Eu égard à ce caractère récent, la jurisprudence sur cette nouvelle procédure est jusqu’à aujourd’hui encore assez rare.
Pourtant, cette procédure est encadrée par des règles visant à garantir les droits du contribuable vérifié.
Au nombre de ces règles dont l’importance ne doit pas être négligée, un délai strict est imposé au service vérificateur pour traiter le dossier.
I. Déroulement de la procédure.
L’article L13 G du Livre des procédures fiscale indique que :
« Dans les conditions prévues au présent livre, les agents de l’administration peuvent, lorsque des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables tiennent leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés, examiner cette comptabilité sans se rendre sur place ».
Cette procédure s’adresse donc aux entreprises qui tiennent leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés, soit la très grande majorité des entreprises à l’heure du tout numérique.
Cette procédure concerne en outre toutes les entreprises, de la très petite entreprise (TPE) aux entreprises cotées en bourse. Seuls les micro-entrepreneurs en sont exclus, eu égard à la limitation de leurs obligations comptables.
La procédure débute par l’envoi d’un Avis d’examen de comptabilité, qui doit contenir certaines mentions obligatoires, comme la mention de la période vérifiée, ou encore la possibilité pour le contribuable de consulter la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
L’avis indique également au contribuable qu’il dispose d’un délai de 15 jours pour transmettre au service vérificateur et sous forme dématérialisée, le Fichier des Ecritures Comptables (FEC) répondant aux normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. Si le contribuable ne respecte pas ce délai, il encourt une amende fiscale de 5 000 euros [1].
Une fois que le contribuable a remis les Fichiers des Ecritures Comptables à l’administration et que celle-ci les considère comme « conformes », le vérificateur va procéder à un certain nombre de contrôles à partir de ces fichiers, et va tout particulièrement s’assurer que les comptes concordent avec les déclarations fiscales transmises par l’entreprise à l’administration.
Le service vérificateur va notamment s’assurer qu’il n’y a pas d’erreurs ou d’éléments suspects dans les écritures comptables.
Enfin, si l’administration le désire, elle peut réaliser des traitements informatiques sur les FEC de l’entreprise. Ces traitements peuvent être réalisés, selon l’option exercée par le contribuable :
- soit par le vérificateur sur le matériel utilisé du contribuable.
- soit par le contribuable lui-même qui effectue les traitements informatiques demandés par le vérificateur.
- soit par le vérificateur, hors de l’entreprise, après remise de copie des fichiers informatiques nécessaires par le contribuable.
A l’issue de la procédure, l’administration adresse à l’entreprise vérifiée une proposition de rectification ou un avis d’absence de rectification.
II. Garanties offertes au contribuable au cours de la procédure.
Lors du déroulement de la procédure d’Examen de comptabilité informatisée, le contribuable dispose de l’ensemble des garanties offertes en cas de contrôle, garanties notamment prévues dans la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
Il en va notamment de la possibilité de faire appel au supérieur hiérarchique du vérificateur, mais également de celle de faire des observations auxquelles l’administration se doit de répondre.
A. Débat oral et contradictoire.
L’administration a l’obligation d’offrir au contribuable un débat oral et contradictoire.
Cette obligation est notamment prévue par la doctrine administrative indique particulièrement au Bulletin Officiel des Impôts BOI-CF-DG-40-20 « Organisation du Contrôle fiscal - Contrôle sur pièces et les différents types d’examens et vérifications », paragraphe 340 relatif à l’examen de comptabilité que :
« L’absence de déplacement du service de contrôle dans les locaux de l’entreprise au cours de l’examen de comptabilité ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable de la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le service de contrôle.
Ce dernier ne saurait en effet se contenter de la seule exploitation de la comptabilité. Il devra engager un dialogue constructif avec le contribuable. Il aura nécessairement des questions à lui poser pour comprendre les écritures comptables et recueillir les informations utiles à la procédure. A ce titre, les modalités d’échange entre le contribuable et le service sont décrites dans les développements suivants (cf. II-D-4 § 390 et suivants).
Au cours de ce débat oral et contradictoire, le contribuable doit pouvoir présenter utilement ses observations et se faire assister à tout moment de la procédure d’un conseil de son choix.
