Extrait de : Procédure pénale

Le déroulement de la garde à vue.

Par Sarah Saldmann, Avocat.

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Explorer : # garde à vue # droits des personnes # durée de la garde à vue # fin de la garde à vue

La garde à vue est une mesure privative de liberté qui est encadrée par des conditions strictement définies. Chaque personne placée en garde à vue bénéficie de droits. Il est donc important de les connaître et de savoir quelles sont les suites envisageables à l’issue de cette mesure.

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1) Les conditions de placement d’une personne en garde à vue.

Les conditions permettant de placer une personne en garde à vue sont strictement définies. Cette mesure est réservée uniquement aux crimes et délits qui sont passibles d’une peine d’emprisonnement. Cela exclut de facto les contraventions, quelle que soit leur classe.

L’article 62-2 du Code de procédure pénale précise en outre les conditions tenant à l’auteur de l’infraction puisque la garde à vue ne peut s’appliquer qu’à une personne à l’encontre de laquelle «  il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement  ».

Concernant le placement en garde à vue en tant que tel, il est décidé par l’officier de police judiciaire sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Il a la possibilité de le faire soit d’office soit sur instruction du procureur de la République.

L’officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen et dès le début de la mesure, du placement en garde à vue de la personne concernée.

2) Les droits d’une personne placée en garde à vue.

La personne placée en garde à vue a des droits pendant toute la durée de la mesure. Ces droits ont d’ailleurs été accrus au cours des dernières années.

Tout d’abord, la personne placée en garde à vue doit être informée immédiatement et dans une langue qu’elle comprend, de la notification de ses droits par l’officier de police judiciaire. Il est donc nécessaire qu’une personne ne parlant pas français soit assistée de la présence d’un interprète pendant cette notification. De même, si la personne en garde à vue est malentendante ou malvoyante, un interprète capable de communiquer avec elle doit assister l’individu concerné (article 63-1 du Code de procédure pénale : « Si la personne est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité ».

La notification des droits comprend l’information au gardé à vue « 1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;
2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue
 » (article 63-1 du Code de procédure pénale).

Parmi les autres droits de la personne gardée à vue, il y a, depuis la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, l’assistance effective d’un avocat dès le début de la mesure. La personne en garde à vue peut soit demander à appeler un avocat qu’elle connaît soit demander à être assistée par un avocat commis d’office, dans cette seconde hypothèse, elle ne peut pas le choisir. La famille du gardé à vue peut aussi lui désigner un avocat de son choix.

L’avocat et le gardé à vue peuvent s’entretenir confidentiellement pendant trente minutes (par tranche de 24 heures, donc par prolongation) dans un local prévu à cet effet. L’avocat n’a pas accès au dossier pénal mais peut consulter le procès-verbal de notification des droits ainsi que le certificat médical. Durant les auditions, l’avocat ne peut pas intervenir mais, à la fin, il peut formuler des observations – écrites ou orales – mais aussi poser des questions à son client et relire avec lui les procès-verbaux. Outre l’aspect juridique, la présence de l’avocat est un soutien essentiel pour son Client, qui n’a plus de lien avec l’extérieur et qui subit une mesure privative de liberté souvent très déroutante. Précisons que l’avocat ne peut pas révéler des informations à la famille de son Client pendant la durée de la mesure de garde à vue.

Il y a également le droit de faire appeler un proche ou son employeur. En effet, l’article 63-2 du Code de procédure pénale dispose : « Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et soeurs ou son curateur ou son tuteur de la mesure dont elle est l’objet. Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays  ». Cela signifie que ce n’est pas la personne placée en garde à vue qui passe l’appel mais qu’elle peut demander à faire passer un appel pour faire prévenir ses proches et/ou son employeur.

La personne en garde à vue peut aussi demander à être examinée par un médecin, qu’elle ne peut pas choisir elle-même. L’examen médical doit avoir lieu dans une pièce permettant le respect de la dignité de la personne ainsi que du secret médical. Par conséquent, l’examen médical doit se dérouler à huis-clos et sans écoute extérieure. Cet examen a pour objet de vérifier si l’état de santé de l’individu en garde à vue est compatible avec la mesure. Le certificat médical délivré par le médecin est versé au dossier pénal. Ce document peut être consulté par l’avocat qui assiste la personne gardée à vue. Précisons que seul un médecin peut procéder à une fouille dans le corps (à la différence de la palpation manuelle avec ou sans détection électronique et de la fouille intégrale).

La personne gardée à vue doit être informée de son droit au silence. Ce droit est d’une importance cardinale puisqu’il signifie que l’on a le droit de ne pas répondre aux questions. En pratique, il s’agit du droit de ne pas s’auto-incriminer.

Si les droits du gardé à vue sont en augmentation, ce propos doit être nuancé puisque la loi du 23 mars 2019 de réforme pour la Justice a ajouté certaines modifications relatives au régime de la garde à vue avec notamment la présentation facultative de la personne en garde à vue devant le juge d’instruction ou le procureur de la République en cas de prolongation de la mesure. Avant cette loi, ce n’était pas facultatif mais obligatoire.

