[République de Guinée] L’avant-projet de constitution, un texte qui n’est pas non plus du sur mesure.

Par Abdoul Bah, Juriste.

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Explorer : # droits fondamentaux # gouvernance # dépenses publiques # institutions

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En République de Guinée, l'avant-projet de constitution prévoit des droits fondamentaux garantis par l'État, mais leur mise en œuvre soulève des questions économiques et pratiques. Le système institutionnel devient complexe, avec des conditions d'éligibilité strictes, et des mesures coûteuses risquent de peser sur le budget déjà déficitaire.
Description rédigée par l'IA du Village

Au terme d’un tour d’horizon de l’avant-projet de Constitution [1], l’on pourrait s’interroger si le Conseil national de la transition (CNT) a réussi son exercice sur le chantier de la refondation « constitutionnelle » : proposer une constitution taillée sur mesure, qui prenne en compte notamment le passé, les besoins et moyens de mise en œuvre à disposition.

Au regard de ce qui pourrait être désormais l’architecture institutionnelle, son fonctionnement et ses implications d’ordre financier, juridique et pratique, il y a matière à craindre que la nouvelle constitution puisse être moins adaptée que les précédentes.

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L’impossibilité de garantir l’accès à des droits fondamentaux prévus.

Si le texte est adopté en l’état, la future constitution aurait le « mérite » de garantir aux citoyens un certain nombre de droits fondamentaux qui constituent, généralement, des objectifs à atteindre même pour les Etats disposant suffisamment de moyens de leurs politiques.

En effet, il est prévu que l’Etat doit notamment garantir à tous les citoyens le droit d’accès à une couverture santé universelle, créer toutes les conditions d’accès à un travail décent et à un logement décent. En outre, il doit créer des conditions d’accès des étudiants et diplômés à un stage professionnel [2].

Il en résulte non pas des devoirs mais des obligations auxquelles l’Etat est soumis, dont les citoyens peuvent se prévaloir. Dit autrement, l’Etat pourrait engager sa responsabilité devant le juge en cas de manquement auxdites obligations.

Pour mémoire, les constitutions précédentes - c’est le cas d’ailleurs des constitutions de la plupart des Etats - prévoyaient ces droits fondamentaux sans pour autant obliger l’Etat à créer toutes les conditions d’accès des citoyens à ces droits.

Sauf preuve contraire, il me semble qu’il n’existe pas un Etat de droit dont la constitution consacre de telles garanties d’accès aux droits fondamentaux. Cela procède d’un certain réalisme, contrairement à l’utopisme dont le CNT a fait preuve par ces dispositions.

Ainsi, le CNT n’est pas parti de la réalité afin de proposer quelque chose qui soit utile, possible et opérationnelle. Il s’agirait inéluctablement de dispositions mortes-nées comme beaucoup d’autres d’ailleurs du texte, car elles sont tout sauf adaptées.

Une complexification de l’architecture institutionnelle.

Si les pouvoirs exécutif et judiciaire n’ont pas subi une mutation profonde, ce n’est pas le cas du pouvoir législatif qui serait désormais exercé par un Parlement : l’Assemblée nationale et le Sénat, les 2 réunis constituant le conseil de nation [3].

Concernant le Sénat, 2/3 de ses membres doivent être élus parmi les conseillers régionaux et communaux connus pour leur probité morale, intégrité, expériences professionnelles et haute qualification dans un domaine juridique, scientifique, religieux, politique, économique, social et culturel [4]. Il en résulte des conditions d’éligibilité qui paraissent contraignantes. En effet, si ces conditions ne sont pas requises pour être conseiller régional ou communal, il semble toutefois, d’un point de vue pratique, elles le sont implicitement pour être éligible en tant que sénateur. Dit autrement, il faudrait faire en sorte qu’il ait parmi les conseillers régionaux et communaux ceux qui remplissent lesdites conditions d’éligibilité aux fonctions de sénateur, ce qui ne serait pas sans difficultés en pratique.

Sur l’organisation territoriale [5], les provinces et communes constitueraient désormais les collectivités territoriales. Pour mémoire, ces dernières sont constituées depuis des décennies de régions, communes urbaines et communes rurales.

