Collectivité territoriale : focus sur la notion d'élu intéressé, quelles conséquences ? Par Camille Dire, Avocat.

Collectivité territoriale : focus sur la notion d’élu intéressé, quelles conséquences ?

Par Camille Dire, Avocat.

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Explorer : # conflit d'intérêts # impartialité # délibération municipale # prise illégale d'intérêt

Les relations d’intéressement entre la commune et l’un de ses élus présentent trois types de risques : l’illégalité de la délibération (1), le conflit d’intérêts défini par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (2) et le délit de prise illégale d’intérêts (3).

-

I/ Illégalité de la délibération : la notion de conseiller intéressé.

Les élus territoriaux peuvent parfois être en charge de diriger une entreprise ou une institution locale. Dans de tels cas, l’élu sera confronté à une situation que le Code général des collectivités territoriales appelle « l’élu intéressé » [1] :

« Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. En application du II de l’article L1111-6, les représentants des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales mentionnés au I du même article L1111-6 ne sont pas comptabilisés, pour le calcul du quorum, parmi les membres en exercice du conseil municipal ».

Le conseiller se trouve alors en situation de méconnaître le principe d’impartialité, ce qui peut entraîner l’illégalité de la délibération à laquelle il a participé en tant que tel.

Lors de l’examen de la légalité d’une délibération en vertu de ces dispositions, le juge administratif retient l’illégalité de celle-ci si deux conditions cumulatives sont remplies :

  • l’élu a un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants [2] et
  • si l’élu a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération [3].

Il convient alors que le conseiller municipal reconnu comme intéressé au regard de ces deux conditions ne prenne pas part au débat et au vote, et quitte la salle sans, bien entendu, donner procuration à un autre élu.

A/ L’intérêt personnel.

Il peut s’agir d’un intérêt privé ou professionnel. Cet intérêt dit « personnel » renvoi à un intérêt distinct de celui de la généralité des habitants de la commune [4].

Le bénéficiaire de la délibération peut être le conseiller lui-même (ex : une conseillère ayant pris part au vote de la délibération lui octroyant un poste d’agent de service) [5] ou une autre personne présentant un lien de parenté avec le conseiller [6].

  • Les liens de parenté, relations familiales ou connaissances intimes : les liens entre le conseiller et les membres de sa famille peuvent relever de l’intérêt privé, lorsque le lien familial constitue l’un des fondements de la délibération [7]. Toutefois, l’existence de ce seul lien ne suffit pas pour caractériser un intéressement à l’affaire [8].
  • L’activité professionnelle : un conseiller peut être considéré comme personnellement intéressé à l’affaire lorsque cette affaire a fait l’objet d’une délibération impliquant directement ou indirectement les intérêts d’organismes ou d’entreprises dans lesquels il assume une fonction [9].

Ainsi du conseiller, PDG d’une société exploitant un théâtre communal, lorsque cet élu délibère sur les demandes de subventions de cette même société d’exploitation, en vue de réalisation des travaux au sein du théâtre [10].

  • La qualité de propriétaire ou d’exploitant, dimension patrimoniale individuelle : un conseiller sera généralement considéré comme portant un intérêt personnel à l’affaire, lorsque la délibération interfère directement avec les intérêts liés à sa qualité de propriétaire ou d’exploitant [11].
  • L’exercice de fonction dans un organisme (association, société, club, syndicat, …) : un conseiller peut avoir un intérêt personnel en tant que membre ou en participant aux activités d’un organisme concerné par la délibération [12].

Est intéressé l’élu, président et membre du conseil d’administration d‘une association, laquelle sollicite le versement de subventions par le biais d’une délibération municipale [13].

L’est tout autant le maire, président d’une association, ayant en cette qualité un intérêt distinct de celui de la commune à la signature d’un bail portant sur un immeuble communal au profit de l’association, bien que cette dernière soit dépourvue de but lucratif [14].