Pendant la garde à vue, des auditions ont lieu, chacune donne lieu à la rédaction d’un procès-verbal qu’il est important de relire attentivement. En cas de dissension entre les dires de la personne en garde à vue et le procès-verbal, celle-ci peut refuser de signer et des observations peuvent être ajoutées. Des confrontations peuvent également avoir lieu, un procès-verbal sera aussi rédigé.

3) La durée de la garde à vue.

Le principe est qu’une garde à vue a une durée de 24 heures. Elle peut être prolongée à nouveau de 24 heures (soit 48 heures en tout) sous certaines conditions précises et déterminées. À ce titre, l’article 63 II du Code de procédure pénale dispose : « Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l’infraction que la personne est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 ou de permettre, dans les cas où il n’existe pas dans le tribunal de locaux relevant de l’article 803-3, la présentation de la personne devant l’autorité judiciaire  ».

Les prolongations au-delà de 48 heures sont des dérogations légales prévues pour des infractions déterminées. Ainsi, une garde à vue peut durer 96 heures (quatre jours), par exemple, pour les trafics de stupéfiants ou encore en cas de «  crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l’article 221-4 du code pénal » . La garde à vue peut être prolongée jusqu’à 144 heures maximum (ce qui représente une durée de six jours) en matière de terrorisme .

4) La fin de la garde à vue.

À la fin de la garde à vue, soit la personne est libre soit elle est déférée. Il convient dès lors de distinguer ces deux hypothèses.

- La personne ressort libre de sa garde à vue.

Schématiquement, si la personne sort libre de garde à vue, trois possibilités existent : soit il y a un classement sans suite (il s’agit d’une décision du procureur de la République de ne pas poursuivre la personne qui a effectué la garde à vue), soit la personne reçoit une convocation par officier de police judiciaire (appelée une « COPJ ») ou la personne est convoquée à une médiation pénale, une composition pénale ou encore à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (appelée « CRPC »).

- La personne est déférée à l’issue de sa garde à vue.

Le déferrement peut avoir lieu soit devant le procureur de la République soit devant le juge d’instruction. Ce déferrement doit nécessairement avoir lieu le même jour que la fin de la garde à vue, conformément à l’article 803-2 du Code de procédure pénale.

Si le déferrement a lieu devant le procureur de la République, ce dernier dispose de l’opportunité des poursuites. Il peut tant classer l’affaire sans suite qu’opter pour des mesures dites alternatives comme une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Le procureur de la République peut aussi décider d’une procédure de comparution immédiate (applicable uniquement pour les délits punis d’au moins deux ans d’emprisonnement/ six mois en cas de flagrance) ou renvoyer le prévenu pour qu’il soit jugé entre deux et six semaines devant le tribunal correctionnel. Précisons qu’en cas de comparution immédiate, le prévenu peut demander un renvoi pour préparer sa défense.

Si le déferrement a lieu devant le juge d’instruction, cela signifie que le procureur a décidé d’ouvrir une information judiciaire par réquisitoire introductif. Précisons qu’en matière criminelle, l’instruction est obligatoire. À la fin de la garde à vue, et en respectant les conditions prévues par l’article 803-2 du Code de procédure pénale (« Toute personne ayant fait l’objet d’un déferrement à l’issue de sa garde à vue ou de sa retenue à la demande du procureur de la République ou du juge de l’application des peines comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d’ouverture d’une information, devant le juge d’instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d’instruction à l’issue d’une garde à vue au cours d’une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d’un mandat d’amener ou d’arrêt  »), le juge d’instruction peut déférer le gardé à vue pour procéder à un interrogatoire de première comparution (appelé « IPC »).

Précisons que c’est aux termes de l’interrogatoire de première comparution que l’individu pourra être placé sous le statut de mis en examen ou de témoin assisté.

La mise en examen est conditionnée par l’existence « d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable » rendant vraisemblable la participation aux faits, soit en qualité d’auteur, soit en qualité de complice (l’article 80-1 du Code de procédure pénale dispose en effet : « A peine de nullité, le juge d’instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

Il ne peut procéder à cette mise en examen qu’après avoir préalablement entendu les observations de la personne ou l’avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions prévues par l’article 116 relatif à l’interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-8.

Le juge d’instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s’il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté  »).

Chaque personne mise en examen peut faire l’objet de mesure provisoire restrictive de liberté pendant l’instruction. Il peut s’agir d’un placement sous contrôle judiciaire (la personne soupçonnée reste libre mais elle doit respecter des obligations et des interdictions. En cas d’irrespect de ces modalités, elle peut être placée en détention provisoire) d’une assignation à résidence sous surveillance électronique ou d’une détention provisoire.

À la fin de l’instruction, le juge d’instruction peut soit rendre une ordonnance de non-lieu soit une ordonnance de renvoi devant le tribunal de police (s’il s’agit de contraventions), devant le tribunal correctionnel (s’agissant des délits) ou encore d’une ordonnance de mise en accusation (concernant les crimes).

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