Un récent arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2009 (pourvoi 08-87-161) nous offre une fois de plus l’opportunité de rappeler l’exigence d’identification de l’appareil de contrôle de la vitesse retranscrite sur le procès verbal d’infraction. Le radar routier, dénommé cinémomètre, est le seul instrument qui peut être utilisé pour constater et verbaliser un dépassement de la vitesse autorisée chiffré. Si le dépassement de la vitesse autorisée doit en tout état de cause être prouvé par l’emploi d’un cinémomètre afin notamment d’éviter tout caractère aléatoire aux résultats obtenus, l’excès de vitesse « eu égard aux circonstances de circulation » peut être établi par tout autre moyen dont la force probante sera souverainement appréciée par les juges du fond.
La preuve étant libre en droit pénal, la Cour de Cassation précise sur ce point que « l’emploi d’un cinémomètre n’est pas le seul mode légal de preuve d’une contravention d’excès de vitesse » (Cass.crim., 19 avril 1988, pourvoi 87-83559. Contrairement à ce qui est allégué, l’emploi d’un cinémomètre n’est pas le seul mode légal de preuve d’une contravention d’excès de vitesse (…) les juges peuvent fonder leur conviction tant sur les procès-verbaux de police ou de gendarmerie que sur des présomptions de fait dont ils apprécient la force probante ; ou encore Cass.crim, 18 septembre 2007, pourvoi 06-89496).
Aussi, la seule référence au compteur de vitesse du véhicule de police ou de gendarmerie suiveur peut constituer une preuve de l’infraction à la vitesse tout comme les aveux ou la reconnaissance des faits par le prévenu (Cass.crim., 19 avril 1988, pourvoi 87-83559 et Cass.crim., 11 février 1992, pourvoi 90-87594).
Dans ce sens, la Cour de Cassation a retenu l’infraction à la vitesse constatée par des gendarmes à l’aide du tachymètre de leur propre voiture et grâce à un chronométrage par rapport aux bornes kilométriques (Cass.crim., 11 février 1992, pourvoi 91-82658).
Pour autant, l’incrimination d’une vitesse excessive sans cinémomètre n’est envisageable que fondée sur l’article R.413-17 du Code de la route disposant que le conducteur doit rester constamment maître de sa vitesse et régler cette dernière en fonction de l’état de la chaussée, des difficultés de circulation et des obstacles prévisibles. Ainsi, toute poursuite pour excès de vitesse constatée sans radar ne mentionnant pas les spécificités des circonstances intervenues qui justifiaient une réduction de la vitesse pourrait- elle être considérée comme dépourvue de base légale ? Pour la Cour de cassation, l’absence d’élément ou de constatation faisant foi qui n’établissent pas clairement que, lors de la constatation de l’infraction, des circonstances particulières justifiaient la réduction de la vitesse par le prévenu, ne suffit pas (Cass.crim.27 mars 2008, pourvoi 07-87331).
Ainsi et, dès lors qu’il existe de nombreux cinémomètres homologués aux spécificités et capacités techniques singulières, le procès verbal doit préciser, pour être régulier en la forme et fonder les poursuites d’une infraction précise à la réglementation sur les vitesses, la marque de l’appareil auquel ont eu recours les forces de l’ordre pour mesure la vitesse du contrevenant.
Cette exigence d’identification est commandée pour deux raisons principales :
En premier lieu, pour vérifier l’homologation de l’appareil puisque l’article 6 du décret 6 mai 1988 relatif au contrôle des instruments de mesure (J.O. du 8 mai 1988, p. 6758.) pris en application du décret du 30 novembre 1944 portant règlement des instruments de mesure (J.O. du 2 décembre 1944, p.1617.), abrogé depuis par le décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure (J.O. du 6 mai 2001, p. 7164), impose que seuls les appareils ayant fait l’objet d’une décision d’approbation, peuvent être utilisés par les forces de l’ordre. Ainsi, doivent être écartés de la matérialisation d’une infraction au Code de la route, les appareils non homologués n’ayant fait l’objet d’aucun certificat d’approbation de modèle par les services du Ministère de l’Industrie.
En second lieu, pour vérifier que son utilisation est conforme à ses spécificités techniques qui diffèrent naturellement d’un appareil à l’autre (positionnement, mesure de la vitesse, sens de la vitesse retenue, etc).
La jurisprudence invalide toutes les procédures d’infraction en l’absence d’identification de l’appareil ou en raison de mentions imprécises ou contradictoires (CA Bordeaux, 21 mars 1985, Gaz.Pal., 1985.1.390 ; TP Sens, 15 janvier 1986, MARTINEZ ; TC Valence, 28 février 1986, Gaz.Pal., 8juillet 1986, p.449 ; CA Grenoble, 25 mars 2005, ARNAUD, attendu qu’il existe une totale absence de certitude quant au cinémomètre effectivement utilisé par les gendarmes, le procès verbal de constatation indiquant les deux modèles MESTA et EUROLASER alors que l’avis de rétention du permis de conduire indique que l’appareil de contrôle était un EUROLASER ; que les pièces produites par le prévenu établissent que le MESTA est fabriqué par la société SAGEM alors que l’EUROLASER est fabriqué par une société allemande JENOPTIC ; que dès lors il convient de constater l’irrégularité du procès verbal, ses énonciations laissant planer un doute sur le modèle du cinémomètre utilisé).
Toutefois dans son arrêt du 4 mars 2009, la Cour de cassation a censuré le juge du fond qui avait relaxé l’automobiliste après avoir constaté qu’un doute sérieux demeure sur la réalité de l’appareil de mesure utilisé dès lors que le procès-verbal énonce que la vitesse a été constatée par un cinémomètre MESTA 210C, alors que le rapport de l’agent verbalisateur se référant, lui, à un appareil du type MESTA 1200 ETED.
Pour la Cour en statuant ainsi, « alors que le MESTA 1200 ETED désigne l’ensemble de l’appareil de contrôle contenant l’antenne MESTA 210C servant à relever la vitesse ou cinémomètre, dûment homologué et annuellement vérifié, la juridiction de proximité a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ».
Si le MESTA 1200 est le nom générique du modèle du cinémomètre, celui-ci peut être utilisé dans différentes conditions et prendre dès lors différentes dénominations commerciales :
Dans un véhicule aménagé : il prend la dénomination de MESTA 1200 ;
Dans une cabine fixe : il prend la dénomination de MESTA 1000
Sur un trépied : il prend la dénomination de MESTA 2000 ;
En surplomb au dessus de la chaussée : il prend la dénomination MESTA 2200 ;
Le contrevenant ne peut en l’absence de précision de l’appareil utilisé vérifier ses conditions d’utilisation par l’agent verbalisateur et s’assurer que la mesure est certaine.
Compte tenu des dernières révélations, et notamment mis en exergue par l’association 40 millions d’automobilistes, pointant divers dysfonctionnement dans l’implantation et l’utilisation des radars cette jurisprudence n’est donc pas satisfaisante.
Elle ne concourt assurément pas à garantir la plénitude d’exercice des droits du contrevenant qui entend avant tout comprendre le fait qui lui est reproché et se prémunir d’une sanction qu’il juge abusive.
L’enjeu est pourtant de taille. « Les automobilistes doivent respecter scrupuleusement les limitations de vitesse, alors, en contrepartie, on doit pouvoir leur assurer que tout est mis en œuvre pour que les radars automatiques soient fiables", résume Jean Baptiste LE DALL, avocat et membre de ma Commission juridique de l’association précitée.
Par Rémy JOSSEAUME, Docteur en Droit