La différence d'appréciation de l'offre et de l'acceptation à l'arbitrage par le TAS à la lumière de l'affaire Fédération croate de golf vs Comité olympique croate. Par Florence Ipanda, Avocate.

La différence d’appréciation de l’offre et de l’acceptation à l’arbitrage par le TAS à la lumière de l’affaire Fédération croate de golf vs Comité olympique croate.

Par Florence Ipanda, Avocate.

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Explorer : # arbitrage sportif # consentement à l'arbitrage # inégalités institutionnelles # validité de l'accord

Ce que vous allez lire ici :

L'article traite de la validité des conventions d'arbitrage, en mettant en lumière les différences de traitement du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) entre les offres d'arbitrage des organisations sportives et des sportifs. Il souligne les inquiétudes concernant l'équité et la transparence dans le processus d'arbitrage.
Description rédigée par l'IA du Village

La sentence arbitrale du TAS (Tribunal arbitral du sport) dans l’affaire CAS 2012/A/2813 (Fédération croate de golf versus Comité olympique croate) vient mettre en lumière une dissonance dans l’appréciation du consentement à l’arbitrage par la juridiction sportive selon qu’il s’agisse de statuer sur la validité de l’offre émanant des organisations sportives ou de statuer sur la validité de l’acceptation du sportif. Ce qui est intéressant dans ce cas et qui captivera d’ailleurs toute notre attention, c’est le raisonnement juridique adopté par le TAS pour dénuer toute validité à l’offre à l’arbitrage d’une institution sportive qui conteste sa compétence. Raisonnement qui est radicalement opposé à celui qu’il présente au sportif pour donner plein effet à son « acceptation » à l’arbitrage.

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« Nous savons tous que le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste, la réalité » [1]

Introduction.

Remarques préliminaires.

« L’une des conditions de la compétence de l’arbitre est, naturellement, la validité de l’accord d’arbitrage, validité qui comprend divers aspects dont l’arbitrabilité du litige à côté de la validité formelle et de la validité matérielle de la convention » [2]. Si dans le contentieux sportif le premier aspect de la validité de la convention d’arbitrage peut soulever quelques difficultés [3], le second aspect, à savoir la validité formelle et la validité matérielle de la convention, est celui qui nous emmène à nous questionner ici notamment sur la position réelle du TAS lorsqu’il est appelé à statuer sur la validité d’une offre ou d’une acceptation à l’arbitrage.
« The Swiss Federal Tribunal repeated that the conditions of art. 178 LDIP [4] have to be fulfilled and the material conditions (and particularly the consent of the parties to arbitrate) have to be determined (…) the arbitration agreement has to be interpreted in accordance with the general principles of law and particularly the principle of good faith ( DFT 129 III 675 E.2.35 679 with further references) » [5].
Ces motifs de la sentence arbitrale dans l’affaire CGF v. COC peuvent surprendre à plus d’un titre toute personne au fait de la jurisprudence du TAS que consacre le Tribunal Fédéral Suisse en adoptant une approche libérale par rapport à la validité de la convention d’arbitrage.
Comme à l’analyse d’un éminent auteur [6], l’on ne peut apporter aucune dénégation au fait que le recours aux principes généraux de droit devant le TAS vient compenser l’invocabilité limitée des droits fondamentaux étatiques des athlètes. Mais lorsque ces principes généraux du droit sont mis en lumière dans les litiges sportifs, particulièrement dans les procédures d’arbitrage d’appel qui opposent généralement des parties aux rapports inégalitaires [7], cela peut s’avérer préoccupant. Nous sommes dès lors en droit de nous demander s’il y’aurait de l’arbitraire dans l’arbitrage du TAS ?
Cette décision vient en effet mettre en lumière une dissonance dans l’appréciation du consentement par le TAS selon qu’il s’agisse de statuer sur la validité de l’offre émanant des organisations sportives ou de statuer sur la validité de l’acceptation du sportif.
L’arrêt CGF v. COC n’oppose pas une organisation sportive et un sportif professionnel mais deux institutions sportives. Ce sont toutefois des situations similaires dans la mesure où nous sommes en présence d’un rapport inégalitaire à la base [8]. Ce qui est intéressant dans ce cas et qui captivera d’ailleurs toute notre attention, c’est le raisonnement juridique adopté par le TAS pour dénuer toute validité à l’offre à l’arbitrage d’une institution sportive qui conteste sa compétence. Raisonnement qui est radicalement opposé à celui qu’il présente au sportif pour donner plein effet à son « acceptation » à l’arbitrage.

