Bail commercial : quelle durée choisir ? Par Marina Edery et Isabelle Ulmann, Avocates.

Bail commercial : quelle durée choisir ?

Par Marina Edery et Isabelle Ulmann, Avocates.

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Explorer : # bail commercial # durée du bail # résiliation triennale # loi pinel

Investisseurs, propriétaires de locaux à usage de commerces et de bureaux, vous allez signer un bail commercial mais pour quelle durée et avec quelles conséquences ?

La loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi PINEL a instauré de nouvelles règles visant à renforcer le statut des baux commerciaux, selon une tendance plutôt favorable aux locataires (encadrement du déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail, octroi d’un droit de préemption au bénéfice du locataire en cas de vente du local).
Dans ce contexte, de nouvelles dispositions relatives notamment à la durée du bail commercial ont été codifiées.

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L’interdiction de conclure un bail commercial pour une durée indéterminée a été maintenue.
Les parties conservent la possibilité de s’engager pour des durées plus ou moins longues. Néanmoins le législateur a souhaité accorder au locataire une faculté systématique de résiliation triennale, interdisant ainsi la pratique des baux dits 6/9 ou de neuf ans fermes.
Exception faite du bail dérogatoire, la durée du bail commercial doit être égale ou supérieure à neuf ans. Il convient de distinguer le bail commercial « classique » dit 3/6/9, des autres baux dont la durée initiale est de 10 ans ou plus.

Le bail commercial « classique » dit 3/6/9 depuis l’entrée en vigueur de la loi Pinel.

Conformément à l’article L.145-4 du Code de commerce, la durée du bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans.
Il s’agit d’une durée minimale et d’ordre public (toute clause contraire étant réputée non écrite).

Le bailleur qui s’engage à louer ses locaux commerciaux pendant neuf ans ne pourra pas mettre fin au contrat au cours de cette durée, sauf dans les hypothèses suivantes :
- en cas d’impayés de loyers et au terme d’une procédure d’expulsion ;
- en vue de construire, reconstruire ou surévaluer l’immeuble existant ;
- pour réaffecter le local à usage d’habitation ;
- pour exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière ou en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain (article L.145-4 du code de commerce).

Le locataire de son côté disposera de la faculté de donner congé à l’expiration de chaque période triennale sans devoir se justifier. Il pourra également mettre fin au bail s’il demande à bénéficier de ses droits à la retraite.
Cette faculté de résiliation triennale offerte au locataire a été renforcée par la loi Pinel citée précédemment. La signature d’un bail ferme de 6 ou 9 ans est en principe désormais interdite.

Le législateur a néanmoins nuancé ce principe.

En matière touristique, les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de certaines résidences de tourisme, mentionnées à l’article L.321-1 du code de tourisme, doivent être conclus pour une durée de neuf ans minimums, sans possibilité de résiliation à l’expiration d’une période triennale (article L. 145-7-1 du code de commerce).

De même, les locaux à usage de bureaux, les locaux monovalents ou construits en vue d’une seule utilisation (cliniques, cinéma, salles de spectacles, hôtel …) et les locaux de stockage peuvent être conclus pour une durée ferme de neuf ans.

Quid à l’expiration des neuf ans ?

Le bail commercial va cesser soit par l’effet d’un congé donné par le bailleur (au moins six mois à l’avance) soit d’une demande de renouvellement établie par le locataire (dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail). Depuis le 8 août 2015, la demande de renouvellement du locataire peut être faite au bailleur par lettre recommandée avec accusé réception ou par acte extrajudiciaire.

Le bailleur a la possibilité de donner congé avec ou sans offre de renouvellement.
Si un congé est donné sans offre de renouvellement, il convient pour le bailleur de préciser le ou les motifs justifiant son refus. Une indemnité d’éviction pourra être proposée au locataire.

Dans le cadre d’un congé avec offre de renouvellement, le contrat de bail se poursuivra sur une nouvelle période de neuf ans. En principe, le loyer de renouvellement sera plafonné et calculé selon la variation de l’indice ILC (article L.145-34 du code de commerce). Pour obtenir un déplafonnement du loyer fixé à la valeur locative, le bailleur devra rapporter la preuve d’une modification notable des caractéristiques des locaux, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialités.

