Femmes battues : quelles démarches pour s’en sortir ?

Par Soumia Aziria, Avocate.

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Explorer : # violences conjugales # démarches légales # protection des victimes # aide et soutien

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Cet article présente les différentes démarches juridiques, et administratives ainsi que les dispositifs d'accompagnement et de secours disponibles pour venir en aide aux femmes victimes de violence intrafamiliale.
Description rédigée par l'IA du Village

Véritable fléau sociétal, les violences contre les femmes sont aujourd’hui de plus en plus sévèrement réprimées. Le déploiement d’un vaste arsenal législatif atteste de la préoccupation des pouvoirs publics. Comment aider les femmes battues à sortir du cycle infernal de la maltraitance domestique ? Comment les accompagner à faire face à un partenaire bourreau ? Quels sont les moyens d’action et les mesures de protection leur permettant de se libérer ? Autant de questions auxquelles notre article répond afin d’aider les victimes à s’en sortir.

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Une femme meurt tous les trois jours en France sous la brutalité d’un époux, un concubin ou un partenaire pacsé, actuel ou passé. Au 15 janvier 2024, 8 femmes ont déjà perdu la vie.

Elle sont, en effet - quel que soit leur âge, leur milieu social et culturel - les premières victimes de violences conjugales. Proies aux agressions verbales, psychologiques, économiques ou sexuelles répétées, ce sont, statistiquement, les coups et les blessures physiques dont elles souffrent le plus. Prisonnières d’une relation toxique et brutale, elles endurent l’isolement, l’humiliation et la honte.

Les démarches légales au service des femmes battues.

La plainte ou la main-courante.

Si la loi condamne toute forme de violence, elle fait de la maltraitance au sein du couple une circonstance aggravante. Les articles 222-13 et 222-14 du Code pénal prévoient, en effet, des peines plus sévères pour les auteurs de violences conjugales, en particulier lorsque ces dernières sont commises par un conjoint ou un partenaire de PACS.

Pour protéger les victimes et leur permettre d’engager des poursuites judiciaires, la loi permet de déposer une plainte auprès de n’importe quel commissariat ou gendarmerie sans distinction du lieu de l’infraction.

Mais si les femmes battues sont, très souvent, conscientes de la gravité de leur situation et ont envie de s’en défaire, elles sont généralement réticentes, par peur des représailles ou par honte, à l’idée de se rendre à la police ou la gendarmerie.

Pour y remédier, la victime dispose de la possibilité de ne pas se déplacer et d’adresser directement une lettre sur papier libre au procureur de la République du tribunal judiciaire où l’infraction a été commise. Elle peut également - si elle vit en région parisienne - prendre rendez-vous en ligne avec les services de police, afin d’organiser plus sereinement sa démarche. L’application s’appelle SMART. Il lui est aussi dorénavant possible, depuis le mois d’octobre 2023, de déposer plainte, lors de sa prise en charge, au sein des services d’urgences des hôpitaux publics de Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. La démarche a été étendue à Strasbourg.

La victime n’est pas tenue de prouver ses dires mais il est souhaitable de produire le plus d’éléments possibles : certificat médical constatant les blessures, photos, messages, enregistrements, vidéos, témoignages, mains courantes… L’ensemble permettra de justifier ses allégations et faciliter les poursuites pénales à l’encontre de l’auteur des violences.

L’association des femmes huissiers de justice de France offre toute une serie d’actes gratuits pour soutenir les femmes brutalisées, notamment la retranscription comme preuves de SMS ou courriels, des constats de réintégration du domicile conjugal ou encore la signification des ordonnances de protection [1].

Enfin, si la femme battue ne souhaite pas porter plainte, elle peut signaler les faits dans le cadre d’une main courante auprès de la police ou d’un procès-verbal de renseignements judiciaires, auprès de la gendarmerie. Ils seront transmis au procureur de la République qui décidera ou non de poursuivre, selon la gravité des faits. La personne incriminée ne sera pas avertie de la démarche, laquelle pourra permettre à sa compagne de quitter, en toute urgence, le domicile conjugal.

L’ordonnance de protection : mesure nécessaire et indispensable pour lutter contre la maltraitance domestique.