Que le but de l’association soit culturel ou autre, elle peut poursuivre des objectifs qui ne se confondent pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune et, dans ce cas, la participation d’un conseiller membre du conseil d’administration de cette association peut entacher d’illégalité une délibération portant sur une affaire concernant l’association [15].

A noter que le conseil d’Etat ne distingue pas entre le cas où le conseiller intéressé siège à titre personnel au conseil d’administration de l’association et celui où il siège en tant que représentant de la commune : ainsi, des membres du conseil d’administration d’une association qui poursuit des objectifs qui ne se confondent pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune doivent être regardés comme intéressés à l’affaire concernant cette association, « nonobstant la circonstance que les statuts de l’association prévoyaient la participation de membres du conseil municipal au conseil d’administration de l’association » [16].

En revanche, si une association, bénéficiaire d’une subvention communale, présente un intérêt communal, et que ses membres ne peuvent en retirer aucun bénéfice personnel, « la circonstance que le maire de la commune en soit le président et que plusieurs conseillers municipaux fassent partie de son conseil d’administration n’est pas de nature à les faire regarder comme étant intéressés au sens des dispositions de l’article L2131-11 du Code général des collectivités territoriales » [17] : on notera toutefois que cette décision s’applique à une association dont l’objet concernait l’ensemble de la population de la commune, puisqu’il s’agissait notamment de l’organisation de la fête communale traditionnelle [18].

  • Question contentieuse intéressant un conseiller : si un litige oppose un conseiller municipal à la commune, il est intéressé à l’affaire [19].

B/ L’influence sur le résultat du vote.

La participation du conseiller doit avoir une influence sur le résultat du vote [20]. Néanmoins, ce critère tend à s’élargir à la simple présence du conseiller à l’une des phases du processus de décision. En effet, si la seule présence de l’élu intéressé ne suffit pas à entacher d’illégalité la délibération, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption de celle-ci est susceptible de vicier sa légalité, même en l’absence de participation au vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération [21].

A ainsi été jugée illégale une délibération prise par la commune sur le rapport de l’élu intéressé, qui a également présidé la séance et pris part activement aux débats, exerçant ainsi une influence sur cette décision [22].

  • La participation aux travaux préalables.

La participation aux commissions de travail, chargées d’étudier le projet auquel est intéressé le conseiller, constitue un indice substantiel, notamment lorsqu’elle contribue à l’affirmation de l’intérêt en cause [23].

  • La rédaction et la présentation du rapport préalable à la délibération.

Lorsque le conseiller a participé à l’élaboration du projet qui l’intéresse et se trouve assurer la fonction de rapporteur de l’affaire devant le conseil municipal, son influence sur le résultat du vote est présumée [24].

La qualité du rapporteur revêt une importance certaine : le soupçon d’influence est renforcé quand la présentation du rapport est faite par le conseiller intéressé [25].

  • La participation au vote et à la délibération.

Le juge apprécie in concreto si la participation d’un élu au vote et aux débats est de nature à vicier la délibération, en vérifiant que l’intérêt personnel de l’élu est distinct de celui de la généralité des habitants, et que l’élu a bien eu une influence effective sur la délibération.

C’est ainsi qu’il était reproché la participation aux débats et au vote d’une délibération modifiant le PLU de la commune ayant notamment pour effet de rendre possible l’extension d’une grande surface gérée par le conjoint d’une conseillère municipale.

Le Conseil d’Etat confirme que la délibération n’est pas nulle, la conseillère municipale n’ayant pas joué un rôle actif dans les débats et n’ayant pas exercé une influence effective sur la délibération :

« cependant, s’agissant d’une délibération déterminant des prévisions et règles d’urbanisme applicables dans l’ensemble d’une commune, la circonstance qu’un conseiller municipal intéressé au classement d’une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n’est de nature à entraîner son illégalité que s’il ressort des pièces du dossier que, du fait de l’influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel » [26].

