Exécution du contrat de travail : plus de précaution sinon...

Par Nadia Rakib.

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Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que le contrat de travail à temps partiel est un contrat d’exception que le législateur a souhaité « barricader » de protections juridiques. Il doit faire l’objet d’un écrit et mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

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Dès lors, il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. En outre, la rémunération étant un élément essentiel du contrat de travail, toute déduction injustifiée constitue une sanction pécuniaire illicite interdite et de nul effet.

Dans une récente affaire, un salarié avait été engagé par une société en qualité de vendeur démonstrateur à temps partiel. Celui-ci avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires, de commissions, d’indemnité de requalification et de congés payés.

Pour justifier son licenciement pour faute grave, son employeur constatait une mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail, des refus réitérés de respecter les horaires et de manière générale une indiscipline, l’entretien permanent d’une polémique sur la nature du contrat de travail (temps plein/ temps partiel), des perturbations à l’intérieur de l’entreprise (appels téléphoniques en direction de salariés de l’entreprise pour obtenir des attestations mensongères et aussi pour les menacer d’un prochain licenciement les concernant dans un but de déstabilisation).

De son côté, le salarié faisait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour prêt de main-d’œuvre illicite et marchandage et irrégularité de procédure.

Quid de la charge de la preuve ?

Il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve :

- d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ;
- d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Pour débouter le salarié de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, l’arrêt avait retenu que le contrat signé entre les parties n’était pas conforme à la loi et qu’il appartenait au salarié de rapporter la preuve de son temps plein et à l’employeur, pour contrecarrer la prétention du salarié, de rapporter la preuve d’un temps partiel.
La Haute juridiction infirma l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif d’une inversion de la charge de la preuve.
De facto, conformément à l’article 624 du Code de procédure civile, la cassation du chef de la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet a entraîné la cassation de l’arrêt du chef des demandes relatives à la rupture.

Notons qu’à partir du 1er juillet, la durée minimale d’un contrat de travail à temps partiel sera fixée à :
- 24 heures par semaine,
- ou une durée mensuelle équivalente,
- ou une durée équivalente en cas de répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année.

S’agissant des contrats signés avant cette date, le salarié pourra de son propre chef demander à bénéficier de la durée minimale de 24 heures par semaine (ou une durée équivalente).
L’’employeur pourra opposer son refus jusqu’au 31/12/15 :
- si une convention ou un accord de branche prévoit une dérogation à cette durée minimale,
- s’il justifie de l’impossibilité de faire droit à la demande du salarié compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.

Quant au salarié, il pourra rédiger une demande motivée pour travailler moins de 24 heures hebdomadaires (ou que la durée équivalente) soit :
- pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles,
- pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à 24 heures par semaine (ou durée équivalente).

En tout état de cause, les horaires de travail du salarié devront être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes.

La voie de la négociation collective pourra aussi autoriser une dérogation via une convention ou un accord de branche étendu sous réserve de prévoir obligatoirement les garanties suivantes :
- la mise en œuvre d’horaires réguliers,
- permettre au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à 24 heures par semaine (ou durée équivalente).

Concernant les étudiants de moins de 26 ans, ceux-ci bénéficieront d’une dérogation spécifique s’ils poursuivent leurs études. Leur durée de travail pourra être en deçà de 24 heures par semaine et la répartition de leurs horaires devra être compatible avec leurs études.

Cette faculté concernera aussi certains publics comme le salarié embauché par un particulier employeur et celui qui travaille dans une entreprise temporaire d’insertion ou dans une association intermédiaire.

Par ailleurs, dans ce litige, le salarié avait aussi été débouté de sa demande en restitution de la somme de 1 122 € retenue sur son salaire.
La Cour d’appel avait relevé que dans le cadre de la relation de travail, l’employeur avait mis à disposition du salarié un téléphone portable comportant un forfait de 6 heures de communications pour un montant de 71,29 €. D’après les juges du fond, l’employeur ne saurait être tenu au-delà et c’était donc à bon droit que le dépassement du forfait avait été déduit du salaire.
La Haute juridiction invalide ce raisonnement en qualifiant la retenue de la somme pour dépassement du forfait téléphonique attaché au téléphone professionnel du salarié de sanction pécuniaire illicite.

Ce qui ressort de cette jurisprudence c’est une sorte de «  principe de précaution  ». Cela signifie que les services RH doivent rester branchés tels des « antennes visionnaires des risques juridiques » de l’entreprise en « captant » les effets des décisions prises tant en amont qu’en aval. Pour se faire, on ne saurait trop rappeler que l’écrit papier et/ou électronique reste « l’onde de choix » pour prouver des faits et assurer sa défense en cas de litige judiciaire… Alors, pourquoi s’en priver ?

Sources :
Cour de cassation, chambre sociale, audience publique du 15/05/14, n° 12-30148, cassation partielle
Arrêt Cour d’appel de Paris 03/11/10
Articles L. 3123-14, L. 1331-2 du code du travail

Nadia RAKIB

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