Résumé des faits.

L’Assemblée du Comité Olympique Croate (intimé) a pris la décision d’exclure la Fédération de Golf Croate (appelant) dudit comité en date du 07 septembre 2010.
La Fédération de Golf insatisfaite de cette décision, a formé une requête pour voir annuler cette décision auprès du « Sport Arbitration Council », instance judiciaire du Comité Olympique Croate. Cette requête a été rejetée le 13 avril 2012. La Fédération Croate de Golf a donc déposé une déclaration d’appel auprès du TAS le 17 mai 2012 en se basant sur un post contenu dans le site web de l’intimé depuis juillet 2008 qui déclarait ceci entre autres :
« (…) when challenging a decision of the sports arbitration council, one may appeal to the court of arbitration for sport (CAS) in Lausanne, Switzerland, which will make a final decision on the dispute in accordance with the Code for Sport-Related Arbitration (CAS Code). Pour plus de détails, le site renvoie aux statuts du COC où on peut lire à l’article 72 ce qui suit :
(1) The Council for Sports Arbitration (hereafter referred to as the CSA) takes a decision on the request for extraordinary re-examination of Sports associations’ decisions when other legal redresses have been exhausted or they don’t exist and performs other duties determined by this statute, the procedure Regulations, Arbitration and other NOC of Croatia and CSA statutes (…)
(3) The appeal against the dispute arising from or relating to the Olympic Games is submitted exclusively to the Court of Arbitration for Sport in Lausanne in accordance with the code of sports related arbitration
 ».
Alors que l’appelant considère, à juste titre à notre humble avis, que le post contenu dans le site web est une offre d’arbitrage qui lie le COC et ne contredit pas ses statuts, l’intimé rejette en bloc ces allégations et estime qu’il n’y a pas d’offre d’arbitrage donc pas de convention d’arbitrage et que le TAS n’est pas compétent.
Le TAS rendra la sentence qui fait l’objet de notre analyse et donnera raison au COC :
« The panel therefore concludes that there is no arbitration clause in favour of CAS regarding the dispute between the appellant and the respondent. As a consequence the panel concludes that there is no evidence of any agreement between the parties as to CAS arbitration » [9].
Cette position surprenante du TAS pour prononcer l’invalidité de l’offre à l’arbitrage (II) diffère nettement de la position constante à laquelle cette même juridiction nous a habitués s’agissant de la validité de l’acceptation à l’arbitrage (I).

I- La position constante du TAS quant à la validité de l’acceptation à l’arbitrage.

L’approche libérale du Tribunal Fédéral Suisse (TFS) sur l’arbitrage sportif confirme la consécration de l’arbitrage obligatoire, notion controversée en doctrine (A) mais définitivement adoptée par la jurisprudence du TAS (B).

A- L’arbitrage obligatoire, notion controversée en doctrine.

