-à-porte # points d'apports volontaires # qualité de service

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Le juge administratif sanctionne la suppression de la collecte des déchets ménagers en porte-à-porte. La collecte en points d'apports volontaires doit respecter des conditions strictes de salubrité publique et de qualité de service équivalentes à la collecte en porte-à-porte. La décision du juge impose à la collectivité de rétablir la collecte en porte-à-porte sous astreinte.
Description rédigée par l'IA du Village

Par une décision en date du 11 décembre 2023 (Ordonnance TA Toulouse, 11/12/2023, n°2306402), le juge des référés près le Tribunal administratif de Toulouse, statuant dans le cadre d’un référé déposé sur le fondement de l’article L521-1 du Code de justice administrative, vient de « retoquer » une collectivité qui avait supprimé la collecte en porte-à-porte des déchets ménagers au profit de la mise en place d’un dispositif de collecte par points d’apports volontaires (PAV).

Cette décision inédite constitue une excellente occasion de rappeler les règles juridiques qui encadrent la légalité d’une décision administrative portant suppression de la collecte des déchets en porte-à-porte.

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Cette décision inédite constitue une excellente occasion de rappeler les règles juridiques qui encadrent la légalité d’une décision administrative portant suppression de la collecte des déchets en porte-à-porte.

En substance, il existe deux grands modes de collecte des déchets ménagers :

  • La collecte classique et de principe dite « en port- à-porte » pour laquelle l’usager dépose ses déchets ménagers dans un contenant, dont le point d’enlèvement est situé à proximité immédiate du domicile et dont le contenu sera récolté par les ripeurs ;
  • La collecte par le biais de points d’apports volontaires (PAV) pour laquelle l’usager dépose lui-même ses déchets dans des colonnes prévues à cet effet, qui ne sont pas nécessairement situées à proximité du domicile de l’usager, et qui donnent lieu à un ramassage des déchets par l’entité en charge de la collecte directement auprès des points d’apports volontaires (comme cela se fait déjà pour certains déchets comme le verre).

Si la collecte en porte-à-porte constitue le mode de collecte le plus répandu, la collecte en points d’apports volontaires a pu séduire certaines collectivités en raison d’une prétendue diminution du volume des déchets collectés et d’une possibilité de comptabiliser/facturer les dépôts des usagers dans le cadre de la tarification dite « incitative ».

Toutefois, la suppression de la collecte en porte-à-porte au profit d’une collecte en points d’apports volontaires est encadrée par des règles strictes prévues par les dispositions de l’article R2224-24 du Code général des collectivités territoriales, ce qui vient d’être rappelé par le juge administratif dans l’ordonnance précitée.

Plus précisément, l’article R2224-24 du Code général des collectivités territoriales encadre les modalités de collecte des déchets et prévoit ce qui suit :

« I. – Dans les zones agglomérées groupant plus de 2 000 habitants permanents, qu’elles soient comprises dans une ou plusieurs communes, les ordures ménagères résiduelles sont collectées au moins une fois par semaine en porte-à-porte.
II. – Dans les autres zones, les ordures ménagères résiduelles sont collectées au moins une fois toutes les deux semaines en porte-à-porte.
III. – Dans les communes touristiques au sens de l’article L133-11 du Code du tourisme et en périodes touristiques dans les zones agglomérées groupant plus de 2 000 habitants, les ordures ménagères résiduelles sont collectées au moins une fois par semaine en porte-à-porte.
IV. – Les dispositions des I, II et III ne s’appliquent pas dans les zones où a été mise en place une collecte des ordures ménagères résiduelles par apport volontaire, dès lors que cette collecte offre un niveau de protection de la salubrité publique et de l’environnement ainsi qu’un niveau de qualité de service à la personne équivalents à ceux de la collecte en porte-à-porte
 ».

Dit autrement, les textes prévoient explicitement que la collecte en porte-à-porte constitue le mode de collecte de principe pour les déchets ménagers.

Le mode de collecte, par le biais des points d’apports volontaires, n’est prévue qu’à titre d’exception, et ce, à condition de satisfaire les conditions cumulatives suivantes :

  • Un niveau de protection de la salubrité publique et de l’environnement équivalent à la collecte porte-à-porte (1) ;
  • Un niveau de qualité de service à la personne équivalent à celui de la collecte en porte-à-porte (2).

1 – Une nécessaire protection de la salubrité publique et de l’environnement équivalente à celle de la collecte en porte-à-porte.

Il est acquis que le recours aux PAV peut, de manière contreproductive, porter atteinte à la salubrité publique ainsi qu’à l’environnement en raison de divers facteurs.

D’une part, l’emplacement des PAV dans certaines zones rurales, à proximité immédiate de parcelles boisées et de la faune sauvage, est de nature à engendrer un risque pour la faune et d’entrainer la prolifération des espèces nuisibles (rats, guêpes etc), ce qui cause nécessairement un risque évident pour la salubrité, pour la sécurité mais également pour la santé des usagers.

