Comment sanctionner l’infraction environnementale ?
En vertu du principe pollueur payeur, c’est à l’auteur de la pollution de prendre en charge son coût dans un souci de responsabilité. En effet, l’article 4 de la Charte de l’environnement [1] mentionne que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement dans les conditions défini par la loi ».
Mais, faute de loi, ce principe n’aurait-il donc pas vocation à s’appliquer ?
Quelles solutions permettent de sanctionner les atteintes à l’environnement ?
Le principe de responsabilité civile [2] permettrait de réparer les dommages causés, encore faut-il qu’il y ait une victime.
Or, en matière environnementale, l’identification d’une victime semble compliquée. Ainsi, son application est impossible en cas de simple dégâts à l’environnement.
Une loi de 2008 [3] prévoit la réparation de certains dommages causés à l’environnement en dehors de la responsabilité civile, la seule condition réside dans l’identification du responsable des dommages. Elle s’applique en cas d’atteintes graves à la biodiversité, à la contamination des sols, ou à la qualité des eaux (ex. nappes phréatiques), et permet ainsi d’envisager différentes réparations (remise en l’état initial, mesures compensatoires…).
Le préjudice écologique [4] permet également de réparer en nature ou par le biais de dommages et intérêts les atteintes à la biodiversité.
Ces solutions permettent d’apporter une première réponse, mais celle-ci reste limitée au regard de l’urgence écologique actuelle.
Le délit d’écocide constituerait-il une avancée ?
L’écocide fait référence à une destruction et à un dommage massifs des écosystèmes - un dommage à la nature qui est étendu, grave ou systématique [5]. C’est le cas de la déforestation massive.
La Convention citoyenne pour le climat [6] proposait d’introduire le « crime d’écocide » pour sanctionner les atteintes faites à l’environnement. Il faut noter que ce concept fait l’objet de débats depuis 1947 au sein de la Commission du droit international des Nations-Unies, après avoir été intégré au projet de Code des crimes contre la paix, il en a été retiré. Il n’a pas été inclus dans le Traité de Rome.
Par la suite, plusieurs efforts ont tenté de le réintégrer dans le droit international, sans succès. Pour autant, la proposition faite par la Convention citoyenne pour le climat n’obtiendra pas gain de cause, sa définition demeurant trop imprécise [7], avec des « limites planétaires » [8] trop floues pour constituer une infraction pénale, celle-ci risquait, dès lors, de ne pas être conforme à la Constitution.
En conséquence, la création du délit d’écocide a été confirmé par le gouvernement, qui prévoit d’une part, la mise en place d’un délit général de pollution, où les peines encourues vont de 3 à 10 ans d’emprisonnement, selon qu’il s’agisse d’une simple imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation ou bien d’une infraction intentionnelle [9], et d’autre part, d’un délit de mise en danger de l’environnement, applicable même si la pollution n’a pas encore eu lieu.
La mise à l’écart du délit d’écocide par la loi du 24 décembre 2020.
Pour autant, le gouvernement n’a pas choisi de raccrocher cette notion d’écocide à la loi du 24 décembre 2020 [10] relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Il a préféré renvoyer ce point à la future loi inspirée des propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
Néanmoins, la loi du 24 décembre apporte une réponse efficace en matière environnementale, avec la création de juridictions spécialisés en matière d’environnement. Un tribunal judiciaire sera désigné par décret dans le
ressort de chaque cour d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction, et le jugement des délits environnementaux, ainsi que des contentieux civils relatifs au préjudice écologique et à la responsabilité civile du Code de l’environnement et aux règlements spéciaux [11].
Cette loi crée un outil de transaction pénale pour l’environnement : la convention judiciaire d’intérêt public. Elle autorise le procureur de la République, tant que l’infraction ne fait pas l’objet de poursuite, de proposer à toute personne morale mise en cause pour un délit prévu par le Code de l’environnement, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public imposant diverses obligations. C’est une forme de transaction pénale qui est en l’espèce proposée par le procureur de la République comme une alternative aux poursuites. Par exemple, il peut être proposé le versement d’une amende d’intérêt public dans la limite de 30% du chiffre d’affaires moyen calculé sur les 3 dernières années, une mise en conformité, mais aussi assurer la réparation du préjudice résultant des infractions dans un délai maximal de 3 ans.