Inciter les citoyens mauriciens expatriés au retour : le "Mauritian Diaspora Scheme".

Par Michaël Mladenovic, Avocat.

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Explorer : # retour des expatriés # avantages fiscaux # développement économique # diaspora mauricienne

Parmi tous les programmes visant à soutenir une politique gouvernementale, que l’on appelle des « Schemes », le Mauritian Diaspora Scheme a été mis en place en 2016 dans le but de favoriser le retour à l’Ile Maurice des membres de la diaspora mauricienne pour qu’ils participent à l’essor économique du pays [1].

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L’administration du "Mauritian Diaspora Scheme" a été confiée à l’Economic Develoment Board (EDB) par le ministère des Finances qui soutient que le programme « est un plan fort original et révolutionnaire, destiné à encourager les professionnels et autres entrepreneurs mauriciens vivant à l’étranger à venir exercer à Maurice en tant que salariés ou en se mettant à leur propre compte dans des filières où leurs expertises sont très demandées ».

Un site a été créé par l’Economic Development Board pour regrouper toutes les informations relatives au contenu du programme, à l’éligibilité et aux démarches : www.diaspora.mu.

La diaspora mauricienne dans le Monde.

Il est difficile d’évaluer précisément la taille de la diaspora mauricienne, mais on estime cependant qu’elle engloberait entre 200.000 et 500.000 personnes si l’on prend en compte la première génération d’émigrés (années 1960-1970), leurs enfants et petits-enfants.

Les pays accueillant le plus de membres de la diaspora mauricienne sont la Grande-Bretagne, la France, l’Australie, le Canada, l’Afrique du Sud.

Ces vagues d’immigrations ont eu lieu majoritairement pendant les années 1960-1970 après l’indépendance de l’Ile Maurice.

Aujourd’hui, la première génération est retraitée et beaucoup décident de revenir sur leur île natale, tout en bénéficiant d’un niveau de vie agréable. Mais le réel enjeu aujourd’hui pour l’Ile Maurice est de capter les deuxième et troisième générations, plus jeunes, encore actives mais qui ont beaucoup moins d’attaches à l’île. Ce sont elles qui peuvent apporter à l’Ile Maurice les nouvelles compétences et expertises dont elle a grandement besoin pour développer les secteurs à forte valeur ajoutée.

Les Mauriciens émigrés ont généralement bien réussi leur vie à l’étranger, la grande majorité des revenants ayant suivi des études longues et embrassé des carrières libérales ou encore dans la finance. La difficulté est que ces générations sont déjà bien implantées, elles ne sont pas nées à l’Ile Maurice et ont déjà établi de solides réseaux dans leurs pays d’accueil.

Le gouvernement mauricien a mis du temps à comprendre l’enjeu du retour de sa diaspora. Certaines mesures ont été mises en place, comme le Mauritian Diaspora Research Funding Scheme (MDRFS), visant à faire venir des experts issus de la diaspora mauricienne pour animer des programmes de recherche ou d’enseignement. Ce « scheme » a eu un maigre effet, il a donc été relayé par le Mauritian Diaspora Scheme qui lui propose une politique durable en attribuant des avantages fiscaux aux membres de la diaspora s’ils (re)viennent s’installer définitivement à l’Ile Maurice.

La définition de la « Diaspora » sous le Mauritian Diaspora Schème.

Le programme Mauritian Diaspora Scheme s’adresse à tous les membres de la diaspora mauricienne, ainsi définie :

« Un membre de la diaspora mauricienne est un citoyen mauricien détenteur d’un passeport mauricien en cours de validité, un enfant ou un petit-enfant de ce citoyen mauricien, qu’ils soient détenteurs ou non d’un passeport mauricien ».

Les personnes qui ne possèdent pas de passeport mauricien, mais qui correspondent à la définition ci-dessus, sont également considérées comme appartenant à la diaspora mauricienne. Ces dernières se verront délivrer un permis de résidence permanente (Permanent Residence Permit – PRP) valable pour une période de 10 ans renouvelable.

Les critères d’éligibilité et d’exclusion.

En vertu de ce programme, « tout membre de la diaspora mauricienne qui, avant le 24 mars 2015, a vécu et travaillé hors de l’Ile Maurice et qui possède les compétences, le talent et l’expérience nécessaires est admissible à l’enregistrement dans le cadre du programme ».