D’autre part, un défaut de calibrage de la fréquence de collecte des PAV peut entrainer une accumulation anormale du stock des déchets et engendrer ainsi une pollution olfactive, visuelle et environnementale.

Enfin, il est acquis que la mise en place de ces PAV est de nature à entrainer le développement de dépôts sauvages à proximité des PAV, et ce, du fait des difficultés physiques subies par certains usagers pour jeter les déchets dans des colonnes mal dimensionnées, de la saturation de certains conteneurs imputable à une fréquence insuffisance de la collecte et de l’incivilité de certains usagers qui tentent parfois d’échapper à la tarification incitative en évitant le décompte et la facturation de leurs déchets.

Ces critères ont notamment été retenus par le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse pour caractériser un manquement aux dispositions de l’article R2224-24 du Code général des collectivités territoriales :

« le développement du dépôt sauvage aux abords des points d’apport et/ou en périphérie qui apparaît directement lié, soit aux contraintes purement pratiques rencontrées par certains usagers et en particulier, en présence de conteneurs de type « colonnes » équipés d’une trappe située en hauteur, ceux qui sont les plus diminués physiquement, soit à la saturation de ces conteneurs due à des défaillances ou à des insuffisances dans l’organisation par la collectivité elle-même des tournées de ramassage, cette dernière qualifiant ce phénomène de dépôt sauvage « d’incivilités » qui seraient sans lien avec cette modalité alors même qu’il est clairement identifié et documenté, des collectivités l’ayant expérimenté y ayant renoncé pour ce motif, d’autre part, la présence d’asticots dans les poubelles, de rats et d’animaux errants venant éventrer ces poubelles, (…), le moyen tiré de ce que, dès lors qu’il n’offre pas un niveau de protection de la salubrité publique et de l’environnement (…), le règlement litigieux méconnaît les dispositions du IV de l’article R2224-24 du code général des collectivités territoriales est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à sa légalité et, par voie de conséquence, quant à celle de la délibération par laquelle il a été adopté ainsi qu’à celle de la décision de la communauté de communes (…) ».

2 – Une nécessaire qualité de service à la personne équivalente à celle de la collecte en porte-à-porte.

Il est également acquis que le recours aux PAV peut entrainer une nette dégradation de la qualité du service dans la mesure où le transport des déchets doit être assuré par les usagers.

En effet, une telle modification du mode de collecte n’est pas anodine et peut engendrer plusieurs difficultés.

D’une part, la collecte par PAV va notamment impacter les personnes à mobilité réduite, les personnes en situation de handicap ainsi que les personnes qui ne disposent pas d’un moyen de locomotion.

Pour ces usagers, confrontés à des difficultés ou à une impossibilité absolue d’acheminer les déchets vers les PAV, la légalité du mode de collecte devra également être appréciée à l’aune du principe d’égalité et du principe de non-discrimination.

D’autre part, ce mode de collecte imposera parfois à certains usagers de parcourir plusieurs kilomètres avec des déchets entassés dans leur véhicule.

De tels éléments seront nécessairement perçus comme étant synonymes d’une dégradation de la qualité du service.

Il sera d’ailleurs fait observer que l’absence d’adhésion des usagers à un tel mode de collecte sera d’autant plus fragile si la transformation du mode de collecte s’accompagne d’une hausse du coût du service lors du passage à la redevance incitative. En effet, il sera assez inaudible pour les usagers de subir une hausse de la tarification pour le service rendu si les usagers ont l’impression d’assurer eux-mêmes ce service en acheminant leurs déchets vers les PAV…

Ces critères ont également été retenus par le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse qui a relevé ce qui suit :

« L’obligation dans laquelle se trouvent certains autres usagers d’avoir à parcourir plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres, en voiture pour déposer leurs ordures dans les points d’apport volontaire les plus proches, et donc de devoir transporter eux-mêmes des déchets malodorants et susceptibles de souiller l’habitacle de leurs véhicules, le moyen tiré de ce que, dès lors qu’il n’offre pas un (…) niveau de qualité de service à la personne équivalents à ceux de la collecte en porte-à-porte, le règlement litigieux méconnaît les dispositions du IV de l’article R2224-24 du Code général des collectivités territoriales est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à sa légalité et, par voie de conséquence, quant à celle de la délibération par laquelle il a été adopté ainsi qu’à celle de la décision de la communauté de communes du 22 août 2023 ».

Dans notre affaire toulousaine, le juge administratif a retenu ces différents motifs pour considérer que le règlement de collecte ainsi que la délibération portant approbation du règlement de collecte méconnaissaient les dispositions de l’article R2224-24 du Code général des collectivités territoriales.

Le juge administratif a donc suspendu l’exécution des décisions précitées et a enjoint à la collectivité de rétablir la collecte en porte-à-porte sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la notification de l’ordonnance.

