La disparition de la théorie du bilan. Par Nicolas Marguerat, Avocat

La disparition de la théorie du bilan.

Par Nicolas Marguerat, Avocat

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Explorer : # théorie du bilan # réforme fiscale # patrimoine professionnel # entrepreneurs individuels

La loi de finances pour 2011 n’a apporté que peu de modifications d’importance en matière de fiscalité des entreprises.

La loi de finances rectificative pour 2010 devait, dans un premier temps, réformer en profondeur le régime des sociétés de personnes.

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Le projet qui avait été présenté en conseil des ministres le 17 novembre 2010 visait essentiellement à introduire une plus grande transparence au sein des sociétés de personnes et cela par une refonte quasi-totale des dispositions fiscales applicables à ces sociétés.

Cependant les parlementaires ont estimé que cette réforme était inopportune en période de discussion budgétaire et ont décidé de différer cette réforme dans l’attente de la production d’un rapport d’évaluation permettant de déterminer son impact budgétaire.

En conséquence, un rapport détaillé devra être déposé avant le 30 avril 2011 précisant notamment l’impact budgétaire du régime actuel, de la transformation des sociétés de personnes en sociétés soumises à l’Impôt sur les Sociétés et les conséquences de l’adoption d’un système de transparence pure et simple desdites sociétés.

La seule disposition de ce projet qui ait « survécu » est la suppression, ou plutôt la suppression des effets, de la « théorie du bilan » qui a été adoptée par l’article 13 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010.

Le principe de la théorie du bilan

La théorie du bilan est une construction jurisprudentielle constamment réaffirmée par le Conseil d’Etat depuis un arrêt du 24 mai 1967 et qui a beaucoup intéressé la doctrine fiscale.

Le postulat de départ est que, juridiquement, l’entreprise individuelle, dès lors qu’elle n’a pas de personnalité juridique, n’a pas de patrimoine propre qui serait distinct du patrimoine (personnel) de l’entrepreneur.

La jurisprudence a consacré le principe de liberté d’affectation comptable qui est la conséquence du principe de liberté de gestion de l’entreprise.

En effet, pour des raisons de détermination du résultat fiscal de l’entreprise, le Conseil d’Etat a été conduit à dégager une notion fiscale de patrimoine professionnel pour l’entreprise individuelle.

Dès lors, fiscalement, coexistent un patrimoine civil et un patrimoine professionnel.

L’exploitant se voit ainsi reconnaître une totale liberté quant à l’affectation de ses biens dans l’un ou l’autre de ses patrimoines.

La distinction des biens au sein des deux patrimoines de l’exploitant dépend uniquement de la décision de l’exploitant d’inscrire ou de ne pas inscrire un bien à l’actif du bilan de l’entreprise.

Ce principe concerne aujourd’hui les entrepreneurs individuels relevant soit des Bénéfices Industriels ou Commerciaux soit des Bénéfice Agricoles.

Les limites de la théorie du bilan

Les seules limites au principe de liberté d’affectation comptable concernent traditionnellement les biens qui sont affectés par nature à l’exploitation.

Il en est ainsi de la clientèle ou du droit au bail, des stocks, des créances et des dettes commerciales qui doivent impérativement être affectés, par nature, à l’activité professionnelle.

Les effets de la théorie du bilan

Le régime fiscal du bien sera différent selon que le bien a été affecté ou non au patrimoine professionnel de l’entreprise individuelle.

Lorsqu’un bien fait partie du patrimoine professionnel c’est-à-dire qu’il est inscrit à l’actif de l’entreprise, son régime fiscal suit le régime d’imposition applicable à l’entreprise.

Il en est ainsi pour les revenus qu’il produit qui seront imposés dans la catégorie des Bénéfices Industriels ou Commerciaux ou des Bénéfice Agricoles ou les charges qu’il génère qui viendront en déduction dudit bénéfice.

De même, lors de la cession d’un tel bien, les plus ou moins values seront traitées comme des plus ou moins values professionnelles.

A contrario, lorsqu’un bien est demeuré dans le patrimoine personnel du contribuable c’est-à-dire qu’il n’a pas été inscrit à l’actif de l’entreprise, son régime fiscal sera celui applicable aux particuliers.

Les revenus qu’il produira seront alors imposés, par exemple s’il s’agit de loyers, dans la catégorie des Revenus Fonciers et, lors de la cession du bien, les plus ou moins values dégagées seront traitées comme des plus ou moins values des particuliers.

Les conséquences de l’article 13 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010

Ce régime va être supprimé pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012 par l’article 13 de ladite loi.

En effet, cet article met un terme aux effets de la théorie du bilan en écartant pour la détermination du résultat professionnel imposable les produits et les charges sans lien avec l’exercice de l’activité professionnelle.

L’entrepreneur individuel qui relève des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices agricoles demeure théoriquement libre d’inscrire comptablement tous les biens à l’actif de son bilan.

Toutefois, les charges qui ne sont pas nécessitées par l’exercice à titre professionnel de son activité et les produits qui ne proviennent pas de l’exercice de cette activité seront retraités extracomptablement pour la détermination du résultat fiscal professionnel.

Il est cependant prévu que la suppression des effets de la théorie du bilan ne s’appliquera pas lorsque les produits qui ne proviennent pas de l’exercice de l’activité professionnelle sont réputés accessoires par rapport à l’activité de l’entreprise c’est-à-dire lorsqu’ils n’excèdent pas, soit 5 % de l’ensemble des produits de l’exercice, soit 10 % de ces mêmes produits dès lors que la condition de 5 % était satisfaite au titre de l’exercice précédent.

Au surplus, des règles particulières afférentes à l’imposition des plus-values et moins-values s’appliqueront pour la cession de biens inscrits à l’actif de l’entreprise qui sont sans lien avec l’exercice de son activité professionnelle.

En conclusion, même si l’article 13 ne supprime pas la théorie du bilan en elle-même, elle vide celle-ci de sa substance en la privant de tous ses effets.


Nicolas Marguerat

Avocat


nmarguerat.avocat chez orange.fr

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