Présentation linguistique du terme « otage ».
Le terme « otage » a connu une longue évolution dans le temps. Ses connotations ont changé aussi : au XIe siècle l’expression « prendre en ostage » signifiait « héberger ». Le terme même « otage » avait eu le sens « logement, demeure » pour ensuite désigner la personne prise en otage [1].
Aujourd’hui, la charge affective de ce terme est exclusivement négative, comme le montrent les définitions données par l’Académie française :
« 1. Personne qu’une armée, un gouvernement livre à la partie adverse ou détient, en garantie de l’exécution d’un traité, d’une promesse, etc. 2. Personne, choisie en général arbitrairement, que des individus détiennent de force et menacent de tuer, pour contraindre une collectivité, un État à céder à leurs exigences » [2].
C’est un mot qui s’emploie toujours au masculin et qui n’a pas de forme spécifique pour le féminin.
Le nom commun anglais « hostage » est attesté en anglais depuis le XIIIe siècle ; il provient de l’ancien français « ostage, hostage » avec des sens qui vont de la gentillesse et l’hospitalité à personne donnée comme garantie ou otage, en passant par les sens de logement, loyer, tribut, compensation, garantie, caution (« kindness, hospitality ; residence, dwelling ; rent, tribute ; compensation ; guarantee, pledge, bail ; person given as security or hostage », cf. Etymonline) [3].
Pour traduire le terme « otages » en hébreu, il existe deux équivalents : le premier est בני ערובה, bné aruba, littéralement traduit par « fils de la garantie », employé avec le sens propre de personnes retenues contre leur volonté en vue d’un échange ou d’une récompense financière ou politique, et avec le sens figuré de chantage, pression ; le second est חטופים, hatoufim, qui signifie « enlevés, kidnappés », de חטפ, hataf, prendre, enlever par la force, et qui met en lumière l’aspect moral de l’enlèvement de personnes. La spécialisation de ces deux termes en dit long sur la tragique série d’enlèvements subis par les Israéliens depuis la création de l’État d’Israël en 1948 suite à la Résolution 181 de l’ONU le 29 novembre 1947, et plus particulièrement depuis l’avènement de l’organisation terroriste du Hamas. Les vidéos des démonstrations de joie dans les rues par les civils palestiniens célébrant l’enlèvement des trois adolescents israéliens en Judée-Samarie le 12 juin 2014 ont fait le tour du monde, mettant en lumière l’expression du support des civils pour cet enlèvement et leurs appels à d’autres enlèvements des Juifs israéliens [4].
Il est intéressant d’observer que les dictionnaires français ne présentent pas le mot « otage » comme un terme de spécialité, sans faire aucune référence à son appartenance au domaine juridique. De l’autre côté de l’océan, dans le Grand dictionnaire terminologique, les linguistes canadiens citent pourtant l’Académie nationale de médecine (France) qui, en 2016, avait situé ce terme dans les domaines de spécialité « droit, droit pénal et criminel, criminologie » [5]. La définition donnée dans le dictionnaire canadien met en avant la brutalité, le danger et la violence psychologique qui caractérisent ce terme-concept : « Personne impliquée brutalement, au péril de sa liberté, parfois de sa vie et toujours contre son gré, dans un processus de pression sur un groupe social ou politique pour obtenir une satisfaction d’ordre politique, religieux ou criminel ».
Les notes qui complètent l’entrée de dictionnaire mettent en avant les caractéristiques sémantiques psychologiques [6] et approfondissent la description de la charge affective de ce terme à multiple appartenance retrouvé dans les langages de spécialité juridiques, médicaux, psychologiques, politiques, journalistiques, économiques, etc. :
« Cette situation de stress extrême avec effondrement brutal du mythe d’invulnérabilité peut provoquer des réactions émotionnelles intenses durant et après la prise d’otage, parfois organisées de façon apparemment paradoxale (syndrome de Stockholm). Même en l’absence de traumatisme physique, un tel traumatisme psychique peut entraîner des séquelles psychotraumatiques à distance. Souvent pratiquée en groupe, la verbalisation précoce (debriefing) par les otages libérés des faits les plus marquants vécus au cours de leur séquestration est considérée comme très utile sur les manifestations initiales, facilitant aussi le traitement des états aigus et contribuant à prévenir la chronicité ».
