Les ateliers thématiques ont été organisés par l’IERDJ autour de trois axes :
Le premier axe est consacré à la place des femmes dans les professions juridiques et judiciaires, traite des questions de la féminisation de ces professions et des différences persistantes existant entre les professionnels.
Le deuxième envisage les attentes et besoins des femmes justiciables, discute les représentations des justiciables, ainsi que le processus qui conduit, éventuellement, à la saisine de la justice.
Le troisième axe porte sur les femmes justiciables et les pratiques de justice, étudie le traitement des justiciables par l’institution judiciaire incarnée par des hommes et des femmes.
Sur la féminisation des professions juridiques et judiciaires.
L’étude confirme une tendance générale à la féminisation dans plusieurs métiers du droit et de la justice (magistrats, greffiers, notaires, avocats etc.), avec des degrés de féminisation plus ou moins importants (par exemple une mixité pour les directeurs des services pénitentiaires, ou une féminisation à 75% pour les greffiers). On notera aussi le bond chez les notaires, chez qui la part des femmes est passée de 0,8 % à 57,2 % entre 1970 et 2023, ou enfin la proportion du côté des médiateurs, qui sont à 63% des médiatrices [3].
Une féminisation tempérée à l’échelle de l’Europe cependant : "Ce mouvement de féminisation, qui se constate dans toute l’Europe, est pourtant d’une ampleur variable selon les pays. Il dépend notamment des modalités de recrutement des professionnels." [4]
Cependant, des inégalités persistent, avec une forte "segmentation horizontale et verticale" [5], ce qu’on appelle couramment les "plafonds de verre" : les femmes sont à des postes moins rémunérateurs ou à des spécialisations moins valorisées, ou encore leur accès aux postes les plus prestigieux ou à responsabilité sont limités.
Exemple et chiffres cités à ce titre :
Le baromètre de l’égalité entre les femmes et les hommes du ministère de la Justice établit en 2018 que, si on compte 66 % de femmes parmi les magistrats, on ne relève que 46 % de femmes parmi les magistrats atteignant le grade le plus prestigieux.
En 2016, le Conseil national des barreaux (CNB) estimait que le revenu annuel des femmes avocates était deux fois inférieur à celui des hommes.
Parmi les pistes de recherche proposées par le groupe de recherche :
L’analyse de parcours et études comparatives, c’est-à-dire mener des études de parcours professionnels pour mieux cerner les barrières à l’avancement des femmes, en tenant compte de variables comme la mobilité géographique et les contraintes familiales.
Un focus sur les "engagements périphériques" (participation à des groupes de travail, à des associations, à des syndicats, mobilisation dans différents réseaux, candidature pour les postes de représentation, etc. ) "qui apportent visibilité et reconnaissance. (...) les femmes ont longtemps été invisibilisées et leur parole peu relayée, ce qui a contribué à alimenter les mécanismes de reproduction des inégalités de carrière." [6]
Sur les attentes et besoins des femmes justiciables.
L’atelier sur ce sujet a conclu [7] à :
une connaissance parcellaire du recours à la justice ;
un besoin de données et de recherches sur les femmes justiciables.
Le rapport rappelle que des travaux statistiques montrent que les hommes et les femmes ne sont pas également représentés dans les différents contentieux qui occupent les tribunaux.
Exemples chiffrés : du côté de la Justice pénale, la part de femmes condamnées, stable sur les deux dernières décennies, s’établit autour de 10 %, et de 6 % pour les condamnations criminelles. Du côté de la Justice civile, comme de la justice administrative, les données concernant le sexe sont peu collectées.
Les femmes justiciables rencontrent souvent des obstacles liés à la définition de leurs attentes de justice et la perception institutionnelle de leurs besoins. Les données montrent que les femmes, en tant que victimes ou justiciables, font face à des biais structurels dans les décisions judiciaires, notamment dans les affaires familiales et de violences conjugales.
L’attention du rapport est notamment portée sur les MARD, et sur la question de savoir "si les hommes et les femmes sont également armés pour obtenir gain de cause dans ces circonstances." [8]
Femmes justiciables et pratiques de justice : des rapports en tension ?
L’étude met en lumière les tensions dans les interactions entre les femmes justiciables et l’institution judiciaire en indiquant que "des travaux portant sur divers contentieux ont montré un comportement procédural des demandes assez différent entre les femmes et les hommes ; ils ont également souligné le fait que le droit, comme l’institution judiciaire, sous une apparente neutralité au genre, pouvait conduire à distinguer les justiciables selon leur genre, cette distinction ayant plutôt pour effet, dans les travaux mentionnés, de reproduire les inégalités sociales." [9]
Le rapport permet également de souligner le besoin d’une meilleure collecte de données genrées pour comprendre les dynamiques d’accès à la justice des femmes, et notamment en contentieux fiscal, en contentieux social, ou encore en droit du travail... [10]
Loin de clore le débat, ces travaux de l’IERDJ lancent un vaste champ de sujets, de recherches et de données pour approfondir ces regards croisés autour du genre.
Le rapport peut être consulté dans son intégralité sur le site de L’IERDJ ici.