Le contribuable doit pouvoir bénéficier d’un débat oral et contradictoire tout au long de la procédure aussi bien avant qu’après l’envoi de la proposition de rectification n° 2126-EC ».
Dans un arrêt qui constitue à ce jour l’un des rares rendus dans le cadre de cette procédure récente, la jurisprudence a considéré que la possibilité d’un débat oral et contradictoire avec le vérificateur doit être assurée au contribuable pendant un examen de comptabilité [2].
Il est intéressant de noter qu’à l’occasion de ce jugement du Tribunal administratif de Paris, le Rapporteur public Xavier Pottier a indiqué dans ses conclusions que ce débat oral est contradictoire devait impérativement être proposé par le vérificateur pour trois raisons :
- les textes législatifs ;
- les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2016 ayant créé l’article L13 G du Livre des procédures fiscales et donc l’examen de comptabilité ;
- la Constitution.
Le Rapporteur public indique en outre que « des possibilités de débat oral et contradictoire doivent être assurées d’une manière ou d’une autre par l’administration ».
Il conviendra donc de s’assurer, dans le cadre d’un litige, que la procédure a donné lieu à de réels échanges entre le vérificateur et le contribuable contrôlé, alors même que le vérificateur n’a pas vocation à se rendre dans l’entreprise dans le cadre de ce type de procédure de contrôle. Il n’en est pas moins obligé d’engager un échange permettant au contribuable de formuler des observations ou faire valoir ses arguments.
B. Limitation de la durée de la procédure.
A notre avis, l’un des points les plus intéressants de cette procédure réside dans le fait que le paragraphe 4 de l’article L47 AA du Livre des procédures fiscales dispose que :
« 4. Au plus tard six mois après la réception de la copie des fichiers des écritures comptables selon les modalités prévues au 1, l’administration envoie au contribuable une proposition de rectification ou l’informe de l’absence de rectification ».
Cette disposition instaure donc un délai strict pour l’administration pendant lequel elle peut diligenter son contrôle.
Toutefois, force est de constater que les dispositions du 4 de l’article L47 AA du Livre des procédures fiscales n’ont pas été parfaitement rédigées par le législateur…
En effet, contrairement à l’article L52 du Livre des procédures fiscales limitant la durée d’une Vérification de comptabilité pour les entreprises soumises à un régime simplifié d’imposition, et qui indique très précisément : « Sous peine de nullité de l’imposition », le texte même de l’article L47 AA du Livre des procédures fiscales pour l’Examen de comptabilité informatisée, n’indique en rien quelle est la conséquence du dépassement du délai par l’administration… Or, selon l’adage bien connu des juristes, il n’y a « pas de nullité sans texte ».
Tout au plus, l’étude des débats parlementaires ayant précédé l’adoption des articles 13 et 14 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 à l’origine de la création des articles L13 G et L47 AA du Livre des procédures fiscales nous permet de constater que le législateur a entendu limiter les délais de la procédure d’Examen de comptabilité informatisée « afin de ne pas pénaliser les entreprises » [3].
En outre, à notre connaissance, aucune jurisprudence n’a été rendue sur ce sujet à ce jour.
En revanche, la doctrine administrative reprend pour sa part cette disposition au Bulletin officiel des impôts ainsi que dans la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
En effet, le Bulletin Officiel des Impôts indique au BOI-CF-PGR-20-30 que :
« III. Limitation de la durée des examens de comptabilité
560
Conformément au 4° de l’article L47 AA du LPF, lorsque l’administration engage une procédure d’examen de comptabilité, elle doit adresser au contribuable dans un délai de six mois suivant la réception de la copie des fichiers des écritures comptables par le service, selon les modalités prévues au 1° de l’article L47 AA du LPF soit :
une proposition de rectification modèle n° 2126-EC-SD ;
un avis d’absence de rectification modèle n° 3953-EC.
570
Le délai de six mois a pour point de départ la réception de l’ensemble des copies des fichiers des écritures comptables conformes aux normes fixées à l’article A47 AA-1 du LPF.
