Droit OHADA de la saisie conservatoire : créance fondée en son principe et menace de non-recouvrement.

Par Constant Yao Zogalou, Juriste.

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Explorer : # créance # saisie conservatoire # recouvrement # droit ohada

Ce que vous allez lire ici :

La créance en droit OHADA représente le droit d'un créancier d'exiger le paiement d'une obligation d'un débiteur. Elle peut être certaine, liquide et exigible. La saisie conservatoire permet aux créanciers de sécuriser leurs droits, sous certaines conditions, face aux risques d'insolvabilité des débiteurs.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans le cadre du droit OHADA, la créance constitue un droit essentiel permettant à un créancier d’exiger l’exécution d’une obligation de la part de son débiteur, généralement sous la forme d’un paiement monétaire. Cet article explore la nature des créances, en mettant en évidence les critères de certitude, de liquidité et d’exigibilité qui les définissent. Plus spécifiquement, il se concentre sur la saisie conservatoire, une procédure préventive qui permet au créancier de bloquer les biens du débiteur pour assurer le recouvrement de sa créance. À travers l’analyse des conditions juridiques requises pour engager une saisie conservatoire, cet article vise à éclairer les mécanismes de protection des droits des créanciers face aux risques de non-paiement.

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La créance, en droit OHADA, se réfère à un droit détenu par une personne, appelée "créancier", d’exiger d’une autre personne, le "débiteur", l’exécution d’une obligation, généralement le paiement d’une somme d’argent. En termes simples, une créance, c’est quand quelqu’un doit de l’argent ou quelque chose à une autre personne. Par exemple, si quelqu’un te prête de l’argent, cette personne a une "créance" sur toi, car tu es obligé de lui rembourser cette somme. Donc, la créance, c’est ce que l’on doit à quelqu’un ou ce que quelqu’un nous doit. Celle-ci peut naître d’un contrat, d’une décision de justice, d’une garantie ou d’une obligation fiscale...

Il ressort de l’article 2 AUPSRVE (Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution) que la créance peut être « certaine, liquide, et exigible ».

Une créance certaine est une créance dont l’existence est établie de manière incontestable et prouvée. Il ne pèse aucune suspicion sur son existence, débiteur et créancier ayant connaissance de cette créance.

La créance est dite liquide lorsque le montant à payer est clairement établi et précis en termes d’argent. Par exemple, une somme d’argent définie (par exemple, 1 000 000 FCFA) est considérée comme une créance liquide, contrairement à une créance où le montant doit encore être évalué.

Une créance exigible est celle dont le titulaire peut exiger immédiatement le paiement, du fait que le délai de paiement est arrivé à échéance ou que les conditions pour le remboursement sont remplies. En d’autres termes, il n’y a plus de raisons légales ou contractuelles de retarder le paiement.

Le recouvrement d’une créance consiste en un ensemble de démarches, judiciaires ou non, visant à obtenir le règlement d’une dette. Il permet à une personne dont la créance n’a pas été honorée à la date prévue de réclamer le paiement auprès du débiteur.

Le législateur OHADA, à travers l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, consacre plusieurs procédures de recouvrement de créance dont, seule la saisie conservatoire fera l’objet de notre analyse.

Aux termes de l’article 28 dudit acte uniforme, à défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, pratiquer une saisie pour contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.

Définit comme étant une procédure qui permet à un créancier de demander au tribunal de bloquer les biens de son débiteur, la saisie conservatoire est une mesure préventive tendant à faire pression sur le débiteur afin qu’il respecte ses obligations. Elle empêche le débiteur de vendre, cacher ou dépenser ces biens avant que la dette ne soit réglée. Elle rend lesdits biens indisponibles.

De ce fait, il est crucial de rappeler la question ci-dessus citée : quelles sont les conditions juridiques nécessaires pour obtenir une saisie conservatoire en cas de recouvrement de créance ?

La réponse à cette interrogation juridique nous amène à la lecture de l’article 54 l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.

En effet, aux termes de l’article 54 dudit Acte Uniforme,

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».

Pour recourir à cette mesure, le saisissant doit justifier la réunion de deux conditions cumulatives comme prévues par l’article : d’une part l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe et d’autre part l’existence d’un péril couru par le recouvrement de la créance.

D’une part, la créance paraissant fondée en son principe implique que la créance soit vraisemblable, apparente ou admissible, même si elle n’est pas encore exigible ou si son montant exact n’est pas encore établi (pas encore liquide). La certitude de la créance n’est pas une condition exigée pour la saisie conservatoire de créance. De ce fait la créance n’est pas obligée d’être certaine, liquide, et exigible, pour justifier la saisie.

Il est de jurisprudence constante que, l’essentiel est que celui qui recourt à la mesure conservatoire puisse légitimement justifier son droit de créance de sorte qu’il n’est pas exigé ces conditions précitées. Ainsi, un créancier peut solliciter une saisie en se basant sur des éléments probants attestant l’existence de la créance (Contrat écrit, factures, chèques, reconnaissance de dette, correspondance, jugement, preuves de paiement…). L’appréciation de cette vraisemblance est laissée à la discrétion souveraine du juge, qui examine les preuves fournies par le créancier pour établir la réalité de la créance.

