Etat de stress post-traumatique des militaires : indemnisation Brugnot, PMI et fonds de prévoyance.

Par Tiffen Marcel, Avocate.

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L'article traite de l'indemnisation des militaires souffrant d'état de stress post-traumatique (ESPT). Selon l'article L121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les militaires peuvent bénéficier d'une pension militaire d'invalidité si leur taux d'invalidité atteint 10% ou plus.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans le cadre de leurs missions, qu’elles soient sur le territoire national ou à l’étranger, les militaires font souvent face à des situations de stress opérationnel qui peuvent avoir un retentissement traumatique sur le plan psychique.
Ces situations peuvent occasionner des troubles psychiques post-traumatiques, pouvant évoluer, dans certains cas, vers un état de stress post-traumatique avéré (ESPT).

-

Lorsqu’ils souffre d’ESPT, les militaires bénéficient de dispositifs indemnitaires spécifiques :

1.- L’état de stress post traumatique (SPT) et la pension militaire d’invalidité.

Aux termes de l’article L121-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre :

« Ouvrent droit à pension :
1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;
2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;
3° L’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ;
4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service
 ».

S’agissant des taux d’invalidité minima exigés en vue de l’octroi d’une pension militaire d’invalidité, l’article L121-5 du Code des pensions militaires d’invalidité même code dispose ce qui suit :

« La pension est concédée :
1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d’invalidité qu’elles entraînent atteint ou dépasse 10% ;
2° Au titre d’infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d’invalidité atteint ou dépasse 30% ;
3° Au titre d’infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d’invalidité qu’elles entraînent atteint ou dépasse :
a) 30% en cas d’infirmité unique
b) 40% en cas d’infirmités multiples
 ».

Le 25 octobre 2016, le ministre des Armées a précisé que l’état de stress post traumatique (EPST) est considéré comme une blessure et non comme une maladie :

« Constituant une indiscutable atteinte de la personnalité psychique de l’individu par un ou plusieurs événements traumatisants extérieurs, le PTSD est considéré comme une blessure et non comme une maladie et est donc indemnisé comme telle ».

Il en résulte que les militaires justifiant d’un taux d’invalidité de 10% ou plus devaient pouvoir bénéficier d’une pension militaire d’invalidité au titre de leur syndrome de stress post traumatique :

« Le CPMIVG permet donc d’indemniser l’état de stress post-traumatique au même titre qu’une blessure physique, dès lors que son imputabilité au service a été reconnue. Le droit à pension est ouvert en l’espèce à partir d’un taux d’invalidité de 10%, après un examen au cas par cas des dossiers, en tenant compte de tous les éléments d’appréciation, des circonstances de fait et de l’état des connaissances scientifiques ».

Néanmoins, par son arrêt antérieur du 22 septembre 2014, le Conseil d’Etat avait lui jugé que dans l’hypothèse où l’état de stress post traumatique, bien qu’en lien avec le service, ne peut être rattaché à un fait traumatique précis, il doit être considéré comme une maladie et non comme une blessure (Conseil d’État, 6ème/1ère SSR, 22/09/2014, 366628, Publié au recueil Lebon) :

« 7. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction, notamment du certificat médical du 25 mars 2008 déjà mentionné et de celui établi par le même médecin le 7 octobre 2010, que M.B..., lieutenant-colonel de l’armée de terre, a été confronté dans l’exercice de ses missions d’encadrement et, en dernier lieu, en Afghanistan du 5 août 2004 au 11 février 2005, à des situations répétées d’extrême tension à l’origine d’un syndrome clinique de stress post-traumatique ; que ce constat est corroboré par les témoignages concordants des autorités sous les ordres desquelles il a servi ; qu’ainsi, il résulte de l’instruction que les troubles psychiques constatés chez l’intéressé trouvent leur cause directe et déterminante dans les conditions particulières du service de M. B... ; qu’il suit de là que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la preuve de l’imputabilité au service de sa pathologie doit être regardée comme établie, contrairement à ce qu’a retenu le ministre de la défense dans sa décision du 1er décembre 2009 ; que, d’autre part, en l’absence de fait traumatique précis, l’affection de M. B...doit être regardée comme résultant d’une maladie et non d’une blessure ; qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions du Var a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 1er décembre 2009 par laquelle le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité ».