La notion d’arbitrage forcé n’est pas née avec la juridiction sportive, des auteurs en faisaient déjà cas il y a des décennies [10]. Loin d’être unanimement accepté, l’arbitrage forcé encore appelé arbitrage légal ou arbitrage obligatoire a connu bon nombre de détracteurs.
Pour le Professeur Rigaux, l’arbitrage se définit par l’origine du pouvoir de juger, la juridiction des arbitres a pour source la volonté des parties, c’est en quoi « l’arbitrage se distingue du pouvoir juridictionnel étatique » [11]. Selon lui, la notion d’arbitrage et celle de contrainte sont antinomiques. Le Professeur Klein pour sa part est clair : « (...) l’arbitrage forcé, une procédure judiciaire d’exception » [12]. Il ne s’agit donc plus pour lui, de ce mode juridictionnel privé de règlement des litiges mais d’un simple tribunal ad hoc.
S’agissant de M. Rodman, l’arbitrage forcé est illégal sauf si « a statute for compulsory arbitration gives parties the further right of appeal from the award of the arbitrators or other procedures to carry the matter before a judicial tribunal to have the issues tried her the award sufficiently reviewed » [13].
A côté des pourfendeurs de l’arbitrage forcé, on retrouve ceux qui sont en faveur de ce type d’arbitrage. On peut citer Messieurs Jean Robert et Motulsky. Pour ce dernier, « la jurisprudence ne suit pas la voie de procédure judiciaire d’exception » [14]. Il n’y aurait donc aucune identité entre l’arbitrage forcé et une procédure devant un tribunal étatique. L’arbitrage obligatoire étant une modalité de l’arbitrage. Ces auteurs confirment ainsi le rôle premier de la loi dans l’arbitrage au détriment de la volonté.
« La jurisprudence Canas qui confirme la validité du consentement forcé des sportifs à l’arbitrage mais rejette la validité des clauses de renonciation au recours devant le Tribunal Fédéral doit être saluée » [15]. Cette assertion de Rigozzi et de Robert-Tissot met en exergue leur approbation de cette pratique dans le milieu sportif qui est d’ailleurs une option largement partagée.
Notre démarche positiviste ne nous autorise pas à nous appesantir sur ce qui devrait être mais de constater que le TAS a clairement pris position en faveur de l’arbitrage forcé, à tout le moins, en ce qui concerne l’acceptation à l’arbitrage du sportif.

B- L’arbitrage obligatoire, option adoptée par les juridictions sportives.

Il n’est plus désormais un secret qu’en matière d’appréciation de l’acceptation du sportif à l’arbitrage, lorsque le TAS est appelé à statuer sur sa compétence, il ne s’embarrasse plus des questions d’intention, de volonté réelle d’être lié du sportif.
Nous sommes en effet accoutumés à une jurisprudence constante dans les cas où le TAS est appelé à statuer sur sa compétence [16] concernant la validité de l’acceptation à l’arbitrage. Reviennent les notions de « principe de l’admissibilité de l’arbitrage » en dépit de son caractère non consensuel [17], d’arbitrage obligatoire, d’approche libérale du Tribunal Fédéral par rapport à la validité de la convention d’arbitrage [18]
Le TAS a à plusieurs reprises retenu sa compétence alors qu’elle était contestée par un joueur qui arguait du défaut de son acceptation à l’arbitrage [19]. Pour exemple, une sentence arbitrale rendue en 2003 [20].
Dans cette affaire, un athlète contestait furieusement la compétence du TAS afin de ne pas être attrait devant ladite juridiction en ces termes : « à supposer que la clause d’arbitrabilité du TAS applicable, elle ne pourrait lui être opposable du fait qu’il en a connaissance à défaut d’acceptation de sa part » [21]. La réponse du TAS est sans appel : « un sportif licencié à la FFC, participant à une épreuve internationale organisée sous l’égide de l’UCI, ne peut sérieusement soutenir qu’il n’a pas accepté la clause d’attribution de compétence au TAS, alors qu’il en a eu expressément connaissance sans élever la moindre objection » [22].
La simple connaissance d’une offre par le sportif et le fait de ne pas s’y opposer suffisent à déduire de son acceptation. Et comment reconnait-on une clause d’arbitrage ? Le TFS y répond dans l’arrêt Stanley R. c FIBA [23] : « Il peut être affirmé qu’un athlète reconnait les règlements d’une fédération dont il a connaissance, s’il soumet une demande à cette fédération pour une compétition en général ou pour avoir une licence ».
De plus, le TFS atteste que le simple fait d’être un athlète de niveau international implique l’acceptation de la clause d’arbitrage contenue dans la réglementation de la fédération internationale de sport en question [24].
D’ailleurs pour la juridiction de cassation du sport, les conventions d’arbitrage en faveur du TAS sont « branchenty pisch » [25], les athlètes ne peuvent plus contester la validité des conventions d’arbitrage contenues dans les règlements des fédérations sportives en invoquant le fait qu’ils n’en avaient pas connaissance [26].
Dans l’affaire Union Cycliste Internationale (UCI) / R. et FFC, le TAS déclare ainsi que c’est à tort que R. tente de contester la compétence du TAS sur l’absence d’une « convention d’arbitrage » [27] signée de sa main [28].
Pourtant, la jurisprudence du TFS pourrait être soulevée pour protéger le sportif. Car s’il est admis que celui qui signe un écrit sans se soucier du contenu, doit en règle générale souffrir qu’il lui soit opposé (ATF 76 I 338 JT 1951 I 239 p.6), il est également constant que l’acceptation par la signature d’un texte est admise sous réserve des clauses insolites [29] non applicables à la partie faible ou inexpérimentée (ATF 109 II 452 JT 1984 I 470) [30].
Le Tribunal Fédéral a admis lui-même explicitement le rapport inégalitaire entre un sportif professionnel (partie faible) et une institution sportive (partie forte) [31].