Dans le cas où le contribuable n’adresse pas l’ensemble des fichiers ou si ces derniers sont non-conformes, le délai ne court pas et la procédure d’examen de comptabilité peut être annulée.
Le point d’arrivée du délai est la date d’envoi de la proposition de rectification modèle n° 2126-EC-SD ou l’avis d’absence de rectification modèle n° 3953-EC.
Le délai de six mois est un délai franc. Pour son calcul, il convient de ne retenir ni le jour de réception de l’ensemble des fichiers des écritures comptables conformes, ni le jour d’envoi de la proposition de rectification ou de l’avis d’absence de rectification ».
Quant à la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, il y est indiqué en page 13 que :
« La durée de l’examen de comptabilité ne peut excéder six mois.
Au plus tard six mois après la réception de la copie des fichiers des écritures comptables, conformes aux normes, l’administration vous envoie une proposition de rectification ou vous informe de l’absence de rectification ».
Il convient de rappeler que l’article L10, alinéa 4 in fine du Livre des procédures fiscales précise que les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l’administration. Ce texte confère donc une portée juridique aux dispositions de la charte qui émanent de la seule doctrine administrative et dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement de l’article L80 A du Livre des procédures fiscales dès lors qu’elles touchent à la procédure d’imposition.
A été constaté, dans une affaire que le vérificateur avait dépassé le délai de 6 mois prévu à l’article L47 AA du Livre des procédures fiscales.
En effet, dans ce dossier, la remise conforme des FEC était actée par le service vérificateur au 9 mars. Or, la proposition de rectification qui avait été adressée à notre client était datée du 21 septembre, soit très exactement un délai franc de 6 mois et 9 jours après déduction du jour de réception conforme des FEC (09/03) et de celui d’envoi de la proposition de rectification (21/09).
Dès lors, en présence d’un texte imprécis et dans le silence de la jurisprudence sur ce sujet, il nous a fallu argumenter dans notre réclamation contentieuse préalable sur le fait que la limitation des délais de procédure d’examen de comptabilité était placée au rang des « Garanties applicables lors de l’exercice du contrôle », tel que l’indique très précisément le titre même du BOI-CF-PGR-20-30 précédemment cité, et dont le III s’applique à la procédure d’Examen de comptabilité.
Or, selon une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, l’atteinte aux garanties offertes au contribuable est systématiquement sanctionnée par la décharge des impositions sur le fondement de l’article L80 CA du Livre des procédures fiscales.
En effet, la portée de l’article L80 CA du Livre des procédures fiscales a été définie par le Conseil d’Etat dans trois arrêts rendus en formation de section le 8 février 1991 [4].
Il résulte notamment des arrêts n°61903 et 61025, éclairés par les conclusions des commissaires du gouvernement, que les notions auxquelles l’article L80 CA du Livre des procédures fiscales fait référence doivent être entendues dans leur sens le plus habituel : la notion d’« erreur substantielle » inclut la violation des garanties accordées aux contribuables.
Il s’ensuit que l’article L80 CA doit être interprété comme sanctionnant par la nullité de la procédure d’imposition et la décharge de l’imposition les erreurs substantielles commises par l’administration dans la procédure d’imposition.
Le Conseil d’Etat a toujours sanctionné, parce qu’il les considère comme substantielles, les erreurs commises dans la procédure d’imposition ayant eu pour effet de porter atteinte aux garanties des contribuables.
Dès lors, dans notre espèce, le non-respect par le service de la durée maximale de 6 mois après réception des FEC conformes octroyée à l’administration pour adresser une proposition de rectification faisant suite à un Examen de comptabilité devait entrainer la nullité de ladite procédure menée à l’encontre de notre client.
Après une longue instruction de notre réclamation pendant une durée de presque huit mois, il a été fait droit à l’intégralité de nos demandes (in extremis avant le délai de saisine du Tribunal administratif) et nous avons obtenu le dégrèvement complet de toutes les rectifications proposées.
En conclusion, il convient donc réellement de s’attacher à « la forme avant le fond » en matière de procédures fiscales… et de bien veiller au respect des délais imposés à l’administration par la législation !