Car la seule participation au vote d’une délibération d’un conseiller intéressé ne suffit pas nécessairement à vicier la délibération [27].

La participation au vote peut être appréciée au vu des résultats de ce vote. Ainsi, lorsque la décision est prise à une faible majorité, la participation du conseiller intéressé sera « de nature à exercer une influence sur son résultat » [28]. Alors que l’unanimité peut dédouaner le conseiller municipal de toute irrégularité [29].

Mais le simple constat de l’unanimité n’est pas nécessairement un élément déterminant pour affirmer que l’influence sur la délibération n’a pas été positive [30] : bien que le conseiller dit intéressé ne prenne pas part au vote, sa simple présence à la séance peut être susceptible d’avoir influencé le vote [31].

Dès lors, à titre préventif, il convient que les conseillers intéressés ne participent ni au vote, ni aux débats, ni à l’instruction du dossier. Pour le calcul du quorum en particulier, le Conseil d’État considère que les conseillers municipaux intéressés ne doivent pas être pris en compte [32].

C/ Cas de l’élu mandataire de la collectivité.

Les élus peuvent participer aux délibérations concernant des organismes dont ils sont membres lorsque ces derniers présentent un intérêt général pour la commune.

L’article L1524-5 (11ème alinéa) du CGCT dispose que l’élu mandataire de la collectivité au sein d’une SEM peut prendre part aux votes des délibérations de l’assemblée délibérante appelée à se prononcer sur ses relations avec la SEM, sans être pour autant considéré comme intéressé à l’affaire au sens de l’article L2131-11.

Les élus ne peuvent toutefois pas participer aux commissions d’appel d’offres ou aux commissions d’attribution de délégations de service public de la collectivité territoriale ou du groupement, lorsque la SEM est candidate à l’attribution d’un marché public ou d’une délégation de service public (12ème alinéa).

L’élu membre du conseil d’administration ou de surveillance d’une SEM peut participer à la délibération de la collectivité territoriale attribuant un contrat à ladite SEM : ne faisant que représenter l’actionnaire public, il ne sera pas personnellement intéressé à l’affaire [33].

En outre, la participation en qualité de représentant de la commune à un organisme qui lui est rattaché ou à une commission administrative n’est pas constitutive d’un intérêt à l’affaire, compte tenu du caractère public de cet établissement [34].

En revanche, les élus locaux, membres de la commission d’appel d’offres, qui sont aussi membres ou exercent des activités de direction au sein d’une SEML, d’une SPL ou d’une SPLA, ne peuvent pas participer aux réunions de la commission décidant l’attribution d’un marché, si la société est candidate [35].

II/ Le conflit d’intérêt.

En application des articles 1er et 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les personnes titulaires d’un mandat électif local veillent à prévenir ou à faire cesser tout conflit d’intérêts, défini comme

« toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » [36].

Les trois critères du conflit d’intérêts :

  • Le responsable public détient un intérêt : direct (une autre activité professionnelle) ou indirect (l’activité professionnelle du conjoint), privé (la détention d’actions d’une entreprise) ou public (un autre mandat électif), matériel (une rémunération) ou moral (une activité bénévole ou une fonction honorifique).
  • L’intérêt en cause interfère avec l’exercice d’une fonction publique : matériellement (activité professionnelle spécialisée dans un certain secteur), géographiquement (intérêts détenus dans une commune donnée) ou temporellement (intérêts passés).
  • L’interférence influence ou paraît influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction : il y aura conflit d’intérêts lorsque l’interférence est suffisamment forte pour soulever des doutes raisonnables quant à la capacité du responsable public pour exercer ses fonctions en toute objectivité.

Le seul constat d’une cohabitation des intérêts, l’apparence de la partialité ou l’apparence d’influence sur la décision prise, font naître l’irrégularité.

