I- Un acte de poursuite en respect d’un délai de prescription stricte
A) L’acte de poursuite pour faits de diffamation publique
En matière de presse, la victime n’est pas obligée de déposer d’abord une plainte simple devant le procureur et d’attendre un délai de 3 mois pour réagir.
1°- Une Plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe en l’absence de poursuites du parquet
Une victime pourra déposer plainte avec constitution de partie civile directement entre les mains du doyen des juges d’instruction, ou bien faire citer directement le "prévenu" devant le tribunal correctionnel (avec dénonciation de la procédure au parquet).
La poursuite peut de façon plus exceptionnelle être exercée d’office par le ministère public lorsque la diffamation publique revêt un caractère discriminatoire.
Toutefois, lorsque les faits ont été commis contre des personnes considérées individuellement, les poursuites ne peuvent être exercées sans leur accord (article 48, al. 6, loi de 1881).
Seule la plainte de la victime avec constitution de partie civile devant juge d’instruction, le réquisitoire introductif (acte du parquet demandant à un juge d’instruction d’informer sur certains faits) ou la citation directe constituent un "acte de poursuite".
Qui dit victime, dit bien entendu possibilité pour elle de solliciter des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier.
2°- La prescription
Le délai de prescription est de 3 mois à compter de la première publication (article 65 de la loi).
Seule une plainte avec constitution de partie civile devant juge d’instruction, le réquisitoire introductif ou la citation directe constituent un acte de poursuite.
Le délai est porté à 1 an dans le cas où la diffamation publique a été proférée en raison d’une discrimination spécialement interdite, tel qu’issu de la Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (NOR : JUSX0300028L) dite Perben II.
Exemple : une diffamation publique portant sur l’origine, le sexe, l’ethnie, la race, la religion, le handicap, un crime contre l’humanité... Le délai d’un an court du jour où l’écrit sera porté à la connaissance du public et mis à sa disposition.
B) Les éléments du délit retenus par les Tribunaux pour condamner
1°- L’élément matériel
L’article 29 de la loi sur la Liberté de la Presse du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme suit :
"Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés."
Les tribunaux, une fois saisis rechercheront les 5 éléments essentiels à la constitution de l’élément matériel pour condamner, qui sont :
1) L’allégation d’un fait précis ;
2)...qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération (pas une simple critique) ;
3)...d’une personne mise en cause déterminée ou clairement identifiable ;
4)...une atteinte à l’honneur ou à la considération ;
5)...à caractère public.
2°-) L’élément moral ?
Il sera présumé (art 35 bis, loi 29 juillet 1881).
Il s’agit d’une présomption simple d’intention délictuelle, donc de la mauvaise foi qui peut être renversée par la preuve de la bonne foi voir C).
C) Les éléments retenus par les Tribunaux pour relaxer : l’exception de vérité OU la preuve de la bonne foi
Crim,19 janvier 2010 , N° de pourvoi : 09-84408
Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que, d’une part, le droit à un procès équitable et la liberté d’expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces de nature à établir la vérité des faits ou sa bonne foi, sans qu’elles puissent être écartées des débats au motif qu’elles auraient été obtenues par des moyens déloyaux, et que, d’autre part, la bonne foi doit être appréciée en tenant compte notamment du caractère d’intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux, et du contexte politique dans lequel ils s’inscrivent
Crim 17 juin 2008, pourvoi N° 07-80-767 distingue l’exception de vérité, de la bonne foi.
1°- La preuve du fait avéré : l’exception de vérité ( ou exceptio veritatis) comme moyen de défense au fond (articles 35 et 55)
— Cette preuve est envisageable en dehors des poursuites liées à des diffamations touchant à la vie privée, ou à des faits datant de plus de dix ans, amnistiés ou prescrits.
La liberté d’expression primera dans ce cas précis.
