Le certificat d’authenticité - document signé par l’artiste ou une personne habilitée - a pour vocation d’attester de l’authenticité d’une œuvre. Il contient des informations essentielles sur l’artiste et l’œuvre, telles que sa date de création, son support, ses dimensions. Sa validité est déterminante pour garantir la valeur et la provenance d’une œuvre d’art, jouant ainsi un rôle déterminant dans la sécurisation des transactions sur le marché de l’art.
I. Le certificat d’authenticité, un outil central sur le marché de l’art.
1.1. L’intérêt du certificat sur le marché de l’art.
Dans le monde de l’art où la question de l’authenticité et de la provenance est primordiale, le certificat d’authenticité joue un rôle fondamental. Ce document assure la légitimité d’une œuvre et constitue une référence indispensable pour les artistes, collectionneurs, galeristes et acheteurs privés. Sans ce document, les échanges deviennent plus risqués et la valeur financière de l’œuvre peut s’effondrer.
Par ailleurs, la contrefaçon est un problème majeur sur ce marché. L’estimation du nombre de faux est souvent considérée comme située aux alentours des 20 à 30%. Dans un secteur où l’incertitude côtoie les enjeux économiques, le collectionneur, désormais aussi investisseur, cherche des garanties fiables. Le certificat est censé répondre à cette exigence en confirmant l’origine et l’auteur de l’œuvre, offrant ainsi une preuve de son authenticité.
Le certificat d’authenticité joue également un rôle central dans la traçabilité des œuvres d’art et accompagné d’une provenance documentée, il augmente la valeur marchande d’une œuvre.
Dans la pratique, les experts et les opérateurs de ventes soumettent fréquemment une œuvre à un spécialiste avant sa mise aux enchères, afin de s’assurer de son authenticité. Cette démarche permet d’éviter les litiges et d’instaurer un climat de confiance entre vendeurs et acheteurs. En définitive, le certificat d’authenticité est un document incontournable, garantissant la fiabilité des œuvres d’art et participant activement à la régulation du marché. Son absence peut non seulement remettre en cause la valeur d’une œuvre, mais aussi exposer les parties à des risques juridiques et financiers majeurs.
En matière artistique, il est en outre nécessaire de prendre en considération le caractère évolutif de l’art. Ainsi, dans un arrêt du 9 juin 2020, la Cour d’appel de Paris a consacré un droit à révision, c’est-à-dire, de revenir sur un avis pour tenir compte du nouvel état des connaissances.
Ainsi des certificats anciens attestant de l’authenticité d’une œuvre peuvent ne plus avoir la même valeur d’authentification aujourd’hui, au regard notamment des connaissances actuelles, des progrès techniques.
1.2. Une délivrance peu règlementée.
L’expertise en art n’est pas réglementée, sauf dans le cadre des expertises judiciaires. Ainsi, tout amateur passionné peut s’autoproclamer spécialiste. Cette absence de cadre strict entraîne des confusions quant à la légitimité et la fiabilité des certificats délivrés.
L’authentification d’une œuvre repose sur différents acteurs. L’artiste, de son vivant, est le premier habilité à attester de l’authenticité de ses œuvres et peut établir des certificats. Après son décès, l’authenticité de l’œuvre est alors déterminée par des professionnels du marché de l’art, des comités ou des descendants.
L’autorité de ces acteurs varie selon leur reconnaissance sur le marché et la valeur d’un certificat dépend largement de la notoriété de la personne qui le rédige. Si l’auteur du certificat est reconnu par le marché de l’art comme une référence incontournable sur un artiste, alors son avis fait autorité. À l’inverse, si l’expert perd en crédibilité, le certificat peut perdre de sa valeur.
Un expert est en outre libre de refuser d’émettre un avis ou de certifier une œuvre. Protégé par la liberté d’expression, il ne peut être contraint d’authentifier un tableau [1]. En cas de refus de l’expert, le propriétaire du tableau peut saisir la justice et demander en référé une expertise judiciaire. Un expert désigné par le tribunal analysera l’œuvre et rédigera un rapport, sur la base duquel un juge pourra, le cas échéant, reconnaître ou non l’authenticité de l’œuvre.
Toutefois, dans le marché de l’art, en particulier pour les artistes les plus prestigieux, seuls un ou deux experts font généralement autorité. Leur avis prévaut sur toute autre évaluation, y compris judiciaire. Ainsi, même si un tribunal reconnaît l’authenticité d’un tableau, cette décision peut rester sans effet sur le marché si les experts reconnus refusent d’en valider l’origine.