La presse s’intéresse depuis quelques années au sens juridique de ce terme, comme, par exemple, FranceInfo, qui se demandait « En droit, qu’est-ce qu’un otage ? » le 31 décembre 2013 [7], après la libération de plusieurs otages français qui travaillaient dans de grandes entreprises comme Areva ou Vinci avant leur enlèvement. En France, deux associations, la Fédération Nationale des Victimes d’Attentats et d’Accidents Collectifs (FENVAC) et Otages du Monde, avaient joint leurs efforts « pour ensemble accueillir les otages et leurs proches et travailler à l’amélioration de leur prise en charge, dans toutes ses dimensions » [8]. L’association « Otages du Monde » avait été créée par Jean-Louis Nomandin, grand reporter, lui-même otage au Liban de 1986 à 1987.
Depuis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 commise par l’organisation terroriste du Hamas contre des civils israéliens sur le territoire de l’État d’Israël lors de laquelle les terroristes du Hamas ont assassiné, violé, torturé, mutilé, brûlé vifs 1 200 civils et ont enlevé plus de 200 personnes parmi lesquels un grand nombre de femmes, d’enfants et de personnes âgées [9] le terme « otage » a fait la une des journaux à maintes reprises, étant intégré dans le champ sémantique des atrocités, de la brutalité, de la violence extrême, des actes inhumains.
Analyse des textes juridiques français - Légifrance.
Une recherche sur Légifrance montre la présence du terme « otage » dans les textes juridiques français comme suit : jurisprudence constitutionnelle (2), CNIL (2), Codes (5), accords de branches et conventions collectives (5), textes consolidés (11), circulaires et instructions (18), accords d’entreprise (28, dont 14 occurrences sont dans des noms de rues), Journal officiel (95), jurisprudence administrative (113 dont 4 occurrences sont dans des noms de rues), jurisprudence judiciaire (536).
Codes.
Le terme « otage » est présent dans les Codes de lois français. Ainsi, ce terme fait partie du Code pénal (Article 224-4) :
« Si la personne arrêtée, enlevée, détenue ou séquestrée l’a été comme otage soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité de l’auteur ou du complice d’un crime ou d’un délit, soit pour obtenir l’exécution d’un ordre ou d’une condition, notamment le versement d’une rançon, l’infraction prévue par l’article 224-1 est punie de trente ans de réclusion criminelle. Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à cette infraction. Sauf dans les cas prévus à l’article 224-2, la peine est de dix ans d’emprisonnement si la personne prise en otage dans les conditions définies au premier alinéa est libérée volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de son appréhension, sans que l’ordre ou la condition ait été exécuté ».
Le terme « otage » est employé dans le Code de procédure pénale : article 698-2 (« action civile en réparation du dommage »… « la libération d’otages »), article 695-55 (« la remise d’une personne est exécutée sans contrôle de la double incrimination des faits reprochés lorsque les agissements considérés sont, aux termes de la loi de l’Etat non membre de l’Union européenne, punis d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à douze mois d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée similaire et entrent dans l’une des catégories d’infractions suivantes : … 5° Enlèvement, séquestration ou prise d’otage »), article 694-32 (« Les catégories d’infractions pour lesquelles une décision d’enquête ne peut être refusée en application du 8° de l’article 694-31 sont les suivantes :… 16° Enlèvement, séquestration et prise d’otage »).
Le terme « otage » apparaît dans le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre : article L511-2 (« Les dispositions du présent chapitre… ont également applicables aux personnes étrangères exécutées ou tuées sur le territoire national en qualité d’otages »), article L511-1 (La mention « Mort pour la France » est apposée, sur avis favorable de l’autorité mentionnée au dernier alinéa, sur l’acte de décès :… 6° D’un otage, d’une personne requise par l’ennemi, d’un déporté, exécutés par l’ennemi ou décédés en pays ennemi ou occupé par l’ennemi des suites de blessures, de mauvais traitements, de maladies contractées ou aggravées ou d’accidents du travail survenus du fait de leur captivité ou de leur déportation »).