La sincérité sera un élément important dans l’information légitime, à condition que cette preuve soit parfaite, complète et corrélative aux imputations (Cour d’appel de Paris 11ème chambre, section A Arrêt du 10 mai 2006).
1ère Civ,25 février 2010 N° de pourvoi : 09-12641
Les premiers juges peuvent retenir l’exception de vérité dès lors qu’il est démontré qu’ils ne se sont pas uniquement fondés sur des éléments de preuve postérieurs à la diffusion.
— Le délai de réaction
Article 55 : Quand le prévenu voudra être admis à prouver la vérité des faits diffamatoires, conformément aux dispositions de l’article 35 de la présente loi, il devra, dans le délai de 10 jours après la signification de la citation, suivant qu’il est assigné à la requête de l’un ou de l’autre :
1. Les faits articulés et qualifiés dans la citation , desquels il entend prouver la vérité ;
2. La copie des pièces ;
3. Les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve.
Cette signification contiendra élection de domicile près le tribunal correctionnel, le tout à peine d’être déchu du droit de faire la preuve.
1re Civ,17 mars 2011, pourvoi N 10-11.784. Le juge doit rechercher si l’offre de preuve de la vérité des faits a bien été présentée dans les dix jours suivant la signification de la citation
2°- La preuve de la bonne foi par QUATRE éléments destinés à renverser la présomption simple d’intention
la légitimité du but poursuivi,
l’absence d’animosité personnelle,
la prudence et la mesure dans l’expression,
le sérieux ou la qualité de l’enquête réalisée
II Le dispositif classique d’une décision de condamnation pour diffamation publique
A) La condamnation pénale principale
1°- L’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 condamne :
La diffamation "classique" envers un particulier sera punie d’une amende maximale de 12.000 euro ;
La diffamation raciale, religieuse, homophobe : d’une peine d’emprisonnement d’un an et 45.000 euro ; d’amende au maximum.
Pour rappel la diffamation privée constituera selon le cas une contravention de la première classe dans le premier cas et de quatrième classe dans le second. Elle permettra des poursuites civiles ou pénales.
2°- exemple de libellé de dispositif du jugement visant la peine principale
Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’encontre X (art. 411 du code de procédure pénale), prévenu ; à l’encontre de Y (art. 415 du code de procédure pénale), civilement responsable ; à l’égard de M.Z (art. 424 du code de procédure pénale), partie civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare X coupable de diffamation publique envers particuliers, en l’espèce Z fait commis le (date des faits)
Le condamne à X euros d’amende éventuellement avec sursis, Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal :
B) Les autres condamnations mentionnées dans la décision
1°- Les dommages et intérêts pour la partie civile
"dit recevable ou irrecevable Y en sa constitution de partie civile" ;
Condamne X à payer la somme de au titre du préjudice moral et de X au titre du préjudice matériel...
2°- La mise en ligne, sur le site internet concerné, accessible à l’adresse www.x. net ou la publication dans un journal par communiqué judiciaire :
exemple
Par jugement en date du XXXX le tribunal correctionnel de XXX , chambre de la presse, a condamné XXX., directeur de la publication du périodique AA , pour avoir publiquement diffamé Z en diffusant le ???? un article intitulé QQQQ les mettant en cause ;
Dit que ce communiqué, placé sous le titre QQQQ condamné au profit de MZ devra être rédigé en caractères gras de police 13, être accessible, dans le mois qui suivra le jour où la présente décision sera devenue définitive et pendant une durée de deux mois, soit directement sur le premier écran de la page d’accueil du site, soit par l’intermédiaire, depuis ce même premier écran, d’un lien hypertexte identique au titre et en mêmes caractères, et figurer en dehors de toute publicité ;
3°- La condamnation aux frais de publications
4°- La condamnation aux frais de procédure et frais irrépétibles ( art 475-1 du CPP)
Condamne X à payer à chacun d’entre eux un euro à titre de dommages et intérêts et la somme de X sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;(frais irrépétibles).