Il en résulte qu’en l’absence de fait traumatique précis, l’état de stress post traumatique des militaires est considéré comme une maladie et ne donne, en principe, lieu à l’octroi d’une pension militaire d’invalidité (PMI) que si le taux d’invalidité excède 30%.

Dans tous les cas, il appartient au médecin expert, chargé d’examiner chaque militaire, d’évaluer le taux d’invalidité occasionné par l’état de stress post traumatique et de déterminer si celui-ci est directement lié à un ou plusieurs faits traumatiques.

2.- L’état de stress post traumatique des militaires et la jurisprudence Brugnot.

Par sa jurisprudence « Brugnot » du 1er juillet 2005, le Conseil d’Etat a reconnu aux militaires et aux gendarmes, outre le versement de leur pension militaire d’invalidité (PMI), le droit à l’indemnisation de leurs préjudices extrapatrimoniaux tirés de la survenue d’un accident ou d’une maladie imputable au service (Conseil d’Etat, 1er juillet 2005, req. n°258208) :

« Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d’un accident de service ou atteint d’une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l’atteinte qu’il a subie dans son intégrité physique ; qu’alors même que le régime d’indemnisation des militaires serait plus favorable que celui consenti aux agents civils, ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l’accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément, obtienne de l’Etat qui l’emploie, même en l’absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l’atteinte à l’intégrité physique ; qu’il en va de même s’agissant du préjudice moral subi par ses ayants droits ; que ces dispositions ne font pas plus obstacle à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre l’Etat, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien lui incombait ».

Ainsi, qu’ils soient pensionnés ou non, les militaires et les gendarmes peuvent bénéficier d’une indemnisation de leurs préjudices extrapatrimoniaux (s’agissant, ici notamment des souffrances endurées) au titre de la jurisprudence Brugnot.

En pratique, les militaires et les gendarmes doivent démontrer l’imputabilité au service de leur état de stress post traumatique et adresser leur demande au service local du contentieux du lieu de leur affectation de l’époque, ou, en cas de blessure survenue en OPEX, au centre interarmées de soutien juridique.

Celui-ci analysera la demande du militaire concerné et, sur la base d’une expertise médicale, lui proposera une indemnisation pour ses souffrances endurées (pretium doloris).

3.- Syndrome de stress post traumatique des militaires, congé du blessé et CLDM.

L’article L4138-3-1 du Code de la défense prévoit un congé du blessé, attribué, après épuisement des congés maladie de 180 jours, aux militaires qui présentent une probabilité de réinsertions dans l’armée et qui ont été blessés ou qui ont contracté une maladie notamment en opération de guerre ou en OPEX :

« Le congé du blessé, d’une durée maximale de dix-huit mois, est attribué, sauf faute détachable du service, après épuisement des droits à congés de maladie fixés à l’article L4138-3, au militaire blessé ou ayant contracté une maladie, s’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et s’il présente une probabilité objective de réinsertion ou de reconversion au sein du ministère de la défense ou, pour les militaires de la gendarmerie nationale, au sein du ministère de l’intérieur, dans les cas suivants :
1° En opération de guerre ;
2° Au cours d’une opération qualifiée d’opération extérieure, dans les conditions prévues à l’article L4123-4 ;
3° Au cours d’une opération mobilisant des capacités militaires (…) visant à la défense de la souveraineté et des intérêts de la France, à la préservation de l’intégrité de son territoire ou à la protection de ressortissants, d’une intensité et d’une dangerosité particulières assimilables à celles d’une opération extérieure
 ».

Ainsi, un militaire ou un gendarme qui subit un syndrome anxiodépressif du fait d’un évènement survenu en OPEX ou lors d’une opération de guerre pourra solliciter son placement en congé du blessé.

Le militaire placé en congé du blessé peut bénéficier des dispositifs de réadaptation thérapeutique, de réinsertion sociale et professionnelle et de reconversion dans les conditions prévues à l’article R4138-54 et aux I à III de l’article R4138-54-1 (article R4138-3-5 et R4138-54 du Code de la défense).

En effet, les militaires et les gendarmes placés en congé du blessé peuvent bénéficier des dispositifs organisés par le ministère des Armées ou par le ministère de l’intérieur en vue de leur réinsertion.