Il est présent dans le texte de l’article L4123-12 du Code de la défense :
« II. - N’est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris les actions numériques, la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre, lorsque cela est nécessaire à l’exercice de sa mission ».
Le terme « otage » est mentionné dans le Code de la justice pénale des mineurs à l’article R634-1 : « Les données concernant la personne mineure mise en cause sont conservées cinq ans. Par dérogation, elles sont conservées : … 2° Vingt ans lorsque la personne est mise en cause pour l’une des infractions mentionnées ci-dessous :… enlèvement, séquestration, prise d’otage ».
Textes législatifs.
Le terme « otage » est présent aussi dans des textes législatifs, comme, par exemple : la loi n° 2000-331 du 14 avril 2000 autorisant l’adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d’otages, le décret n° 2000-724 du 25 juillet 2000 portant publication de la Convention internationale contre la prise d’otages, faite à New York le 17 décembre 1979, la loi n°71-553 du 9 juillet 1971 relative aux prises d’otages et aux enlèvements de mineurs.
Dans la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France (rectificatif), une modification linguistique est apportée :
« Rectificatif au Journal officiel du 6 août 2013, édition électronique, texte n° 4, et édition papier, page 13351, deuxième colonne, au cinquième alinéa : Au lieu de : « ...prise d’otage(s) », Lire : « ...prise d’otage ».
Convention internationale contre la prise d’otages, New York, le 17 décembre 1979.
Le terme « otage » est présent dans la traduction en français d’un texte juridique international, à savoir la Convention internationale contre la prise d’otages faite à New York le 17 décembre 1979 et ratifiée par la France le 9 juin 2000 qui définit « les actes de prise d’otages en tant que manifestations du terrorisme international » tout en précisant :
« 1. Commet l’infraction de prise d’otages au sens de la présente Convention, quiconque s’empare d’une personne (ci-après dénommée « otage »), ou la détient et menace de la tuer, de la blesser ou de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce partie, à savoir un État, une organisation internationale intergouvernementale, une personne physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la libération de l’otage » (Article 1er).
La Convention incrimine également la tentative de prise d’otage et la complicité :
« 2. Commet également une infraction aux fins de la présente Convention, quiconque :
a) Tente de commettre un acte de prise d’otages ou
b) Se rend complice d’une personne qui commet ou tente de commettre un acte de prise d’otages » (Article 1er).
La même Convention affirme la responsabilité de l’État sur le territoire duquel se trouve l’otage :
« 1. L’État partie sur le territoire duquel l’otage est détenu par l’auteur de l’infraction prend toutes mesures qu’il juge appropriées pour améliorer le sort de l’otage, notamment pour assurer sa libération et, au besoin, faciliter son départ après sa libération » (Article 3).
L’article 4 de la Convention affirme la responsabilité des États parties dans la prévention des prises d’otages :
« a) En prenant toutes les mesures possibles afin de prévenir la préparation, sur leurs territoires respectifs, de ces infractions destinées à être commises à l’intérieur ou en dehors de leur territoire, y compris des mesures tendant à interdire sur leur territoire les activités illégales des individus, des groupes et des organisations qui encouragent, fomentent, organisent ou commettent des actes de prise d’otages ».
En outre, l’article 5 de la Convention précise la responsabilité des États parties dans la protection des otages :
1. Tout État partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions prévues à l’article 1er, qui sont commises :
d) A l’encontre d’un otage qui est ressortissant de cet État lorsque ce dernier le juge approprié.
L’article 6 explique la responsabilité des États parties de placer en détention et d’engager des poursuites pénales ou d’extradition contre l’auteur présumés des prises d’otages :
« 1. S’il estime que les circonstances le justifient, tout État partie sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé de l’infraction assure, conformément à sa législation, la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures nécessaires pour s’assurer de sa personne, pendant le délai nécessaire à l’engagement de poursuites pénales ou d’une procédure d’extradition. Cet État partie devra procéder immédiatement à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits ».
La déclaration de la France met en avant l’interdiction de la prise d’otages en toute circonstance, ainsi que son refus de l’extradition si l’auteur présumé de nationalité étrangère risque la peine capitale, sous condition de recevoir des assurances que la peine capitale ne sera pas exécutée.