A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail se poursuivra par tacite prolongation aux mêmes conditions (notamment de loyer) ; et les parties pourront y mettre fin à tout moment, en respectant toutefois un préavis de six mois.

Il importe de préciser ici que si cette prolongation tacite dépasse trois ans après les neuf premières années du bail (en d’autres termes si le bail initial dure depuis plus de 12 ans depuis sa conclusion), le montant du loyer du bail renouvelé sera automatiquement déplafonné et pourra donc être fixé à la valeur locative. Dans cette hypothèse, le mécanisme du lissage du déplafonnement du loyer de renouvellement (évoqué dans le numéro précédent) ne trouvera pas à s’appliquer. La valeur locative étant souvent bien supérieure au loyer payé, cette situation peut s’avérer particulièrement intéressante pour le bailleur.

Peut-on conclure un bail pour une durée supérieure à neuf ans ?

Les parties ont la possibilité de s’engager sur une durée plus longue, égale ou supérieure à 10 ans.

Les baux de 10 ou 12 ans seront plus favorables au bailleur.

Si le bail est conclu pour une durée ferme de 10 ou 12 ans, le bailleur obtiendra du preneur qu’il renonce à toute faculté de résiliation.

En pratique, les parties peuvent décider de conclure des baux 3/6/9/10 ou 3/6/9/12. Dans ce cas, le locataire conservera sa faculté de résiliation triennale et le bailleur pourra déroger à certaines dispositions lui incombant dans un bail commercial « classique ».

Une autre option peut être de conclure un bail 6/10 ou 6/12 permettant une résiliation à l’issue des six premières années et les mêmes avantages dérogatoires côté bailleur.

En toutes hypothèses, la règle du plafonnement du loyer ne trouvera pas à s’appliquer. En effet, le montant du loyer du bail renouvelé ou révisé sera automatiquement fixé à la valeur locative, laquelle sera généralement plus avantageuse du point de vue du bailleur.
Précisons enfin que les parties désireuses de s’engager pour une durée qui excèderait douze ans devront passer devant notaire.

Quid du bail précaire ?

La loi PINEL a également réformé le bail dérogatoire dit « précaire » qui permet aux parties de conclure un bail commercial pour une durée inférieure à neuf ans, par dérogation aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. Ce type de bail peut être proposé au preneur qui démarre son activité, mais celui-ci ne pourra pas revendiquer de propriété commerciale.

L’article L145-5 du Code de commerce permet de signer un bail, ou des baux successifs, pour une durée totale ne pouvant excéder trois ans.
Aucune durée minimale n’est imposée par le législateur.

Même s’il présente un intérêt certain côté preneur, le bail dérogatoire ne permettra pas à ce dernier ni de céder son fonds de commerce, ni de bénéficier du droit au renouvellement du bail ou, à défaut, de l’indemnité d’éviction.
A l’expiration de cette durée de trois ans, les parties ne pourront plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
En outre le bailleur devra être vigilant. En effet, si le locataire ne quitte pas spontanément les lieux, un nouveau bail commercial « classique » (3/6/9) se formera automatiquement à défaut de réaction des parties. Dans ce cas, le preneur pourra bénéficier de l’ensemble des dispositions protectrices instaurées par le législateur. Le bailleur dispose d’un délai d’un mois (après la date d’expiration du bail) pour manifester son opposition au maintien du preneur dans les lieux.

En conclusion, la question de la durée est un point stratégique à ne pas négliger lors de la négociation de votre bail commercial. Les locataires étant plus souvent enclins à accepter de s’engager sur un bail 3/6/9, le bailleur devra veiller à encadrer la rédaction de certaines clauses du bail afin de préserver au mieux ses intérêts.

Me Marina EDERY et Isabelle ULMANN
Co-fondatrices du cabinet - ulmann edery -
Site : www.ulmannedery.com
Tel : 01 42 22 48 19
Domaines d’intervention : droit immobilier - baux - copropriété - construction

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