II. Les conséquences d’une fausse authentification d’une œuvre.
2.1. La responsabilité de l’émetteur du certificat.
Lorsqu’un expert authentifie une œuvre de manière erronée il engage sa responsabilité. Celle-ci est contractuelle à l’égard de la personne ayant sollicité le certificat et délictuelle ou quasi-délictuelle vis-à-vis des tiers qui se sont fondés sur ce certificat pour acquérir l’œuvre.
La Cour d’appel de Paris [2] a rappelé que cette responsabilité s’applique à tout expert, y compris aux historiens d’art, qui ne peuvent s’en exonérer sous prétexte qu’ils ne sont pas officiellement reconnus comme experts. Dans cette affaire, un historien de l’art, spécialiste de Malevitch, a délivré un certificat d’authenticité, mais l’œuvre a ensuite été contestée. La vente a été annulée et l’historien poursuivi en responsabilité et il a tenté de se défendre en affirmant qu’il n’était qu’un sachant, et non un expert. La cour d’appel a rejeté cet argument, rappelant qu’aucun cadre réglementaire ne définit précisément le statut d’expert. En certifiant l’œuvre sans réserve, il engageait donc sa responsabilité et aurait dû s’abstenir s’il n’était pas suffisamment compétent.
Dans le cadre de ventes aux enchères, la responsabilité de l’expert peut également être engagée, au même titre que celle de la société de ventes volontaires, lorsqu’il atteste l’authenticité d’une œuvre sans réserve. La jurisprudence a confirmé cette règle, notamment dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 septembre 2019 [3], qui souligne que l’expert engage sa responsabilité en cas de mentions inexactes dans le catalogue de la vente.
De même, le commissaire-priseur qui se fie aveuglément aux conclusions de l’expert, sans approfondir ses recherches, ne peut s’exonérer de sa responsabilité. Dans un arrêt du 21 octobre 2020 [4], la Cour de cassation a jugé qu’un commissaire-priseur devait effectuer ses propres vérifications et ne pouvait se retrancher derrière l’expertise d’un tiers.
Ainsi, qu’il s’agisse d’un expert officiellement reconnu, d’un historien d’art ou d’un commissaire-priseur, la responsabilité de ceux qui affirment sans réserve l’authenticité d’une œuvre peut être engagée en cas d’erreur.
2.2. Sanctions pénales et civiles en cas de faux certificats.
Un faux certificat trompe les acquéreurs, entrainant des pertes financières et une perte de confiance dans le système d’authentification des œuvres. Il déstabilise le marché en facilitant la circulation d’œuvres contrefaisantes et en fragilisant la crédibilité des experts et des maisons de vente.
Sur le plan civil, les acheteurs lésés peuvent demander l’annulation de la vente pour dol ou erreur, comme l’illustre l’affaire des faux Raza. En l’espèce, les demandeurs ont invoqué le dol, car le vendeur avait affirmé avoir acquis les tableaux des mains de l’artiste, alors que les tableaux et les certificats étaient faux. La tromperie était donc évidente.
Cette procédure leur permet de récupérer le prix payé, mais elle ne met pas nécessairement fin aux activités frauduleuses des faussaires. Le droit civil protège efficacement les acquéreurs individuels, mais demeure insuffisant pour enrayer durablement la prolifération des faux artistiques.
Sur le plan pénal, les qualifications les plus courantes sont l’usage de faux et l’escroquerie. Si cette dernière est particulièrement pertinente, sa caractérisation demeure complexe : selon l’article 313-1 du Code pénal, il ne suffit pas d’une simple fausse déclaration, il faut prouver l’existence d’un stratagème élaboré visant à tromper l’acheteur.
Le marché de l’art est un secteur singulier, caractérisé par une régulation étatique limitée, il repose largement sur la réputation de ses acteurs. Cette singularité, associée à la diversité des acteurs aux intérêts souvent contradictoires - artistes, ayants droit, antiquaires, brocanteurs, galeristes, experts, maisons de vente, fondations privées et musées -, favorise les pratiques frauduleuses.
L’affaire des faux Raza illustre l’importance du certificat d’authenticité dans le marché de l’art, en tant que garant de la légitimité et de la valeur des œuvres. La falsification de ces certificats entraîne non seulement des conséquences financières pour les acheteurs, mais fragilise également la confiance dans les mécanismes d’authentification. Le marché de l’art souffre de l’absence d’une réponse judiciaire suffisamment efficace pour prévenir et sanctionner de telles pratiques frauduleuses.