CNIL.
Les textes de la CNIL qui emploient le terme « otage » ont comme objet « le retentissement psychologique et social des attentats terroristes sur les personnes exposées et l’étude du type de prise en charge ou de soutien auquel elles ont pu avoir accès à la suite des événements » et mettent en lumière des aspects psycho-affectifs [10]. Le terme « otage » est utilisé dans le texte de la Délibération n° 2015-154 du 21 mai 2015 autorisant l’Institut de veille sanitaire (InVS) à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité une enquête visant à estimer l’impact psycho-traumatique et décrire les trajectoires de soins et d’accompagnement à la suite des attentats de janvier 2015 en Ile-de-France, intitulée « IMPACTS » (CNIL) [11], ainsi que dans la Délibération n° 2017-275 du 12 octobre 2017 autorisant l’Agence nationale de santé publique à mettre en œuvre la modification d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à l’enquête « IMPACTS » et abrogeant les délibérations n°2015-154 du 21 mai 2015 et n°2016-209 du 7 juillet 2016 (demande d’autorisation n° 915262v3) : « La population visée par l’enquête IMPACT 1 est estimée à environ 1 000 personnes réparties en quatre groupes : groupe 1 : les victimes (blessés, otages) et témoins directement menacés ou présents physiquement sur les lieux des événements ».
Accords d’entreprise.
Dans la catégorie « accords d’entreprise », le terme « otage » est utilisé dans l’Accord sur les déplacements en France Métropolitaine et hors France Métropolitaine au chapitre « Rapatriement », sous-partie « Guerre civile ou étrangère, épidémie, prise d’otages » : « En cas de prise d’otage et sous réserve que sa prise d’otage ne soit pas due au non-respect clairement démontré des consignes de sécurité, le salaire de base mensuel contractuel en France lui sera versé chaque mois ».
Le terme « otage » peut être aussi employé avec un sens figuré, avec une forte charge émotionnelle, relevant du chantage et d’une pression forte, qui garde le sème [12], comme cela apparaît dans l’Accord du 28 décembre 1994 relatif au champ de compétence de l’OPCA « Transports » : « Ces processus vont s’accentuer par une politique libérale de rentabilité à outrance et de circulation de plus en plus rapide des productions au détriment des salariés otages d’un patronat casseur de social ».
Le même sens figuré apparaît dans le texte de l’Accord d’entreprise portant sur les négociations obligatoires 2017-2019 entre le Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon et les syndicats : « Considérant que de nombreuses IDE de l’établissement se sentent « prises » en otage par un conseil de l’ordre nouveau et dont elles ne comprennent pas l’utilité ». A noter les guillemets qui encadrent le participe passé féminin et non le substantif « otage », comme l’on s’y serait attendu.
Circulaires et d’instructions.
Les textes des circulaires et d’instructions portent sur la gestion des situations de crise par les forces armées, la prise en charge des victimes d’actes de terrorisme, le traitement judiciaire des évasions, les mesures de sécurisation dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, la convention Alerte enlèvement, l’attribution du titre de prisonnier du Viet-Minh. Dans ces textes, le terme « otage » est retrouvé dans les collocations « otage civil », « retenus en otage », « libération d’otages », « prise d’otage ».
A remarquer l’usage figuré du terme « otage » appliqué à des données et non pas à des personnes, dans le texte de l’Instruction N° SG/HFDS/DGCS/2017/219 du 4 juillet 2017 relative aux mesures de sécurisation dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux : « des systèmes d’information se retrouvent accessibles depuis Internet, par de simples requêtes à travers des moteurs de recherche tels que Google, Yahoo, Bing… Ils sont souvent disponibles sur Internet soit par erreur, soit après avoir été confiés à des fournisseurs de services dont la sécurité est défaillante.
Ces incidents se traduisent par une médiatisation dommageable pour l’ensemble du secteur social et médico-social ; sans préjudice d’éventuelles poursuites pénales engagées par les usagers qui en sont victimes ; l’installation de logiciels informatiques malveillants, prennent en otage les données » (p.9).
Jurisprudence administrative.