II- La position surprenante du tas quant à l’invalidité de l’offre dans l’affaire CGF v. COC.

Dans l’affaire CGF v. COC, la position du TAS peut surprendre à plus d’un titre dans la mesure où contrairement à l’analyse habituelle du consentement à l’arbitrage qu’il adopte, le TAS alors qu’il existe bel et bien une clause arbitrale renvoyant à la compétence de sa juridiction, recherche désormais pour se déclarer compétent, la volonté réelle de l’offrant (A) et une présentation formelle adéquate (B).

A- La prise en compte de la volonté réelle de l’offrant.

L’article 18 du Code des obligations suisse [32] prévoit qu’en cas d’interprétation d’une stipulation contractuelle, il y’a lieu de rechercher la commune et réelle intention des parties.
Si l’on peut regretter que cet article ne soit pas systématiquement appliqué pour apprécier l’acceptation du sportif dans la convention d’arbitrage, dans le cas d’espèce, le TAS a ardemment recherché si le COC avait eu l’intention de conclure, d’être lié. La juridiction sportive s’est également paradoxalement appuyée sur le « principe of mutual trust », le principe de la confiance pour répondre par la négative. Le TAS, pour apprécier l’offre du COC a recherché ce qu’il voulait réellement.
Pour répondre à l’appelant qui soulève la constante approche libérale du Tribunal Fédéral Suisse (TFS), le TAS est clair : « The Swiss FT has consistenly held that the existence of an arbitration agreement “cannot be admitted too easily” one must look at the intention of the parties… » [33].
Pour conclure que : « the panel believes that the publication on the website doesn’t give evidence that the COC has the intention to be bound to an agreement to arbitrate at CAS in cases… » [34].
Le TAS déduit ce défaut d’intention chez l’intimé en s’appuyant sur le fait, qu’entre autres, le COC conteste justement la compétence du TAS « not least but not only because the COC has expressly challenged such jurisdiction » [35].
Si la contestation de la compétence du TAS est une raison nécessaire pour douter de l’intention à être lié, pourquoi le sportif ne bénéficie généralement pas de ce doute ?
Doit-on en déduire que l’intention d’être lié par une clause d’arbitrage n’est recherchée que lorsqu’il s’agit de l’offre d’une institution sportive. Le sportif quant à lui, se contenterait d’une présomption irréfragable d’acceptation du simple fait de sa connaissance de l’offre voire de son statut. L’analyse de cette sentence nous pousse à le penser et l’application mitigée du principe de la confiance n’est pas pour nous convaincre du contraire.
« The panel will apply the principle of mutual trust » [36]. En Droit Suisse en effet, lorsque le juge ne parvient pas à établir la commune et réelle intention des parties, il lui incombe d’interpréter leurs déclarations et comportements selon la théorie de la confiance.
Il doit rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l’ensemble des circonstances. Sauf qu’en s’appuyant sur le principe de la confiance, il est difficile de comprendre la décision du TAS.
Le TFS a plusieurs fois jugé que le principe de la confiance permet d’imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime [37]. Cette jurisprudence est abondante et constante [38].
Comment le TAS peut-il à la fois analyser à la lumière du « principe de confiance mutuelle » et rechercher jusque dans les moindres détails la volonté intime/l’intention du COC ? Selon le principe de la confiance, l’appelant n’est pas censé connaître l’intention du COC mais se baser sur des déclarations.
Tout porte à croire que si la même fermeté utilisée à l’endroit des sportifs avait été appliquée au COC, ce dernier aurait été lié par sa déclaration sur son site web indépendamment de sa contestation, puisque sa volonté intime/intention n’aurait pas été prise en considération.
Cette décision peut faire naître un sentiment d’insécurité juridique et l’analyse de la forme du consentement n’est pas pour rassurer.