Une telle décision, qui peut entrainer de lourdes conséquences pour la collectivité, démontre à quel point le sujet sensible de la suppression d’une collecte en porte-à-porte doit être anticipé et qu’une telle suppression ne doit pas être imposée brutalement à des usagers en éludant la qualité du service attendue ainsi que les impératifs liés à l’environnement et à la salubrité.

Adrien Souet,
Avocat associé
Barreau de Poitiers
SCP Lavalette Avocats Conseils

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Discussions en cours :

  • par Edmée , Le 13 avril à 16:33

    Un PAV va être installé très prochainement a proximité de notre entrée de propriété, quasiment en face du portail. Au delà des nuisances "classiques", c’est - à dire visuelles, odorantes, bruit, rétrécissement de la chaussée (car en plus des bacs, place de stationnement à l’aplomb de notre entrée pour les "usagers" du PAV)., nous avons également découvert que nous ne pourrons plus sortir de notre propriété lors de la collecte et des nettoyages des containers par les camions.

    Est-ce possible aux collectivités d’envisager un project qui bloque la sortie de notre propriété ? Que dit le droit sur ce sujet ?
    Si nous n’arrivons pas à faire déplacer ce PAV de qques mètres - ce qui pourrait résoudre le pb - peut-on considérer que cela constitue une dépréciation de notre bien (propriété principale) ?

    Merci d’avance

  • par Sabrina , Le 9 août 2024 à 16:36

    Bonjour,
    existe-t-il un texte de loi indiquant la distance maximale à laquelle le porte à porte peut nous être imposé ? Car je dois déposer les bacs à une distance d’environ 250m aller-retour de mon habitation car l’allée qui dessert les habitations est privée, donc à faire 2 fois pour aller récupérer le bac, qui plus est de nuit l’hiver, donc dangereux car sans éclairage public avec les véhicules qui circulent dans cette allée. Il peut donc il y a avoir 9 bacs maximum devant l’habitation qui dispose de peu de place et qui se situe en bordure d’une route. Je voudrais passer au point d’apport volontaire pour ces raisons. Quel recours légal puis-je avoir ?
    Merci

  • par Myriam , Le 7 mars 2024 à 11:07

    Bonjour,
    Est-ce que cette ordonnance peut servir de jurisprudence et s’appliquer à d’autres collectivités qui ont fait le choix de supprimer la collecte en porte à porte ?
    Habitant un secteur rural, le premier point d’apport volontaire est à plus de 1.5 km de notre hameau, un véhicule est donc nécessaire pour transporter nos ordures.
    Merci de votre réponse.
    Bien cordialement,

  • Dernière réponse : 29 février 2024 à 14:00
    par AFUL Berges du Moulin , Le 20 février 2024 à 11:08

    Merci pour tout ces articles instructifs.
    Je suis sur l’étude des directives qui régissent la collecte des déchets ménagers en porte à porte dans les villes et villages ;
    dans l’article que vous publiez vous dites :
    "La collecte classique et de principe dite « en port- à-porte » pour laquelle l’usager dépose ses déchets ménagers dans un contenant, dont le point d’enlèvement est situé à proximité immédiate du domicile et dont le contenu sera récolté par les ripeurs."
    mais nous ne trouvons pas la mention "proximité immédiate" dans les textes de loi. Pouvez-vous donner le justificatif de cette prescription ; ou est-ce l’idée logique exprimée par le rédacteur ?
    Cordialement vôtre

    • par Maître Adrien SOUET , Le 29 février 2024 à 14:00

      Madame, Monsieur,

      En effet, cette notion de "proximité immédiate" n’est pas présente dans les textes. Il s’agissait uniquement d’une affirmation du rédacteur justifiée par le bon sens et les pratiques habituelles.

      Sincères salutations

  • Dernière réponse : 29 février 2024 à 14:02
    par GERBAUD Nicole , Le 11 février 2024 à 16:40

    QUE FAIRE ?
    J’ai 80 ans, et à partir de la mi Mars prochaine je dois aller porter mes déchets ménagers à 1km500 de mon domicile , avec voiture, j’ai produit un certificat médical qui stipule que je ne suis pas capable de gérer une telle situation , mais pas de réponse à ce jour de la part de l’organisme SMICVAL chargé de la collecte. Je vais vieillir davantage et je serai de plus en plus incapable, je suis seule sans famille proche et mes voisins sont encore plus âgés que moi
    Que puis je faire ?

    • par Maître Adrien SOUET , Le 29 février 2024 à 14:02

      Bonjour Madame,

      Je ne peux que vous conseiller de vous rapprocher d’un avocat compétent en la matière et/ou d’une association de défense des intérêts des usagers qui pourront effectuer des démarches en vue d’obtenir le rétablissement de la collecte en porte à porte.

      Sincères salutations

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