Pour mémoire : doivent adresser au président de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts, établies, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions notamment :

  • Les titulaires d’une fonction de président de maire d’une commune de plus de 20 000 habitants ou de président élu d’un EPCI à fiscalité propre dont la population excède 20 000 habitants ou dont le montant des recettes de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d’euros ainsi que les présidents des autres EPCI dont le montant des recettes de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d’euros ;
  • Les adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants et les vice-présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants lorsqu’ils sont titulaires d’une délégation de signature.

De surcroît, afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêts au sens de la loi, l’article 5 du décret 2014-90 du 31 janvier 2014 précise que

« lorsqu’elles estiment se trouver en situation de conflit d’intérêts, qu’elles agissent en vertu de leurs pouvoirs propres ou par délégation de l’organe délibérant, les personnes mentionnées au précédent alinéa [parmi lesquelles figurent le maire et le président d’un EPCI à fiscalité propre] prennent un arrêté mentionnant la teneur des questions pour lesquelles elles estiment ne pas devoir exercer leurs compétences et désignant, dans les conditions prévues par la loi, la personne chargée de les suppléer. Par dérogation aux règles de délégation prévues aux articles L2122-18 [...] et L5211-9 du Code général des collectivités territoriales, elles ne peuvent adresser aucune instruction à leur délégataire ».

Sur ce fondement, il appartient au maire et au président d’un EPCI à fiscalité propre de donner délégation à un adjoint ou à un vice-président qui remplira l’ensemble de ses fonctions pour les affaires en causes. Par ailleurs, ils ne devront lui adresser aucune instruction à cette occasion.

Enfin, la loi du 11 octobre 2013 ne remet pas en cause les exceptions aux situations de prise illégale d’intérêt prévues par l’article 432-12 du Code pénal pour les communes moins de 3 500 habitants : déléguer ses fonctions selon la loi du 11 octobre 2013 ne suffit donc pas pour écarter la prise illégale d’intérêts.

III/ Le délit de prise illégale d’intérêt.

Aux termes de l’article 432-12 du Code pénal, ce délit est constitué par

« le fait, par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

L’intérêt en question pouvant être matériel, patrimonial, familial, moral, direct ou indirect.

Ces dispositions peuvent alors concerner des contrats de la commande publique [37] ou des autorisations d’occupation temporaire du domaine public [38].

Au total, la caractérisation de cette infraction suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.

A/ L’élément matériel : un acte d’ingérence dans une entreprise ou une opération compromettant les exigences de neutralité qui s’imposent à l’action publique.

La prise illégale d’intérêt peut être caractérisée malgré l’absence d’enrichissement personnel des élus [39].

A ce titre, la participation à une délibération d’un élu en situation de conflit d’intérêts est susceptible de fonder le délit de prise illégale d’intérêts, alors même que l’intérêt de l’élu coïncide avec celui de la collectivité (ex : attribution d’un marché public à l’entreprise de l’élu qui est la mieux-disante) ou même si lorsque la participation de l’élu n’a pas été déterminante dans la prise de décision.

De même la participation sans vote d’un conseiller d’une collectivité territoriale à un organe délibérant d’une association, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l’article 432-12 du Code pénal [40].

Ce délit peut être constitué lorsque l’élu participe aux seules étapes du processus de décision [41] ou à une réunion informelle [42].

Le délit est constitué alors même qu’il n’y a aucune recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel [43] : pour que le délit de prise illégale d’intérêt soit présumé, il suffit qu’un élu puisse simplement être soupçonné d’utiliser ses fonctions pour obtenir des avantages directs ou indirects, à son profit, au profit de sa société, de sa famille, de ses proches ou de ses associés.

La surveillance ou l’administration de l’opération dans laquelle l’élu prend un intérêt est invariablement établie pour le maire, alors même qu’il aurait donné délégation à un adjoint [44].

S’agissant des adjoints délégués, ils sont réputés avoir la surveillance de l’opération incriminée lorsque celle-ci entre dans le champ de leur délégation [45].