B- La prise en compte de la présentation formelle de l’offre.

L’art 178 LDIP prévoit pour la forme d’une convention d’arbitrage, tout moyen de communication qui permet d’en établir la preuve par un texte….
Alors qu’il y’avait bien l’existence d’un texte en l’espèce, celui-ci manquait d’éléments essentiels selon le TAS et n’était pas soutenu par un échange de documents écrits.
Le TAS déclare en effet “The wording of the publication is clearly incomplete it doesn’t say that “any” decision of the sports arbitration council may be appealed at CAS”. “(…) the panel finds that the publication on the website lacks some essential elements to be recognized as an offer to arbitrate because it is not sufficiently precise as to subject matter”.
En d’autres termes, le TAS affirme que le comportement (l’écrit) du COC manque de précision. Le COC parle de décision et non de « toute décision ». Cette constatation peut choquer quand on sait que le sportif est généralement lié par sa seule signature sans qu’il y’ait de précision à faire sur le fait qu’il accepte « tout » le contenu des statuts ou des règlements.
Le TAS soutient en sus que “Furthermore, there is no exchange of written documents (including data messages) between the parties supporting the appellant’s position regarding a possible arbitration agreement”. Cette exigence n’est généralement pas invoquée lorsque le sportif réfute la compétence du TAS.
Le TFS admet plutôt que le sportif est même lié par la clause arbitrale par référence qu’il s’agisse d’un renvoi spécifique ou d’un renvoi global [39]. Par une simple démarche procédurale, une partie adhère à une clause arbitrale [40]. Le simple fait de renvoyer à un document sans même préciser qu’il contient une clause d’arbitrage lie le sportif.
De plus, le TAS affirme que : “The Panel cannot determine a factual consensus of the parties as to the arbitration clause in dispute either”. S’il n’y a pas comme le dit le TAS d’ « accord de fait », il n’y a pas non plus un désaccord patent qui empêcherait la conclusion du contrat, mais un désaccord latent qui lui, n’empêche pas la conclusion du contrat lorsque le sens que l’une des parties a attribué aux déclarations de son interlocuteur doit être objectivement admis en vertu du principe de confiance (ATF 13 III 35 JT 1997 I 322 p.2) : “As a consequence the panel concludes that there is no evidence of any agreement between the parties as to CAS arbitration”.
Cette décision du TAS sur la validité d’une convention d’arbitrage au regard de l’offre d’une institution sportive nous a ramenés aux principes originels et traditionnels du contrat et il nous apparaît désormais injuste de parler lorsqu’il s’agit de l’acceptation du sportif de consentement forcé, d’arbitrage obligatoire.

Perspectives et conclusion.

S’il a été possible pour le TAS d’analyser minutieusement l’offre du COC, il nous semble indispensable que le TAS fasse la pareille pour le sportif afin que les principes de l’égalité de traitement, de la protection de la confiance légitime, de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, de la sécurité du droit, pour ne citer que ceux-là, ne sonnent pas creux.
Pour cela, il pourrait être possible d’envisager que la clause d’arbitrage puisqu’il s’agit d’un contrat autonome contenu dans un autre contrat, soit considérée comme une clause insolite c’est-à-dire un point essentiel du contrat. Cette clause devrait donc être discutée séparément de l’ensemble des statuts ou règlements par l’organisation sportive et le sportif.
Le TFS lorsqu’il analyse le point essentiel dans un contrat arrive à la conclusion qu’étant donné qu’il s’agit de point essentiel, un accord spécifique devrait avoir lieu. Même dans les contrats soumis à une exigence de forme, on peut, sans respecter celle-ci, réserver un accord ultérieur sur un point essentiel (ATF 127 III 248)
De plus, ce qui est aujourd’hui considérée comme la « connaissance » des règlements et la « non objection » du sportif devrait être considéré comme une prise de connaissance et le silence du sportif étant donné que le silence ne peut être assimilé à une acceptation que si une opposition était possible et raisonnablement acceptable (ATF 14 III 355, traduit au JT 1999 I 394, p.400). Il est indéniable qu’en l’état actuel des choses, le sportif professionnel ne peut faire objection à quoi que ce soit. Le TFS le dit d’ailleurs dans l’affaire Canas sur un ton « humoristique » : tout sportif qui ne veut pas se soumettre à la juridiction arbitrale peut faire du sport dans son jardin ou le regarder à la télévision [41].
Pour qu’il n’en soit pas ainsi, les parties devraient être appelées à négocier un accord spécifique sur la clause d’arbitrage. Accord où l’intérêt supérieur du sportif serait la base de la négociation et la manifestation concordante de la volonté des deux parties, la finalité de la convention.

