L'indépendance du Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs préposé d'établissement. Par Faouzi Diane, Doctorant.

Extrait de : Droit des personnes

L’indépendance du Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs préposé d’établissement.

Par Faouzi Diane, Doctorant.

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Explorer : # mandataire judiciaire à la protection des majeurs # indépendance # protection juridique des majeurs # établissements médico-sociaux

L’exigence de désignation d’un Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs (MJPM) exerçant en qualité de préposé d’établissement, et la problématique de protéger son indépendance de façon effective.

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L’article L472-6 du Code d’action sociale et des familles dispose

« Un établissement mentionné au 6° ou au 7° du I de l’article L312-1 ne peut désigner l’un de ses agents en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs que si un exercice indépendant des mesures de protection qui lui sont confiées par le juge peut être assuré de manière effective.
L’agent désigné doit satisfaire aux conditions prévues à l’article L471-4.
La désignation opérée en application du premier alinéa est soumise à déclaration préalable auprès du représentant de l’Etat dans le département. Celui-ci informe sans délai le procureur de la République des déclarations qu’il a reçues
 ».

Si l’intérêt de la personne hébergée ou soignée dans un établissement de santé ou dans un établissement social ou médico-social le justifie, le juge peut désigner, en qualité de curateur ou de tuteur, une personne ou un service préposé de l’établissement inscrit sur la liste des Mandataires Judiciaires à la Protection des Majeurs [1].

Le MJPM a pour mission d’assister et de contrôler ou de représenter les personnes qui en raison d’une altération, médicalement constatée, de leurs facultés mentales et/ ou physiques, ne sont plus capables de défendre seules leurs intérêts [2]. Il exerce la mesure de protection de façon personnalisée en favorisant la participation de la personne à protéger. Ainsi il recueille les attentes et besoins de la personne protégée.

Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique [3].

La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs maintient la possibilité pour les établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux de confier l’exercice des mesures de protection des majeurs pour les personnes dont ils assurent l’hébergement ou les soins à l’un de leurs agents plutôt que de demander l’autorisation de gérer un service MJPM, mais en limite le « champ potentiel ». Le décret 4 mai 2012 [4] qui sera modifié par un autre décret 7 novembre 2012 « relatif aux modalités de gestion des biens des personnes protégées, dont la protection est confiée à un Mandataire Judiciaire, personne ou service préposé d’une personne morale de droit public » [5], qui représente une troisième forme d’exercice de la mesure protection à côté des Mandataires libéraux et associatifs. Une nouveauté apportée par l’article 427 du Code civil [6], mentionnant que le comptable public n’est plus tenu de gérer le budget des majeurs protégés hébergés dans l’établissement, il relève désormais de la compétence du préposé d’établissement d’en assurer la gestion dans l’intérêt de ses protégés.

I- Nomination des Mandataires Judiciaires exerçant en qualité de préposé d’établissement.

L’objectif du législateur est de permettre à la personne protégée un accompagnement de protection de proximité s’inscrivant dans la suite logique des soins qui lui sont prodigués ou de la prise en charge médico-sociale dont elle bénéficie et de garantir aux magistrats une offre large de service sur un même territoire, il relève de la compétence du juge des contentieux de la Protection statuant en qualité de Juge Tutelle de décider si la mesure de protection ne peut être assurée par la famille, et doit être assurée par l’établissement qui héberge ou soigne la personne à protéger, dans le cas échéant un mandataire extérieur (associatif ou libéral).

Pour le Professeur Gilles Raoul-Cormeil,

« Le législateur encadre l’accès à la profession et l’exercice professionnel des mandats en plaçant les Mandataires Judiciaires à la Protection des Majeurs sous le regard croisé des magistrats de l’ordre Judiciaire et de l’administration préfectorale » [7].

La loi prévoit à l’établissement qui doit désigner un Mandataire Judiciaire à la Protection des majeurs de respecter une procédure spécifique dans le cadre de la mise en place de l’exercice d’activité de la mesure de protection comme prévu par le décret 2008-1505 [8] relatif à l’article L472-6 Code d’action sociale et des familles (précité).

Certains établissements sont tenus de respecter cette obligation de mettre en place l’activité du Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeures exerçant en qualité de préposé d’établissement après une déclaration préalable au préfet du département et la nomination aura lieu après avis du procureur de la république. Le MJPM doit prêter serment dans les mois qui suivent sa nomination [9].

Il s’agit des :

  • Etablissements publics sociaux et médico sociaux qui accueillent des personnes ou des adultes handicapés et disposant d’une capacité de 80 places autorisées au titre hébergement permanent. Ce seuil est apprécié pour chaque établissement et non par entité juridique.
  • Etablissement de santé participant au service public hospitalier qui dispensent des soins psychiatriques ou des soins de longue durée et dont la capacité d’accueil est supérieure à un seuil qui sera défini par décret.

En revanche l’établissement ne peut se soustraire de ces exigences légales en contractant une convention avec une association pour se décharger de son obligation. Mais une possibilité d’établir un service géré par un syndicat inter-hospitalier ou un groupement de coopération sanitaire, médico-sociale ou sociale dont l’établissement est membre ; si non recourir aux prestations d’un autre établissement par voie de convention.

La mesure de protection ne peut être ordonnée par le Juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par une mesure de protection judiciaire moins contraignante ou par le mandat de protection future.