Dans les textes de la jurisprudence administrative les expressions contenant le terme « otage » utilisent le sens principal du terme : « l’exécution d’otages », « détention arbitraire d’otage », « personnes retenues en otage », « prise d’otage », « libération d’otages », « prendre en otage », « détention arbitraire d’otage », « séquestration d’otages », « otages retenus », « en prenant en otage ».
Jurisprudence judiciaire.
Dans le corpus de la jurisprudence judiciaire, le plus fourni parmi les catégories répertoriées sur Légifrance, le terme « otage » apparaît majoritairement dans des structures qui montrent l’infraction seule ou conjointement à d’autres infractions : « séquestration d’une personne comme otage », « les faits de prise d’otage », « la victime a été arrêtée, enlevée, détenue ou séquestrée comme otage », « séquestration arbitraire d’otages », « séquestration d’une personne comme otage », « détenus ou séquestrés comme otages », « séquestration des otages », « séquestration de personnes en qualité d’otages », « la circonstance aggravante de prise d’otages », « la circonstance de prise d’otage », « séquestration ou détention arbitraire d’otage », « le preneur d’otages », « avoir volontairement libéré l’otage », « détention ou séquestration, comme otage, de la victime », « prise d’otage pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité », « arrestation et séquestration illégales avec prise d’otage », « séquestration en bande organisée de personnes comme otages », « mis en cause dans une affaire de prise d’otage commise en bande organisée », « les otages libérés », « les conditions de la prise d’otage », « séquestration aggravée par une prise d’otage », « retenue en otage », « une agression suivie de prise d’otage », « tentative de vol avec arme suivie de prise d’otages », « la circonstance aggravante de la mort de l’otage », « arrestations et séquestrations de personnes prises en qualité d’otages », « vol avec arme précédé d’une prise d’otage », « la peine de mort pour prise d’otages avec menaces de mort et complicité d’assassinats », « tortures et des exécutions sommaires de résistants, d’otages », « otages qui ont été fusillés », « l’exécution à Rillieux, le 29 juin 1944, de sept otages juifs », « vol aggravé par port d’arme et de séquestration d’otages », « étrangler leur otage », « séquestrations et arrestations illégales de personnes prises en otages », « faux et usage, atteintes aux droits civiques et prises d’otages », « négocier le sort des otages », « sauver les otages », « la menace de chantage avec prise d’otage », etc.
Dans une moindre mesure, le terme « otage » est présent avec des sens figurés, portant sur la sensibilité et la subjectivité des personnes et dotés de charges émotionnelles importantes, dans plusieurs domaines juridiques, comme suit :
- droit de la famille, protection de l’enfant : « l’enfant était devenue l’otage de la situation familiale et que le père mettait une pression intolérable » (Cour d’appel de Limoges, 17 décembre 2012, 12/00054) ; « Attendu que cette décision a été rendue aux motifs que les conflits parentaux perduraient, que les trois mineurs étaient pris en otage » (Cour d’appel de Limoges, 29 mars 2016, 15/00112) ; « la mère prend en otages les enfants pour les séparer du père » (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 novembre 2015, 14-83.802), « Clara est placée au centre du contentieux parental, dont elle est l’otage, ce qui ne peut que faire naître chez elle un douloureux conflit de loyauté » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 novembre 2011, 10-26.271), « le conflit parental demeure exacerbé et continue de prendre les enfants en otage » ( Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 septembre 2017) ;
- droit du travail : « s’abstenir de prendre les salariés en otage du conflit » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 décembre 2016), « prenant les salariés en otage » (Cour d’appel de Riom, CT0193, du 12 septembre 2006), « devenir l’otage d’une entreprise de sous-traitance aux pratiques discutables » (Cour d’appel d’Orléans, 27 mai 2008, 07/01853) ;
- droit successoral : « se disant otages de leur frère du fait de sa qualité de légataire universel qui empêche tout règlement de la succession » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 octobre 2019, 18-23.409) ;
- droit financier : « otage financier en Lybie » (Cour de cassation, Chambre sociale, du 20 mars 1990, 87-43.818) ;
- droit immobilier : « otages des bailleurs » (Cour d’appel de Basse-Terre, 18 septembre 2006, 03/00456) ;
- extorsion : « extorsion de fonds avec prise en otage de sa famille » (Cour d’appel de Bastia, 18 mai 2016, 14/00734) ;
-* diffamation publique : « prise d’otage comme du temps de l’occupation hitlérienne » (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 mai 1982).