Florence Ipanda
Avocate aux Barreaux de Paris et du Cameroun
Doctorante en Droit du Sport, Université de Rennes

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Notes de l'article:

[1Giraudoux, La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Collection Classiques du XXᵉ s. Volume 3 : version 1.0, La Bibliothèque électronique du Québec,p.146.

[2P. Lalive, Le Chapitre 12 de la loi fédérale sur le Droit International Privé Suisse, Travaux des journées d’études organisées par le centre du droit de l’entreprise les 9 et 10 Octobre 1987 à Lausanne, Cedidac, 1988. P. 212.

[3Le Chapitre 12 de la LDIP en son article 177 parle de « Toute cause de nature patrimoniale... ».

[4Le chapitre 12 de la LDIP s’applique en l’espèce car il s’agit d’un arbitrage international : Le siège du tribunal arbitral se trouve en Suisse et l’une au moins des parties n’avait ni domicile, ni résidence habituelle en Suisse au moment de la conclusion de la « convention d’arbitrage » (art. 176(1) LDIP).

[5CAS 2012/A/2813 Croatian Golf Federation v. Croatian Olympic Committee, p.13.

[6M. Maisonneuve, Le tribunal Arbitral du Sport et les Droits fondamentaux des athlètes, in RDLF 2017 chron. 09.

[7Généralement les puissantes organisations sportives face aux sportifs ou encore deux institutions sportives dont les rapports sont inégalitaires comme en l’espèce. Les rapports inégalitaires entre ces deux parties ont été reconnus par le Tribunal Fédéral dans un arrêt de 2008, lorsqu’il parle du caractère égalitaire des parties à la procédure d’arbitrage ordinaire comparé aux parties à la procédure d’appel : « Ce différend mettait aux prises des parties placées sur un pied d’égalité (…) leur situation était bien différente sous cet angle du simple sportif professionnel opposé à une puissante fédération internationale ». Arrêt 4A_506/2007 du 20 mars 2008. Consid. 3. 2 ou se référant à l’ ATF 133 III 235 consid. 4. 3. 2. 2.

[8Un Comité National Olympique face à une Fédération Sportive Nationale.

[9CAS 2012/A/2813 Croatian Golf Federation v. Croatian Olympic Committee, p.16.

[10G. De la Bilennerie, Traité général de l’arbitrage, Paris 1827. Il décompose son ouvrage en deux tomes : arbitrage conventionnel et arbitrage forcé.

[11F. Rigaux, Souveraineté des Etats et arbitrage transnational in Etudes Goldman, op.cit.not, p. 262.

[12F.E.Klein, considérations sur l’arbitrage en Droit International Privé, Bâle, 1955, p.35.

[13R.M. Rodman, op. Cit., p. 14.

[14Les décisions qui sous-tendent sa position sont : civ. 2 Août 1943, Gaz. Pal., 1943, II, p. 157 ; 16 Mai 1944, Gaz. Pal., 1944, II, p.66 ; Soc. 25 Juin 1959, Bull. Civ., n° 810 p.648 ; Soc. 6 Juill. 1961, JCP, 1961, II, p. 123.

[15A. Rigozzi, F. Robert-Tissot, La pertinence du « consentement » dans l’arbitrage du Tribunal Arbitral du Sport, in Jurisletter, 16 Juillet 2012, p.9.

[16L’article 186 LDIP permet au TAS de statuer sur sa propre compétence. Il s’agit du principe de « compétence-compétence » reconnu en matière d’arbitrage.

