La question de la nécessité de nommer la violence avec des mots du droit se pose après chaque évènement qui dérègle l’équilibre social de manière brutale et tragique. Les juristes et les non-juristes s’emparent alors des termes juridiques existants, ou bien en créent de nouveaux, dans des contextes souvent chargés émotionnellement ; les faux-pas sont de mise, alors que le danger de l’idéologisation guète.
I. Comment définir la violence, un phénomène si protéiforme, juridique, psychologique, et social ?
Le dictionnaire de l’Académie française [1] définit la violence d’abord comme « impétuosité, force non contenue », la mettant en lien avec la nature (« la violence des vents, de la tempête »), la douleur physique (« la violence du mal, de la douleur »), les émotions (« la violence de son humeur, de son caractère, la violence des passions »), les mots (« la violence de ses paroles, de son discours »). Ensuite, le droit est indiqué comme domaine de prédilection pour ce nom commun : « Il désigne absolument la Force dont on use contre le droit commun, contre les lois, contre la liberté publique ».
Ces exemples ne manquent pas de rappeler l’ouvrage de Hannah Arendt, Du mensonge à la violence [2], les paroles pouvant être source de violence pour l’individu et pour la société.
Dérivé de l’adjectif latin "violentus", construit à partir du substantif "vis", force, aux sens ambigus d’énergie, valeur, vertu, et, du côté négatif, acte de violence, attaque, orgueil, calamité, le mot « violence » est un terme qui appartient à plusieurs domaines de spécialité, parmi lesquels le juridique, le politique et le psychologique apparaissent comme essentiels dans l’organisation de la vie dans la polis.
Politiquement, les rapports entretenus par la violence avec la raison et l’émotion, dans l’organisation de la vie dans la cité, sont expliqués par H. Arendt en termes d’objectifs à atteindre, inscrits dans la durée et qui visent la construction d’une image sensationnelle et l’attraction de l’attention des destinataires, tout comme une publicité qui fait appel aux émotions pour capter l’attention du client : « La violence, instrumentale par sa nature même, est rationnelle dans la mesure où elle atteint le but qu’elle s’était fixé et qui doit la justifier.
Or, du fait que nous ne pouvons jamais prévoir avec certitude les conséquences finales de nos actes, la violence ne saurait être rationnelle que si elle se fixe des objectifs à très court terme. La violence est incapable de soutenir des causes, de conduire la marche de l’histoire, de promouvoir la révolution, de défendre le progrès ou la réaction ; mais par la dramatisation des griefs, elle sollicite très vivement l’attention du public » (Arendt 1972:179) [3].
Sommaire.
I. Comment définir la violence, un phénomène si protéiforme, juridique, psychologique, et social ?
II. Des mots pour réparer, des termes juridiques pour rééquilibrer une société
III. La terminologie juridique à l’épreuve de la violence actuelle
IV. Analyse de quelques termes juridiques et non-juridiques récurrents
V. Le silence, le non-dit, le peu-dit
VI. Les défis de la traduction juridique
VII. L’émotion discursive à l’épreuve du temps
VIII. Conclusion : un monde en quête de mots
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