« Otage », un terme juridique invisibilisé ou banalisé par l’attention médiatique ?
Dans un contexte marqué par des volontés idéologiques visant la redéfinition des mots et le remodelage des perceptions publiques, la question de la perception, par les professionnels du droit et d’autres domaines ainsi que par la société en général, du terme juridique « otages » se pose, dans un environnement discursif qui reste très chargé émotionnellement depuis les atrocités commises par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 dans les kibboutzim israéliens et au festival de musique de Nova.
Le 27 novembre 2023 le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères faisait usage du terme juridique « otage » dans un discours diplomatique et politique à forte charge affective qui annonçait : « La France se réjouit de la libération de trois de ses enfants aujourd’hui : Eitan, Erez et Sahar, lâchement pris en otage et enfin libres. Ils sont à cet instant en sécurité en Israël. Nous partageons le soulagement de leurs familles et de tous ceux qui se sont mobilisés pour leur liberté. La France salue les efforts de médiation de l’Égypte et du CICR, comme du Qatar pour son rôle décisif. La libération des Français otages dans la bande de Gaza est une priorité absolue, et nous travaillons sans relâche pour atteindre cet objectif. Cinq de nos compatriotes sont encore portés disparus à cette heure. Ils peuvent compter sur la France » [13].
Le 7 février 2024 France Culture employait le terme juridique « otage » dans un texte journalistique chargé émotionnellement, déplorant la réaction tardive de la France pour commémorer les victimes du terrorisme islamiste en Israël le 7 octobre 2023 restées encore peu connues dans l’Hexagone [14].
Le 12 avril 2024 Marianne utilisait le terme juridique « otages » au pluriel dans un article sobrement émotionnel et titrait : « Otages français à Gaza, les grands oubliés. La place accordée dans le débat public aux ressortissants français retenus par le Hamas depuis 6 mois apparaît discrète sinon inexistante. Autopsie d’un malaise » [15], tout en dressant le portrait d’une société française ignorante de ses victimes tombées dans les mains des terroristes de Gaza le 7 octobre 2023 [16].
« Otage » est redevenu un terme juridique d’actualité par le discours médiatique le samedi 8 juin 2024 lorsque la presse internationale publia maints articles sur l’opération de sauvetage, par les forces armées israéliennes, de quatre otages enlevés par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 lors du festival de musique Nova. Les articles expliquaient le fait que les quatre otages étaient détenus dans les habitations des civiles gazaouis [17] au centre du camp de réfugiés de Nuseirat, bien connu par les organisations internationales présentes à Gaza : UNRWA [18], Croix-Rouge [19], Unicef [20]. Le terme juridique « otage » faisait la une et rentrait, une fois de plus, avec beaucoup d’émotion, dans le quotidien de millions de lecteurs.
Conclusion.
A la lumière de cette analyse, il apparaît que les textes juridiques utilisent majoritairement le terme « otage » avec son sens de droit pénal définissant une « personne livrée ou reçue comme garantie, ou qu’on détient pour obtenir ce qu’on exige » (Le Robert). Moins souvent le terme s’applique aux objets (« données ») ou est employé avec son sens figuré de « chantage » ou « pression ». Le terme « otage » n’est pas banalisé dans les textes juridiques étudiés.
La responsabilité pour l’invisibilisation de la question des otages français enlevés par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, soulevée par certains médias, n’est, ainsi, pas du côté du discours juridique ni de sa terminologie. Dans notre société réticulaire et surmédiatisée, une analyse du discours médiatique après les attaques terroristes en Israël le 7 octobre 2023 apparaît aujourd’hui nécessaire afin de déceler les limites de l’importance accordée à ce sujet et l’impact de cette limitation sur l’opinion publique en France.
Une autre recherche qui pourrait s’avérer utile serait l’étude des discours politiques sur la question des otages, et qui gagnerait à être croisée avec une analyse des discours des organisations internationales sur le même sujet. Les réponses contribueront sans doute à la construction de notre vivre-ensemble dans l’esprit des valeurs républicaines.