Le pouvoir de surveillance est également reconnu lorsqu’un conseiller municipal est simplement présent à une délibération à laquelle il est intéressé, alors même qu’il s’abstient de participer aux débats, qu’il n’a pas instruit le dossier et qu’il ne possède aucune délégation dans la matière qui fait l’objet de la délibération et qu’il sort au moment du vote [46].

S’agissant particulièrement des élus municipaux assurant la présidence d’associations locales en leurs qualités d’élus : quand bien même l’infraction n’a apporté aucun profit ni causé aucun préjudice pour la collectivité, des élus peuvent être condamnés parce qu’ils ont participé aux délibérations attribuant des subventions aux associations communales et intercommunales qu’ils présidaient alors même qu’ils ne percevaient aucune rémunération et que les associations servaient un intérêt public [47].

La prise illégale d’intérêts peut également être constituée quand bien même l’élu ne donnerait qu’un avis sur l’attribution de subventions sans participer à la décision finale [48].

B/ L’élément intentionnel : l’élu doit avoir accompli sciemment l’élément matériel du délit [49] et il n’est pas nécessaire que l’intérêt pris par le prévenu soit en contradiction avec l’intérêt général [50].

L’article 432-12 prévoit toutefois certains assouplissements au profit des communes de moins de 3 500 habitants : ces opérations sont limitées au transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou à la fourniture de services, dans la limite d’un montant annuel de 16 000 euros, à l’acquisition d’une parcelle d’un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou à la conclusion d’un bail d’habitation pour leur propre logement, à l’acquisition d’un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle.

De telles opérations doivent être autorisées par délibération motivée du conseil municipal statuant en séance publique. Les élus intéressés ne doivent pas participer à la délibération relative à la conclusion ou à l’approbation des contrats correspondants.

Lorsque les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune, le conseil municipal doit désigner un autre de ses membres pour la représenter dans la conclusion de ces contrats dans les conditions prévues à l’article L2122-26 du CGCT.

Ces dérogations ne sauraient s’appliquer à l’attribution d’autorisations d’occupation temporaire du domaine public à des fins professionnelles, dès lors qu’une telle attribution n’a pas pour objet et ne peut avoir pour effet, en application du principe d’inaliénabilité du domaine public, l’acquisition du bien correspondant.

A la question de savoir si, dans les communes de moins de 3 500 habitants, les élus municipaux exerçant une activité professionnelle peuvent conclure des délégations de service public ou bénéficier d’autorisations d’occupation temporaire (AOT) du domaine public, le ministre de l’intérieur répond que rien ne semble s’opposer à ce qu’une délégation de service public soit assimilée à une opération de fourniture de services au sens du deuxième alinéa de l’article 432-12 du Code pénal, même si le législateur a édicté cette disposition en pensant surtout aux petits marchés de services [51].

Au total, il faut retenir qu’il n’est pas nécessaire que l’intérêt de l’élu soit distinct de celui de la commune ou que l’élu ait exercé une influence effective sur la délibération : la seule participation de l’élu aux débats et/ou au vote peut suffire à caractériser le délit, même si l’intérêt de l’élu coïncide avec celui de la collectivité et si la participation de l’élu n’a pas joué un rôle déterminant dans la prise de décision.

Dès lors, et d’une manière générale, afin d’éviter tout risque administratif et pénal, il appartient aux élus intéressés à une affaire de s’abstenir d’intervenir dans les travaux préparatoires de la délibération et de prendre part au vote de celle-ci.

La sortie de salle en tant que telle ne constitue pas une obligation fixée par la loi mais une possibilité permettant de prévenir toute suspicion de conflit d’intérêts [52].

Camille Dire, Avocat
Barreau de Nice
DIRE-Avocat-NICE
Droit européen - Droit international
Circulation transfrontalière - Schengen
Droit administratif - Fonction publique

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Notes de l'article:

[1Article L2131-11.