Ainsi, dans l’affaire M FT contre M GP (n°346 CIV/19 DU 17/05/2019), bien que le montant de la créance ait été contesté, le principe de la créance n’a pas été remis en cause. Monsieur GP a reconnu la réalité des prestations effectuées par M FT, pour un montant total de 652 540 000 FCFA, bien que Monsieur GP ait proposé de régler seulement 33 millions FCFA. Cette reconnaissance partielle des services rendus a suffi à établir la vraisemblance de la créance et, par conséquent, à justifier la saisie conservatoire.

D’autre part, en ce qui concerne la deuxième condition relative à l’existence d’un péril couru par le recouvrement de la créance, il est acquis en cette matière que les circonstances alléguées à ce titre par le créancier saisissant doivent révéler un risque particulier pour lui de ne pas être payé.

Selon la jurisprudence, ces circonstances incluent des risques sérieux d’insolvabilité imminente. Dans ce cadre, il est essentiel de noter que l’inertie du débiteur peut également constituer un péril pour le recouvrement. Lorsque le débiteur ne répond pas aux relances du créancier, ne fournit pas d’explications sur son retard de paiement, ou reste silencieux face aux mises en demeure, cela crée une incertitude quant à sa solvabilité. Ce manque d’initiative et d’engagement peut renforcer les craintes du créancier sur la capacité du débiteur à honorer sa dette.

A titre illustratif, dans l’affaire n° 169/2016, 1ᵉʳ déc. 2016, Compagnie Ivoirienne d’Électricité (CIE) c. Société Tropical Bois, la CIE a été condamnée par la Cour Suprême en juillet 2011 à s’exécuter. Cependant, elle n’a pas spontanément exécuté cette obligation, ce qui a conduit la Société Tropical Bois à demander une saisie conservatoire. La cour d’appel a jugé que l’attitude de la CIE, qui consistait à ne pas vouloir s’exécuter, constituait une menace pour le recouvrement de la créance. L’inertie de la CIE a été qualifiée de mauvaise foi, mettant ainsi en péril la créance de son créancier.

Tout est-il que l’appréciation de ces éléments, tout comme celle de la vraisemblance de la créance, est également laissée à la souveraineté du juge, qui peut évaluer la situation financière du débiteur et d’autres facteurs pertinents.

Ainsi, l’inertie du débiteur, associée à d’autres facteurs de risque financier, constitue une menace tangible pour le recouvrement de la créance, justifiant ainsi la nécessité d’une saisie conservatoire pour protéger les droits du créancier.

Cependant, en vertu de l’article 33 dudit acte uniforme, la saisie conservatoire ne peut pas être pratiquée sur les personnes bénéficiant d’immunité d’exécution, dont les personnes morales de droit public ou les entreprises publiques. Ce texte consacre l’insaisissabilité des créances leur appartenant.

Toutefois, il convient de noter qu’avec le revirement jurisprudentiel de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) dans son arrêt n° 103/2018 du 26 avril 2018, le seul fait pour une société privée d’avoir l’État comme actionnaire majoritaire dans son capital social ne suffit pas à lui conférer la qualité d’entreprise publique bénéficiant du privilège de l’immunité d’exécution. Cette décision marque une distinction importante entre les entreprises publiques stricto sensu et les sociétés privées à participation publique majoritaire, qui ne jouissent pas de cette immunité.

Par ailleurs, il est également nécessaire de préciser que l’immunité d’exécution ne confère nullement une immunité de juridiction. Cela signifie que, bien que les biens de certaines entités publiques soient protégés contre les mesures d’exécution forcée, elles peuvent tout de même être traduites en justice. Cette position a été confirmée par la CCJA dans son arrêt n° 47/2021 du 8 avril 2021, précisant que l’immunité d’exécution n’exonère pas de la responsabilité judiciaire.

En résumé, la créance en droit OHADA revêt une importance capitale dans les transactions commerciales, établissant un cadre clair pour les relations entre créanciers et débiteurs. La saisie conservatoire, en tant qu’instrument juridique, permet aux créanciers de sécuriser leurs droits face aux risques d’insolvabilité des débiteurs. Les conditions pour sa mise en œuvre, à savoir l’existence d’une créance fondée et la preuve d’un péril menaçant le recouvrement, témoignent de la nécessité d’un équilibre entre la protection des créanciers et le respect des droits des débiteurs.

La rigueur du système juridique OHADA assure que ces procédures sont appliquées de manière équitable, en conférant au juge un rôle crucial dans l’évaluation des preuves et des circonstances. Dans un contexte commercial dynamique, une bonne compréhension de ces mécanismes est essentielle pour les acteurs économiques, leur permettant de naviguer efficacement dans le paysage complexe du recouvrement de créances. Ainsi, le droit OHADA continue de jouer un rôle fondamental dans la promotion de la sécurité juridique et de la confiance dans les transactions commerciales, renforçant les garanties pour les créanciers tout en maintenant l’équité dans les relations d’affaires.

Constant Yao Zogalou, Juriste

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