Le juge aux affaires familiales peut être saisi, même en l’absence de plainte, par la femme battue ou par le procureur de la République avec l’accord de cette dernière, afin qu’il délivre une ordonnance de protection. Il suffit à la victime de remplir le Cerfa en ligne [2]

Ce dispositif peut venir compléter des poursuites pénales en prévoyant des mesures de protection, telles qu’une injonction d’éloignement du partenaire violent mais surtout des dispositions relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale et l’attribution du logement [3].

La requête est remise ou adressée au greffe du tribunal judiciaire du lieu de résidence de la famille ou des enfants mineurs communs. A défaut de domicile conjugal et d’enfant mineur, c’est celui du ressort dans lequel habite l’auteur des agressions.

Mesure d’urgence, l’ordonnance est délivrée sous 6 jours maximum à compter de la fixation de la date de l’audience. Les mesures sont prononcées pour une durée de 6 mois mais peuvent être prolongées dans le cas notamment de l’introduction d’une requête en divorce ou en séparation de corps.

Durant la procédure, la femme en danger devra produire des éléments de preuve visant à avérer les faits de violence supposés, afin que le juge puisse délivrer une ordonnance de protection. Il est donc important pour elle de consigner tous les éléments à sa disposition : certificats médicaux, photos, mails, sms, enregistrements, vidéos, témoignages, mains courantes.

La victime de maltraitance conjugale étrangère, en situation irrégulière sur le territoire français, peut solliciter, dans le cadre de l’ordonnance de protection, la délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » et ce, malgré l’absence de communauté de vie avec son conjoint violent. Dans les mêmes conditions, si elle dispose déjà d’un titre de séjour régulier, son renouvellement est alors automatique.

La femme violentée peut demander à ce que son adresse soit dissimulée, dans le cadre de la procédure ainsi que l’ordonnance, et élire domicile chez son avocat, auprès du magistrat du parquet, ou encore chez une association spécialisée dans la lutte contre les violences conjugales [4].

Enfin, elle peut disposer d’une priorité dans l’attribution d’un logement social.

Même si la présence d’un avocat n’est pas obligatoire, elle est très fortement recommandée, afin d’aider la victime dans le cadre de la procédure, notamment pour accomplir l’ensemble des formalités auprès du juge aux affaires familiales et défendre ses intérêts. Il est à noter d’ailleurs que les demandes d’aide juridictionnelle dans un contexte de violences conjugales sont traitées en urgence et que le juge peut également l’accorder, à titre provisoire, dans son ordonnance de protection [5].

Les dispositifs d’aide et de secours pour les femmes battues.

Les permanences juridiques.

Les femmes battues peuvent obtenir des informations, pour connaitre leurs droits et briser le cycle de la violence, dans le cadre de consultations juridiques gratuites au sein des palais de justice, des maisons de justice et du droit, des mairies ou encore des services sociaux. Il en existe dans chaque région.

Les plateformes de signalement.

Des contacts d’urgence gratuits sont mis à la disposition des victimes d’agressions infrafamiliales, afin de bénéficier d’une écoute, d’une aide psychologique, d’une information sur leurs droits ou encore d’une orientation auprès des associations ou autorités compétences. Parmi ceux-ci :

  • 3919 : Violences conjugales info
  • 116 006 : Fédération France Victimes [6]
  • 114 : dédié aux personnes sourdes ou malentendantes, victimes ou témoins d’une situation d’urgence, afin de demander l’intervention des services de secours
  • 115 : numéro pour les services d’urgence, notamment l’hébergement
  • 0 800 05 95 95 : SOS Viols femmes informations
  • Plateforme de signalement en ligne : en lien direct avec la police ou la gendarmerie via une messagerie instantanée [7]

Les associations spécialisées.

Les femmes en danger pourront prendre attache avec des associations dédiées à la lutte contre les violences conjugales, telles que :

  • Fédération France Victimes [8]
    Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) [9]
  • Fédération nationale Solidarité Femmes [10]
  • Mouvement français pour le planning familial (MFPF) [11]
  • Avocats pour les Femmes Victimes de Violences (AFVV) [12].

Les dispositifs de téléprotection.

