Interview du Directeur général de l’Institut français pour la justice restaurative : Benjamin Sayous.
Village de la Justice : Depuis sa mise en place en 2014, quel bilan peut-il être fait de l’usage de la justice restaurative en France, tant par les professionnels que par les justiciables ?
- Benjamin Sayous.
Benjamin Sayous : « Depuis 2014, le développement de la justice restaurative est progressif.
En 2015, il y avait 6 programmes, fin 2021, il y en avait 87 sur le territoire couvert par nos antennes. La crise sanitaire de 2020 et 2021 a fortement freiné l’essor de la justice restaurative.
Pour autant, en 2021, il y avait eu 39 mesures mises en œuvre auprès de 54 personnes et 84 mesures étaient en cours auprès de 131 personnes, c’est-à-dire autant qu’en 2019 et 2020 cumulées. C’est à la fois peu et beaucoup.
Au tout début, il a fallu combattre les idées reçues. Beaucoup pensaient que l’on mettrait en danger les victimes ou les auteurs. Aujourd’hui, l’idée de la justice restaurative ne fait pratiquement plus débat, mais il nous reste encore beaucoup de travail pour la rendre opérationnelle uniformément sur le territoire. Actuellement, seuls quelques services sont capables d’assurer plus d’une mesure à l’année ».
Quel est le rôle de Institut français pour la Justice restaurative dans le développement de ce processus ?
« Depuis 10 ans, notre Institut promeut la justice restaurative auprès de l’ensemble des professionnels en lien avec des personnes victimes ou auteures d’infractions pénales.
Nous les aidons à mettre en place le dispositif nécessaire pour répondre aux demandes de justice restaurative des personnes victime(s) ou auteure(s) qui les contactent.
Nous formons également l’ensemble des intervenants dans le processus.
Notre objectif est que toute personne qui demande un processus de justice restaurative puisse y accéder.
C’est ce qui nous a d’ailleurs conduits, depuis 2020, à assurer nous-mêmes des mesures de justice restaurative, lorsqu’aucun autre service ne peut le faire ».
Comment voyez-vous l’avenir de la justice restaurative ?
« Je suis convaincu que la justice restaurative a un bel avenir devant elle. Ce doit nécessairement être le cas lorsque l’on voit tous les bénéfices que les personnes qui y ont recours en retirent. Mais pour cela, il est clair que la justice restaurative doit disposer de plus de moyens. A minima, il faudrait qu’il puisse y avoir au moins 2 animateurs opérationnels par département ».
Quels sont les acteurs et métiers à l’œuvre pour la Justice restaurative ?
« Les animateurs de mesure de justice restaurative sont principalement les associations d’aide aux victimes (juriste, travailleur social, psychologue) et dans le secteur public, les personnels de l’Administration pénitentiaire (principalement des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, mais aussi désormais des surveillants pénitentiaires) et des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse.
Les magistrats assurent le contrôle de ces dispositifs. Les avocats peuvent aussi être d’excellent relais. Ils sont de plus en plus nombreux à nous contacter afin que nous les sensibilisions et qu’ils puissent en parler à leur(s) client(s) ».
Comment et par qui les professionnels intervenant dans ce processus sont-ils formés ?
« L’IFJR propose des formations en lien avec la fédération France Victimes et l’École nationale d’administration pénitentiaire. Un parcours de 60 à 120 heures de formation leur permet d’obtenir un certificat d’aptitude à l’animation de mesures de justice restaurative. Sans être un certificat professionnel, il leur permet de justifier, notamment auprès des autorités judiciaires, de leur formation exigée par la loi.
Nous assurons aussi des formations avec l’École nationale de Protection judiciaire de la jeunesse et l’École nationale de la magistrature ».
Quels sont les modes d’application de la Justice restaurative les plus usités (médiation entre une victime et son agresseur/ les rencontres en groupe...) et les plus utiles ?
« Tous les types de mesures de justice restaurative sont utiles. Actuellement, les plus pratiqués sont la médiation restaurative (entre une victime et l’auteur d’une même infraction) et les rencontres condamnés victimes (un groupe de personnes victimes et un groupe d’auteurs d’infractions similaires, mais non reliés par les faits). Ce sont les dispositifs que vous pouvez voir dans le film “Je verrais toujours vos visages” de Jeanne Herry [3]. Ce film retranscrit parfaitement comment ces mesures sont mises en œuvre et ce que vivent les participants ».
Quels sont les réseaux qui portent la Justice restaurative ?
« Aujourd’hui, outre notre Institut [4], les personnes victimes peuvent s’adresser directement à l’association d’aide aux victimes de leur département [5] et les personnes auteures auprès du Service de l’administration pénitentiaire ou de la protection judiciaire de la jeunesse compétent.
Des programmes sont également mis en œuvre par des associations sociojudiciaires [6] ».
Justice restaurative : la Rédaction prolonge l’information...
Qu’est-ce que la justice restaurative ?
La justice restaurative, que l’on appelle aussi justice réparatrice est inspirée des pratiques ancestrales de régulation des conflits des Maoris en Nouvelle-Zélande ou des Amérindiens ou encore de la palabre dans les sociétés traditionnelles africaines.
Cette forme de justice est pratiquée en matière pénale, avec succès, depuis de nombreuses années par bons nombres de pays tels le Canada, la Suisse, la Belgique ou encore l’Afrique du Sud.
Elle met l’accent sur la gestion concrète des conséquences matérielles et relationnelles de l’infraction. Le principe est de rétablir les relations entre la victime (ou ses proches en cas de décès de cette dernière) et l’auteur de l’infraction. Cela se fait par une écoute attentive, privilégiée et confidentielle des parties par un tiers indépendant. Ce dernier est formé pour guider les échanges basés sur la base du volontariat de chacun.
La justice restaurative est un procédé par lequel les mots atténuent les maux. Elle permet aux victimes de se reconstruire et évite aux auteurs d’infractions de récidiver [7].
Cette mesure peut être entamée à tous les stades de la procédure pénale, et ce, quelle que soit l’infraction pénale, à la demande des parties et après la délivrance d’une information loyale et appropriée [8].
Le process de la justice restaurative est long, patient et constructif : une mission dure souvent plusieurs mois. Mais ce temps long est nécessaire pour chacune des parties prenantes et pour que les bienfaits de cette mesure prennent effet.
La justice restaurative en vidéo :
La justice restaurative en chiffres :
Consultez l’enquête nationale sur la justice restaurative 2021 réalisée par l’Institut français pour la Justice restaurative.
Autres lectures sur le sujet :
La justice restaurative, un outil pour la justice pénale ;
"Je verrai toujours vos visages...", une mise en lumière de la justice restaurative
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