[2Conseil d’État, 1er juillet 2019, req. n° 410714.

[3Conseil d’État, 12 octobre 2016, req. n° 387308.

[4CE, 16 décembre 1994, n° 145370.

[5CE, 22 février 1995, n° 150713.

[6CE, 23 février 1990, n° 78130.

[7CE, 23 fev. 1990, commune de Plougernevel c/ Lenoir & autres.

[8CE, 22 juillet 1992, consorts Carton.

[9CAA Nancy, 30 juin 2011, N° 10NC01377.

[10CE, 23 septembre 1987, n° 65014.

[11CE, 12 février 1986, commune d’Ota.

[12CE, 9 juill. 2003, N° 248344.

[13CE, 9 juillet 2003, n° 248344.

[14CE, 16 décembre 1994, n° 145370.

[15CE, 16 décembre 1994, req. n° 145370.

[16CE, 9 juillet 2003, req. n° 248344.

[17CAA Marseille, 16 septembre 2003, req. n° 99MA01085.

[18Réponse n° 53505, JO AN du 22 février 2005.

[19CE, 24 mai 2000, n° 195657.

[20CE, 12 février 1986, n° 45156.

[21CE, 12 octobre 2016, req. n° 388232.

[22CAA Lyon, 29 avril 2021, req. n° 19LY02640.

[23CE, 17 février 1993, n° 115600.

[24CE, 13 février 1987, n° 70331.

[25CE, 6 mai 1994, n° 115612.

[26Conseil d’État, 12 octobre 2016, N° 387308.

[27CE, 26 févr. 1982, Assoc. Renaissance d’Uzès.

[28CE n° 78130, et CE, 27 juin 1997, n° 122044.

[29CE, 26 octobre 1994, n° 121717.

[30CE, 9 juillet 2003, n° 248344.

[31CE, 21 nov. 2012, N° 334726.

[32CE, 19 janvier 1983, n° 33241, Chauré.

[33CE, 10 décembre 2012, n° 354044.

[34CAA Versailles, 15 mai 2018, N° 06VE01131.

[35CGCT, art. L1524-5, al. 12 Rép. min. n° 10996 : JO Sénat Q, 26 juin 2014, p. 1557 Rép. min. n° 1560 : JO Sénat Q, 23 avr. 2009, p. 1017.

[36Le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014, portant application de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013, précise les obligations de déport qui s’imposent à un élu local dans une telle hypothèse.

[37Cass. Crim. 5 juin 1890, à propos d’un acte de concession ; Cass. Crim. 21 juin 2000, n° 99-86.871, et 9 février 2005, n° 03-85.697, à propos de marchés publics.

[38Cass. Crim. 5 novembre 1998, n° 97-80.419, à propos d’une sous-concession du domaine public.

[39Rép. Min, JOAN 15.5.2012 p. 3789, Q n°128083.

[40Cass. Crim., 9 février 2011, req. n° 10-82988.

[41Cass. Crim., 5 avril 2018, req. n° 17-81.912.

[42Cass. Crim., 20 janvier 2021, req. n° 19-86.702.

[43Cass Crim., 21 juin 2000, n° 99-86871.

[44Cass. Crim., 9 février 2005, n° 03-85697.

[45Cass. Crim., 18 juin 1996, n° 95-82759.

[46Cass. Crim, 14 novembre 2007, n° 07-80220.

[47Cass. Crim., 22 octobre 2008, n°08-82068.

[48Cass. Crim., 9 mars 2005, n° 04-83615 ; Cass. Crim., 9 février 2011, n° 10-82988.

[49Crim, 22 octobre 2008, n° 08-82068.

[50Crim, 19 mars 2008, n° 07-84288.

[51Réponse publiée dans le JO Sénat du 09/02/2023 - page 1008.

[52Réponse à la question écrite n°02818, publiée dans le JO Sénat du 2 février 2023, p. 728.

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