Les militaires placés en congé du blessé peuvent également bénéficier des dispositifs d’évaluation et d’orientation professionnelle.

En outre, les militaires placés en congé du blessé peuvent bénéficier, sur demande agréée, des dispositifs de formation professionnelle et d’accompagnement vers l’emploi.

Enfin, les militaires et les gendarmes placés en congé du blessé peuvent bénéficier, sur demande agréée, d’une période de création ou reprise d’entreprise sous certaines conditions.

Le congé du blessé est attribué pour une durée maximale de 18 mois par opération (article R4138-3-4 du Code de la défense).

A l’issue du congé du blessé, le militaire ou le gendarme concerné pourra soit, réintégrer son service s’il est déclaré apte, soit être placé en congé longue durée pour maladie (CLDM) si son état de stress post traumatique ne lui permet pas de réintégrer ses fonctions, soit être réformé, si un placement en CLDM est inutile.

4.- Etat de stress post-traumatique des militaires et fonds de prévoyance.

L’article D4123-6-1 du Code de la défense prévoit la possibilité pour les militaires et les gendarmes blessés en opération extérieure de percevoir une allocation du fonds de prévoyance en cas d’invalidité égale ou supérieure à 40%, y compris pour les états de stress post-traumatiques y afférents, avant leur réforme ou radiation des cadres, dans les conditions suivantes :

« Après consolidation définitive médicalement attestée, la blessure reçue en opération extérieure, y compris le trouble psychique post-traumatique imputable à cette opération, fait l’objet, si l’affilié n’a pas été mis à la retraite ou réformé définitivement, d’une allocation versée dans les conditions suivantes :
1° En cas d’invalidité égale ou supérieure à 40% :
a) Si l’affilié est marié ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou a des enfants à charge, le montant de ce complément d’allocation est égal à la moitié de la solde budgétaire annuelle correspondant :
à l’indice brut 762 lorsque le blessé est officier ;
à l’indice brut 560 lorsqu’il est non-officier ;
b) Dans les autres cas, le montant de ce complément d’allocation est égal à la moitié de la solde budgétaire annuelle correspondant :
à l’indice brut 546 lorsque le blessé est officier ;
à l’indice brut 398 lorsqu’il est non-officier.
2° En cas d’invalidité inférieure à 40%, le montant de cette allocation est calculé proportionnellement au taux d’invalidité de l’affilié, rapporté au taux de 40%, sur la base du montant déterminé au 1°.
Dans tous les cas, les allocations servies au titre du présent article sont déduites en cas de versement à l’intéressé des allocations prévues à l’article D4123-6
 ».

Lorsque l’infirmité entraine la réforme du militaire ou du gendarme concerné, l’article D4123-6 du Code de la défense prévoit le versement d’une autre allocation du fonds de prévoyance, dont est déduite la précédente :

« Lorsque l’infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l’intéressé :
1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit :
a) S’il est marié ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou a des enfants à charge : montant égal à celui prévu à l’article D4123-4 pour le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant avec un ou plusieurs enfants à charge ;
b) Dans les autres cas : montant égal à celui prévu à l’article D4123-4 pour le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant sans enfant à charge
c) Pour les taux d’invalidité inférieurs à 40%, l’allocation principale est calculée proportionnellement au taux d’invalidité.
2° Un complément d’allocation, en cas d’invalidité égale ou supérieure à 40%, dont le montant est égal, par enfant à charge, à celui fixé au 2° de l’article D4123-4.
Les allocations visées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l’intéressé.
Le complément d’allocation peut être versé sur demande de l’intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d’invalidité de 40% est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d’infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire
 ».

Les militaires et les gendarmes qui s’estiment atteints d’un état de stress post-traumatique peuvent formuler leurs demandes d’allocations directement en ligne sur le site suivant [1].

Tiffen Marcel
Avocate au barreau de Paris
tiffen.marcel chez obsalis.fr
https://www.obsalis.fr/

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Discussion en cours :

  • par Yj , Le 11 décembre à 14:50

    Bonjour !
    Est ce que la loi brugnot s’applique si il s’agit d’un sspt suite à l’agression d’un tiers ?
    Et est ce qu’on a l’obligation de déclarer sa pmi a la gendarmerie au risque de devenir inapte alors que je continue de travailler dans le même service ?

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