[17Arrêt Canas ATF 133 III 235 du 22 mars 2002 ; lire aussi A. Rigozzi/ F. Robert-Tissot, La pertinence du « consentement » dans l’arbitrage du Tribunal Arbitral du Sport, in Jurisletter, 2012 p.4.

[18Marc Blessing, Introduction to Arbitration-Swiss and International.

[19Perspectives, n°504 ; Philippe Schweizer in RSDIE 2002, p. 58 ; BGer. 4A_ 40/2008 § 6.2. ASA Bull.2009, pp. 544-545 ; translated in Swiss Int’l Arb. L Rep.2009, pp 52-53 (referring, inter alia to BGE 133 III 235 § 4.3.2.3), where the Supreme Court stated that its case law with respect to arbitration agreements by reference is “based on a liberal approach and a bias to formal validity”.

[20TAS 2002/A/431 Union cycliste International (UCI) c. R. et Federation Française de cyclisme (FFC), sentence du 23 Mai 2003.

[21Ibid.

[22Ibid.

[23TFS, 1ʳᵉ ch.civ, Stanley Roberts c/ FIBA, 7 fevrier 2001.

[24Arrêt 4A_460/2008 du 09 janvier 2009 a.c. FIFA et WADA, c.s. 2, Bull. ASA 2009, pp. 540-546, 544-545.

[254A_428/2011 du 13 février 2012, Wickmayer c/ WADA.

[26A. Rigozzi, suscité, p.313.

[27Les guillemets ont été ajoutés par nous parce que nous considérons qu’il ne s’agit pas d’une convention d’arbitrage mais d’une offre d’arbitrage qui se trouve dans les statuts et règlements.

[28TAS 200/A/431 Union Cycliste Internationale (UCI) / R. et FFC, sentence du 23 mai 2003.

[29Point essentiel dans un contrat à la différence d’une simple clause de style.

[30On tiendra compte du fait qu’une partie est faible ou inexpérimentée pour la protéger (ATF 109 II 452 JT 1984 I 470 ; ATF 129 III 702 JT 004 I 535).

[31Arrêt 4A_506/2007 du 20 mars 2008, consid. 3.2 se référant à l’ATF 133 III 235 consid 4.3.2.2.

[32Code des obligations : Loi fédérale du 30 Mars 1911 complétant le Code civil suisse. 5eme livre du Code civil suisse du 10 Décembre 1907 entré en vigueur le 1er Janvier 1912.

[33Décision suscitée, p.11.

[34Ibid. p.15.

[35Ibid, p.10

[36CAS CGF v. COC.p.13.

[37TF4A_476/2011 du 11 novembre 2011 consid. 3.2.10, SJ 2010 I 237 ; ATF 131 III 606 consid.4.2, rés. In JDT 2006/126.

[38Lorsqu’elle est établie, la réelle et commune intention des parties ne laisse plus place à l’interprétation selon le principe de confiance (ATF 128 III 419, ATF 127 III 444, ATF 123 III 35 JT 1997 I 322, ATF 111 II 284, ATF 106 II 226 JT 1981 I 276, ATF 105 II 16 JT 1979 I 484).

[39« N’est pas recevable à soutenir qu’une convention d’arbitrage découlant d’un renvoi global ne le lie pas celui qui, connaissant déjà l’existence de la clause compromissoire le jour où il signe le document qui y renvoie et satisfait par là même à l’existence de la forme écrite, n’élève pas d’objection à l’encontre d’une telle clause… ».

[40Arrêt 4C.40/2003 du 19 mai 2003, consid 4 ; arrêt 4P 230/2000 du 07 février 2001 consid.2 traduit in RSDIE 2002 p. 585 et s.

[4141ATF 133 III 235 consid. 4. 3. 2. 2 :Dans l’alternative de se soumettre à une juridiction arbitrale ou de pratiquer son sport dans son jardin en regardant les compétitions à la télévision, l’athlète qui souhaite affronter de véritables concurrents ou qui doit le faire parce que c’est là son unique source de revenus sera contraint, dans les faits, d’opter nolens volens pour le premier terme de cette alternative. Pris dans A. Rigozzi, op.cit.

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