La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé [10]. Le MJPM exerce la mesure de protection de façon personnalisée en favorisant la participation du majeur sous protection. Ainsi il recueille les attentes et besoins de la personne protégée.

II- Effectivité de l’indépendance du MJPM préposé d’établissement.

Les personnes désignées dans la déclaration pour exercer l’activité de MJPM doivent présenter des garanties d’indépendance vis avis de l’établissement.

L’établissement doit définir les moyens qu’il entend mettre en œuvre pour qu’un exercice indépendant des mesures de protection des majeurs qui peuvent être confiées par le Juge soit assuré de manière effective. Un projet de notice d’information doit être précisé par l’établissement.

Le MJPM ne rend compte qu’au juge de l’exercice de ses fonctions, il doit informer son absence au responsable de l’établissement pour l’accomplissement des obligations nécessaires à l’exercice de la mesure de protection juridique des majeurs.

L’établissement doit garantir la confidentialité de la correspondance reçue à son attention ou envoyer dans le cadre de l’exercice de sa mission. Dans le cadre du respect du fonctionnement de l’établissement, la personne protégée peut s’entretenir avec le MJPM en l’absence du responsable de l’établissement et les personnes intervenant auprès des patients accueillis par l’établissement.

Le Conseil d’Etat dans un arrêt de 2014 [11] affirme que le directeur d’établissement ne peut être désigné par le Juge, et le MJPM ne peut être désigné que par le Juge pour l’exercice d’une mesure d’assistance ou de représentation d’un majeur vulnérable. En indiquant par la suite, que personne ne peut se suppléer à l’empêchement du MJPM dans l’établissement.

Dans cet arrêt le Juge s’appuie sur l’article 451 du Code civil [12] prévoyant la possibilité du juge des Contentieux statuant en qualité du juge des Tutelles de designer en qualité de curateur ou tuteur une personne ou service préposé d’établissement et sur l’article L472-6 Code d’action sociale et des familles [13] qui dispose que les établissements sociaux et médico-sociaux ne peuvent designer ou un service l’un de leurs agents en qualité de MJPM que si l’exercice indépendant des mesures de protection qui lui sont confiées par le Juge peut être assuré de manière effective. Il ressort dans cet arrêt quelques enseignements expliquant l’indépendant du MJPM du seul fait de sa désignation par le Juge, et la désignation d’un agent d’établissement est lié par le fait d’être indépendant de sa hiérarchie.

La haute autorité administrative rappelle le refus de placer le préposé d’établissement dans un état de subordination, si les décisions prises dans le cadre de son mandat sont motivées par le pouvoir de la direction de l’établissement qui ne dispose aucun mandat Judiciaire. Cette indépendance est précisée par la haute Juridiction administrative par une expérience et le savoir du MJPM au sens de l’article L471-4 Code d’Action Sociale et des Familles [14], cette indépendance est aussi intellectuelle produit d’un savoir et d’un savoir-faire.

M. Faouzi Diane
Doctorant
Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs préposé d’établissement des hôpitaux

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Notes de l'article:

[1Article 431 Code civil.

[2Article 425 Code civil.

[3Article 415 Code civil.

[4Décret 4 mai 2012 n° 2012-663.

[5Décret 7 novembre 2012 n°2012-1247.

[6Article 427 Code civil.

[7Professeur Raoul-Cormeil (Gilles), dir., Regards humanistes sur le droit : LGDJ Lextenso, 2021.

[8Décret 2008-1505 du 30 Décembre 2008.

[9Article 471-2 Code d’action sociale et des familles.

[10Article 428 Code Civil.

[11Conseil d’Etat, 22 octobre 2014, n°36326.

[12Article 451 Code Civil.

[13Article L472-6 du Code d’action sociale et des familles.

[14Article L471-4 Code d’action sociale et des familles.

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 4 mai 2024 à 19:15
    par Ndour , Le 29 août 2023 à 12:26

    Un bel exposé très clair sur les MJPM

    • par Mimi , Le 10 janvier 2024 à 21:00

      Un préposé d établissement peut il récupérer les dossiers des majeurs protégés qu’il avait en charge s’il s’installe en libéral ?
      Merci pour votre réponse

    • par DIANE , Le 4 mai 2024 à 19:15

      Bonjour ,

      Pour faciliter la réponse à votre interrogation, la profession du MJPM est bien règlementée.

      L’Article R472-6 CASF :
      I.-Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs demande un nouvel agrément dans le cadre de la procédure d’appel à candidature prévue à l’article L. 472-1-1 lorsqu’il souhaite se voir confier par le juge des tutelles une catégorie de mesures de protection des majeurs non couverte par l’agrément.

      II.- Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs demande un nouvel agrément hors du cadre de la procédure d’appel à candidature :

      1° Lorsqu’il souhaite modifier la nature et la consistance des garanties contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile en raison des dommages subis par les personnes protégées ;

      2° Lorsqu’il souhaite modifier les moyens matériels ou humains prévus pour l’activité, pour l’accueil et les échanges entre le mandataire et la personne protégée ou pour les déplacements et que ces modifications sont de nature à affecter de manière substantielle la qualité, la continuité ou la proximité de la prise en charge ou de l’accompagnement ;

      3° Lorsqu’il souhaite changer de lieu d’activité professionnelle ou de domicile et, que ces changements sont de nature à affecter de manière substantielle la qualité, la continuité ou la proximité de la prise en charge ou de l’accompagnement.

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