Pour apprécier les demandes d’enregistrement, l’Economic Development Board applique une série de critères et de conditions relatifs aux qualifications, aux compétences, au talent, à l’expertise, au domaine de spécialisation, à l’expérience, au salaire ou à l’investissement du(es) demandeur(s).

Quels sont les avantages offerts par le Mauritian Diaspora Scheme ?

Au travers du Mauritian Diaspora Scheme, le gouvernement mauricien a pour objectif principal d’inciter les citoyens mauriciens expatriés à revenir s’établir sur le territoire national.

Ce programme prévoit donc plusieurs mesures incitatives.

1) Exemption du paiement de l’impôt sur le revenu.

Les revenus d’un membre de la diaspora mauricienne éligible au Mauritian Diaspora Scheme, qu’ils proviennent de l’Ile Maurice ou de sources étrangères, bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu pour une période de 10 ans à compter de l’année fiscale [2] du retour à l’Ile Maurice.

L’exonération des revenus provenant de l’Ile Maurice est limitée aux emplois, activités, entreprises, métiers, professions ou investissements pour lesquels le membre de la diaspora mauricienne est enregistré dans le cadre du programme Mauritian Diaspora Scheme.

Les dossiers doivent être soumis à l’administration fiscale mauricienne (la « Mauritius Revenue Authority ») au plus tard le 30 septembre de l’année qui suit l’année fiscale considérée.

2) Suppression des taxes lors de l’acquisition d’un véhicule automobile.

Toute personne enregistrée en vertu du Mauritian Diaspora Scheme est dispensée du paiement des droits d’accise jusqu’à un montant de deux (2) millions de Roupies mauriciennes maximum pour l’acquisition d’un véhicule automobile acheté à l’Ile Maurice ou à l’étranger.

3) Suppression des droits de douane et de TVA lors du rapatriement des objets et effets personnels.

Tout membre enregistré dans le cadre du programme Mauritian Diaspora Scheme est exempté du paiement des droits de douane en vertu du Customs Tariff Act, ainsi que de la Taxe sur la valeur ajoutée en vertu de la Value Added Tax Act, sur ses effets mobiliers et personnels à condition que :
- les effets mobiliers et personnels aient été achetés à l’étranger et ne sont pas destinés à la vente,
- ces effets soient importés dans un délai de six (6) mois à compter de la date de dernière arrivée ou de toute autre période,
- lorsque ces effets n’accompagnent pas le bénéficiaire du programme, celui-ci a, lors de sa dernière arrivée à l’Ile Maurice, fait une déclaration écrite au Directeur Général de leur importation envisagée en détaillant précisément les biens et effets à importer.

4) Droit de transfert et d’enregistrement.

Est également prévu l’exemption du paiement du droit d’enregistrement - « Registration Duty » - lors d’une acquisition immobilière lorsque ce bien se trouve dans le cadre du « Smart City Scheme » ou du « Property Development Scheme ».

Cette exonération du paiement du droit de transfert et d’enregistrement (de 5% sur la valeur du bien immobilier) ne s’applique qu’au premier achat d’une propriété résidentielle sous l’un des deux Schemes précités.

5) Résidence permanente.

Tout membre qui n’est pas citoyen mauricien (ayant toutefois un parent ou des grands-parents mauriciens) peut, sur demande, se voir accorder le statut de résident permanent conformément à l’article 5 A de l’Immigration Act.

Lorsqu’un membre s’est vu accorder le statut de résident permanent, sont éligibles à ce même statut :
- son époux/épouse,
- son enfant, son beau-fils/fille ou son enfant adopté, âgé de moins de 24 ans,
- son plus proche parent entièrement à sa charge, lorsqu’il n’est pas marié, à condition que le nombre de personnes à charge ne dépasse pas trois (3).

Procédure de demande.

Remplir et soumettre le formulaire de demande et les documents justificatifs selon la liste de contrôle par le biais d’une plate-forme électronique.

Le demandeur reçoit un courriel accusant réception de sa demande, incluant la communication d’un numéro de référence du dossier du demandeur.

Dans les 30 jours suivant la date de réception de la demande, l’Economic Development Board procède à un examen de « due diligence » en consultation avec d’autres parties concernées.