Le bracelet anti-rapprochement.

En vue d’accroître la sécurité et la protection des femmes brutalisées au sein de leur couple et de veiller à ce que l’auteur agressif respecte les mesures d’éloignement auxquelles il est tenu :

  • le juge d’instruction (avant le procès) ou le juge des libertés et de la détention (après la condamnation), dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou
  • le juge aux affaires familiales lors de l’ordonnance de protection peuvent décider, avec l’accord des parties, de la mise en place d’un « bracelet anti-rapprochement » à l’agresseur présumé ou réel. La victime et l’auteur des faits sont en permanence géolocalisés, l’une grâce à un téléphone qui lui est remis, et l’autre via un bracelet électronique. Si le partenaire violent franchit le périmètre de protection, une alerte est alors transmise aux forces de l’ordre qui interviendront.

Le Téléphone Grave Danger (TGD).

Dispositif complémentaire au « bracelet anti-rapprochement », le procureur de la République peut décider d’attribuer, en cas de très grand danger, à une femme violentée un « Téléphone Grave Danger » relié à une plateforme d’assistance disponible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Cette dernière géolocalisera la victime et alertera les autorités publiques.

Cette mesure n’est toutefois possible que si la femme menacée et l’auteur des faits ne cohabitent plus ensemble, que la mesure d’interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime n’est pas respectée ou que le partenaire violent est en fuite ou pas encore interpellé.

Le téléphone est confié pour une durée de 6 mois renouvelable.

L’outil Mon Shérif.

Il s’agit d’un outil de géolocalisation en temps réel qui permet à la victime de violences conjugales d’avertir en cas de danger ou de menaces. Il consiste en l’achat d’un bouton discret connecté à un smartphone, via une application gratuite. Il s’agira pour la personne en péril d’appuyer sur le bouton pour prévenir ses contacts, des professionnels, des associations, et demander ainsi du secours [13].

L’aide universelle d’urgence.

Depuis le 1er décembre 2023, toute victime de violences domestiques peut bénéficier, quelles soient ses ressources, d’un soutien financier d’urgence afin qu’elle puisse quitter, au plus vite, son domicile et faire face, dans l’attente d’une solution pérenne, à ses premières dépenses.

L’aide est versée en une seule fois, dans un délai de 3 à 5 jours ouvrés à compter de la demande, soit sous la forme d’un don, soit celle d’un prêt sans intérêt. Son montant varie selon les ressources de la femme violentée et la composition de son foyer.

Pour prétendre au versement de l’aide universelle d’urgence, la victime doit produire un dépôt de plainte, un signalement au procureur de la République ou une ordonnance de protection. Ces documents doivent dater de moins d’un an.

La demande peut s’effectuer en ligne ou sur place à la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) ou à la caisse de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). Elle peut également être faite lors de la plainte ou du signalement au procureur de la République. Le formulaire sera alors transmis directement à la CAF ou la MSA.

En définitive, si les mesures de répression et les dispositifs de protection et d’accompagnement des victimes se sont multipliés, il reste du chemin à parcourir pour enrayer le cycle infernal de la violence exercée dans le huis clos conjugal.

Notons toutefois une avancée : un fichier de prévention des violences intrafamiliales devrait voir le jour sur l’ensemble du territoire au cours de l’année 2024. Il permettrait de recenser les auteurs de violences conjugales, leurs antécédents, les éventuelles mesures auxquelles ils sont soumis, afin de mieux les sanctionner et offrir une meilleure assistance aux femmes battues.

Soumia Aziria,
Docteur en droit
Avocate au barreau de Paris
https://aziria-avocat.fr/

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Notes de l'article:

[1Il suffit d’envoyer un e-mail à l’adresse suivante : afhj.fnsf chez scp-desagneaux.com.

[2"Requête au juge aux affaires familiales : délivrance d’une ordonnance de protection" : lien vers le Cerfa n° 15458*05.

[3Article 515-11 du Code civil.

[4Article 1136-5 du Code de procédure civile.

[5Article 515-11-7° du Code civil.

[6E-mail : victimes chez france-victimes.fr

[13Pour en savoir plus : https://monsherif.com

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