En janvier 2024, le journal Marianne [1] publiait un article intitulé « Comment l’OQTF est devenue une info incontournable à la rubrique "fait divers" ». Cet article mentionne que, depuis quelques temps, plusieurs médias précisent si une personne mise en cause dans une affaire fait l’objet d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).
L’obligation de quitter le territoire français est une mesure administrative qui est apparue dans la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration modifiant le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
L’article L511-1 du CESEDA dispose que « l’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l’article L121-1, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants […] ».
Cette mesure d’éloignement est prise par le préfet du Département dans lequel se trouve la personne, par le biais d’un arrêté.
Le nouvel article L731-1 1° du CESEDA [2] dispose que « L’autorité administrative peut assigner à résidence l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ».
Auparavant, le délai suivant la notification de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français pendant lequel l’autorité administrative pouvait exécuter la mesure était d’un an. Il est désormais de trois ans.
Les dispositions du nouvel article ne sont pas rétroactives mais sont d’application immédiate. Se pose alors la question des OQTF prononcées antérieurement à la loi du 26 janvier 2024 et qui ont été notifiées plus d’un an mais moins de trois ans au moment de son entrée en vigueur.
Aucune disposition légale ne prévoit que l’OQTF devient caduque au bout d’un an. De ce fait, elle reste dans l’ordonnancement juridique.
Ce débat juridique est actuellement présent dans les salles d’audience et soumis aux juges. Plusieurs décisions (ordonnances du juge des Libertés et de la Détention et de la Cour d’appel) indiquent que, selon l’article 72 de la loi du 26 janvier 2024, l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire prise moins de trois ans avant son placement en rétention, peut être placé en rétention.
Un arrêt précise que « même si la loi du 26 janvier 2024 ne comporte pas de dispositions relatives à son application aux situations dans lesquelles l’obligation de quitter le territoire français a été notifiée plus d’un an avant son entrée en vigueur, il convient de rappeler que l’obligation de quitter le territoire français reste susceptible d’exécution au-delà du délai d’un an suivant sa notification » [3].
En l’espèce, l’obligation de quitter le territoire avait été notifiée le 4 janvier 2023 par le préfet à la personne étrangère. Le 27 février 2024, le préfet ordonnait le placement en rétention administrative.
La personne étrangère estimait que cet arrêté préfectoral était dépourvu de base légale car l’OQTF était expirée au 4 janvier 2024 et qu’une nouvelle OQTF aurait donc dû être édictée.
Selon cet arrêt, la loi nouvelle n’a pas pour effet de remettre en question la situation juridique et administrative dans laquelle se trouve la personne concernée. L’arrêté portant obligation de quitter le territoire français ne devient pas caduc du fait de l’expiration du délai d’un an. Le placement en rétention étant postérieur à la loi du 26 janvier 2024 et les dispositions modifiées de l’article L731-1 du CESEDA étant d’application immédiate, la base légale a été jugée régulière.
Aucun arrêt de la Cour de cassation n’a pour le moment été publié à ce sujet.