Le dossier est ensuite examiné par le Mauritian Diaspora Technical Committee (le Comité technique de la diaspora mauricienne) avant d’être finalement soumise à l’approbation du Conseil de développement économique (Economic Development Board).

Une fois la demande approuvée par l’Economic Development Board, le demandeur est informé par courriel.

Le demandeur sera ensuite appelé à informer l’Economic Development Board s’il accepte le « package of benefits » qui lui a été proposé.

Les professionnels fortunés courtisés.

Professionnels et grosses pointures fortunées sont dans le viseur de l’Economic Development Board. Celui-ci se propose de revisiter le Mauritian Diaspora Scheme du 24 mars 2015 pour mieux les attirer. Plus spécifiquement les professionnels qualifiés, au nombre de 50.000, concentrés aujourd’hui en Europe avec une forte présence également en Australie et au Canada.

Une démarche qui confirme implicitement que ce plan n’a pas eu, jusqu’ici, l’accueil escompté. En effet depuis octobre 2015, ce programme n’a incité que le retour sur le sol natal de que 250 Mauriciens.

Initialement, ce plan accompagne le retour des membres de la diaspora d’un certain nombre d’avantages fiscaux. Le problème réside dans le fait que ces mesures incitatives ne s’appliquent qu’à ceux qui ont fait des demandes après le 24 mars 2015 et qui sont venus s’installer après cette annonce budgétaire, mais pas avant.

« L’EDB se penche actuellement sur les critères d’éligibilité de ce scheme », a pu souligner Monsieur Zakir Cauhnye, Head of Doing Business au sein du board. L’EDB estime en effet qu’il existe un gros potentiel économique pour le pays avec le retour des jeunes issus des deuxième et troisième générations de familles mauriciennes ayant mis le cap sur l’Europe ou l’Australie. « Nous voulons attirer ces jeunes professionnels en vue d’un transfert d’expertise dont nous avons besoin pour soutenir le secteur des services financiers dans des créneaux pointus mais aussi au niveau de la biotechnologie et de l’informatique », a précisé le Head of Doing Business.

Et il n’y a pas que des jeunes professionnels. Les Mauriciens financièrement fortunés sont également ciblés dans le cadre de cette nouvelle offensive de l’EDB. « Il y a des fils du sol qui ont amassé des fortunes et qui peuvent aujourd’hui, en fin de carrière, retourner à Maurice pour investir ou, à défaut, rester dans leur pays d’adoption tout en mobilisant des fonds pour lancer des entreprises à Maurice », affirme Zakir Cauhnye.

L’EDB compte jouer sur ces deux claviers pour attirer les membres de la diaspora mauricienne à contribuer afin d’aider le pays à franchir un nouveau palier de son développement économique. Un postulat auquel souscrit totalement Anthony Leung Shing, le nouveau Country Senior Partner de PricewaterhouseCoopers. Il croit dans ce Mauritian Diaspora Scheme pour attirer les cerveaux qui ont décidé, à un certain moment de l’histoire du pays, de fuir vers d’autres cieux. « Il faut les encourager à revenir et servir le pays s’ils en expriment le désir ».

Encore faut-il que les entreprises publiques et privées s’ouvrent à leurs compétences. Et c’est là où le bât blesse. À en croire les témoignages de ces jeunes professionnels – qui, soit dit en passant, sont académiquement formés et fortement expérimentés –, les portes ne sont pas totalement ouvertes. Et si elles le sont, les packages proposés sont loin de correspondre à leurs attentes.

Sources :
- The Finance (Miscellaneous Provisions) Act 2017 ;
- Investment Promotion (Mauritian Diaspora Scheme) Regulations 2015 (GN 196/2015) ;
- Mauritius econonomic development board ;
- https://www.lexpress.mu.

Michaël MLADENOVIC
Avocat à la Cour (Lyon)
FRANCE/MAURITIUS
mm chez av2m-avocats.com

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Notes de l'article:

[1Le Mauritian Diaspora Scheme a été instauré par la loi The Finance (Miscellaneous Provisions) Act 2017 et est notamment régi par l’Investment Promotion (Mauritian Diaspora Scheme) Regulations 2015 (GN 196/2015).

[2A l’Ile Maurice, l’année fiscale court du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante.

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