Il en résulterait une suppression des communes rurales, ce qui n’est pas sans conséquences sur le quotidien des habitants des localités concernées. Cela pourrait en effet éloigner des habitants du centre décisionnel (centralisé au niveau communal). Et l’absence notamment d’un réseau sûr de communication, de correspondance et d’accessibilité entre lesdites localités et le centre décisionnel communal sont de nature à empirer les services publics locaux.

Sur les institutions d’appui à la bonne gouvernance [6], certaines seraient investies de missions similaires (chevauchement de compétences). Par exemple : la commission nationale de l’éducation civique et des droits de l’homme sera investie d’une mission de protection des droits humains au même titre que les autorités administratives indépendantes ; ces dernières seront investies d’une mission de régulation économique des secteurs considérés comme essentiels dont feraient partie la communication, l’information, le cinématographique et publicitaire, qui relèvent de la compétence de la commission de régulation de la communication et de l’audiovisuel.

Par ailleurs, les collectivités décentralisées auront pour missions d’œuvrer pour le développement économique, social, sanitaire, éducatif et sportif de leurs territoires [7]. Il en ressort une limitation de leur champ d’intervention (domaines de compétence exhaustifs). Pour mémoire, il résulte des constitutions précédentes la consécration d’une clause générale de compétence, c’est-à-dire leur champ d’intervention tient de l’intérêt local. Cela procède-t-il ainsi d’une erreur rédactionnelle ?

Conséquences financières de mise en œuvre de la future constitution.

Il est aisé de se rendre compte que le CNT n’a pas pensé le coût financier pouvant résulter de la mise en œuvre de certaines mesures de l’avant-projet. Inutile de rappeler le déficit budgétaire structurel de l’Etat par ailleurs.

Précisément, outre le coût lié à la mise en œuvre des droits fondamentaux ci-dessus exposés, des dispositions conséquentes d’incidence financière sont consacrées, alors que partout ailleurs sont mises en œuvre des politiques de réduction des dépenses publiques.

Au titre des dépenses, par exemple, il serait désormais institué un service civique et militaire obligatoire pour les jeunes [8]. Ensuite, il serait institué des avantages matériels, financiers et une protection au profit de certaines personnalités en raison des fonctions qu’elles ont exercées ou de leur statut :

  • les anciens présidents de la République ainsi que leurs conjoints ;
  • les anciens premiers ministres ;
  • les anciens présidents d’institutions de la République [9].

Outre l’aspect financier, l’on ne peut ne pas être sensible à de telles dispositions dans un Etat en proie à de coups d’Etat. Une question mérite d’être posée : les périodes de transition sont-elles concernées ? En d’autres termes, ces avantages, seraient-ils ouverts également aux personnalités de période de transition ?

Soit on considère, en l’absence de précision textuelle, peu importe la période d’exercice de ces fonctions, ces avantages sont dus. Cette solution paraît toutefois injustifiée : un président élu n’a pas le même mérite qu’un président non élu.

Soit on considère que l’exercice desdites fonctions en période de transition fait obstacle au bénéfice desdits avantages, solution qui paraîtrait - à défaut d’une suppression pure et simple des dispositions y afférentes - moins pire.

Aussi, on assisterait à la consécration de nouvelles institutions parmi lesquelles le Sénat et des institutions d’appui à la bonne gouvernance (cf. supra), qui alourdiraient gravement la balance des dépenses publiques.

Enfin, l’Etat s’engagerait à garantir, d’une part, l’enseignement de la constitution et des langues nationales, et d’autre part, la promotion, la vulgarisation et la tradition de la Loi (la constitution comprise donc) dans les langues nationales [10].

Abdoul Bah
Juriste

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Notes de l'article:

[1NDLR : le 29 juillet 2024, un avant-projet de nouvelle Constitution a été déposé par les militaires au pouvoir en Guinée.

[2Articles 21, 22, 23 et 24 de l’avant-projet de constitution (APC).

[3Article 91 de l’APC.

[4Article 110 du APC.

[5V. article 187 de l’APC.

[6Article 172 et s. de l’APC.

[7Article 190 de l’APC.

[8Article 26 de l’APC.

[9Article 74 et 75 de l’APC.

[10Articles 2 et 31 de l’APC.

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