La fin de la prescription de l'action publique ? Par Sarah Alem, Etudiante.

La fin de la prescription de l’action publique ?

Par Sarah Alem, Etudiante.

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Explorer : # prescription de l'action publique # réformes législatives # droit pénal # justice française

La prescription de l’action publique est un mécanisme important en droit pénal. Toutefois, au regard des dernières réformes, il est possible de s’interroger sur l’avenir de l’outil.

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La prescription de l’action publique est un mécanisme influant sur l’action du parquet pour la poursuite d’une infraction pénale.

En d’autres termes, pour que le parquet puisse poursuivre l’auteur d’une infraction, l’action publique doit nécessairement être exercée dans les délais fixés par la loi. À défaut, l’action publique est éteinte et les faits commis ne pourront donner lieu à une condamnation pénale.

I. Les fondements justifiant l’existence de la prescription de l’action publique.

Classiquement, le maintien de la prescription de l’action publique repose sur plusieurs fondements.

Le premier constitue l’existence du droit à l’oubli. En effet, pour les partisans de cette théorie, l’écoulement du temps aurait pour but d’accorder un pardon moral à l’auteur d’une infraction pénale. L’auteur de l’infraction vivrait dans l’angoisse d’être poursuivi ce qui constituerait une punition suffisante. Par conséquent, il faudrait oublier les faits, renoncer aux poursuites et à une sanction pénale.

Le second fondement repose sur le maintien de la paix sociale. À ce titre, l’écoulement du temps permettrait l’atténuation des souffrances des victimes et de l’agitation sociale. Dès lors, l’ouverture d’un procès plusieurs années après la commission des faits pourrait avoir pour effet de raviver les souffrances.

Toutefois, aujourd’hui, les fondements classiques expliquant le maintien de la prescription de l’action publique sont critiqués. En dépit de cette difficulté, de nouveaux fondements peuvent justifier le maintien de cet outil.

Dans un premier temps, la prescription de l’action publique constituerait un moyen efficace afin d’épurer les contentieux et par conséquent d’apaiser partiellement les maux dont souffre la justice française. Depuis plusieurs années, il est possible de constater que la justice française fait face à un manque de moyens humains et budgétaires.

Dans un second temps, le maintien de l’action publique s’expliquerait par le fait que cet outil entretiendrait un lien étroit avec la peine. En droit pénal, la peine n’a pas qu’un effet rétributif puisqu’elle doit permettre à terme la réinsertion de l’auteur dans la société. Or, en condamnant un individu déjà inséré dans la société soixante ans après la commission des faits, la peine pourrait avoir un effet contraire.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le maintien de la prescription de l’action publique peut sembler nécessaire. Toutefois, au regard des dernières réformes, il est possible de s’interroger sur l’avenir de cet outil.

II. Les réformes amorçant une disparition de la prescription de l’action publique.

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, le législateur avait déjà commencé à allonger certains délais de prescription de l’action publique pour un nombre limité de crimes et de délits.

Toutefois, la loi n°2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, qui est parue au journal officiel le 28 février 2017, avait marqué une première étape importante vers l’amoindrissement de la prescription de l’action publique.

L’entrée en vigueur de la loi avait modifié les articles 7, 8 et 9 du Code de procédure pénale mettant fin à la règle du « 1 an, 3 ans et 10 ans » instituée originellement par le Code d’instruction criminelle de 1808. En effet, les délais de prescription de l’action publique ont été allongés. À ce titre, le délai de prescription pour les délits de droit commun est passé de trois ans à six ans et le délai de prescription pour les crimes de droit commun est passé de dix ans à vingt ans. Seul le délai de prescription de l’action publique pour les contraventions a été maintenu à un an.

Il convient de préciser que les dispositions allongeant les délais de prescription de l’action publique sont d’application immédiate.

À titre informatif, le report du point de départ du délai de prescription, le jeu de l’interruption et de la suspension de l’action publique participent également à l’amoindrissement de la prescription de l’action publique.

Toutefois, le législateur ne s’est pas arrêté là. En effet, la loi n°2021-478 du 21 avril 2021 qui est parue au journal officiel le 22 avril 2021 avait marqué une seconde étape importante vers l’amoindrissement de la prescription de l’action publique.

A ce titre, les articles 7 et 8 du Code de procédure de pénale ont été une nouvelle fois modifiés. L’objectif principal est de retarder le plus possible l’acquisition du délai de prescription de l’action publique lorsque sont commis des viols et des agressions sexuelles sur mineurs. Pour ce faire, la prescription dite « glissante » a été instituée.

La compréhension du mécanisme est particulièrement complexe. En effet, si un viol ou une agression sexuelle est commis sur plusieurs mineurs par le même auteur, le délai de prescription de la première infraction commise est prolongé jusqu’à la date de prescription de la deuxième infraction. Si une nouvelle infraction est commise par le même auteur, la date de prescription de la troisième infraction servira de référence aux deux premières infractions.

Par ce biais, il est tout à fait probable de voir une affaire non-prescrite cinquante ans ou soixante ans après la commission des faits. Dès lors, au regard de toutes ces réformes, la question du maintien de la prescription de l’action publique se pose.

Cette question se pose d’autant plus dans la mesure où le mécanisme de prescription de l’action publique ne dispose pas d’une valeur constitutionnelle mais légale. En effet, cela a été rappelé par le Conseil constitutionnel le 24 mai 2019. Par conséquent, il serait tout à fait possible pour le législateur de faire disparaitre le mécanisme par l’effet d’une simple loi.

Alem Sarah, Etudiante en droit

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