Conformément à l’article L. 330-3 du code de commerce, « Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause. […] Le document […] ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat […] ».
Le législateur entendait que la partie dite faible d’un contrat à laquelle il était demandé un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité dispose d’un maximum d’informations sur l’activité qu’elle s’apprêtait à exercer suffisamment à l’avance pour s’engager en connaissance de cause. Les informations à fournir sont listées par l’article R. 330-1 du code de commerce. Le terrain d’élection de cette obligation d’information est le contrat de franchise. Cependant, elle ne s’applique pas uniquement avant la conclusion d’un contrat de franchise. Elle doit être faite avant la conclusion de tout contrat dès lors qu’il comporte la mise disposition d’un nom commercial, d’une marque ou d’une enseigne et un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité.
Bien que ces dispositions ne soient pas récentes puisqu’elles sont issues de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 dite « loi Doubin » et de son décret d’application n° 91-337 du 4 avril 1991, elles continuent pourtant de générer une abondante jurisprudence. Les décisions rendues au cours des derniers mois permettent de rappeler les obligations des franchiseurs en la matière (I) et les conséquences d’une information pré-contractuelle défaillante (II).
I. Les obligations du franchiseur en matière d’information pré-contractuelle.
Le fournisseur doit justifier qu’il a fourni l’information précontractuelle et que son contenu est conforme aux articles L. 330-3 et R. 330-1. Ainsi, la clause par laquelle « le franchisé reconnaît avoir reçu vingt jours avant la signature du […] contrat, un document d’information pré contractuelle conformément aux dispositions de l’article L330-3 […] » ne peut à défaut de date de remise suffire à justifier sa remise dans le délai (Paris, pôle 5, ch. 4, 13 déc. 2017, n° 13/19504). De même, est cassé l’arrêt qui jugeant que le franchisé avait « attesté que le document d’information pré-contractuelle reprenait les éléments définis par l’article L. 330-3 […] », la cour d’appel n’ayant pas vérifié son contenu [1]. La jurisprudence entend lutter contre une pratique qui consiste à ne pas toujours remettre au franchisé l’information requise mais simplement de lui faire signer un document indiquant qu’il l’a reçue. Il appartient donc au franchiseur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation (contenu de l’information et remise vingt jours minimum avant la signature du contrat).
S’agissant du contenu de l’information précontractuelle, certaines informations à fournir selon la liste de l’article R. 330-1 ne posent pas de difficulté (identification du franchiseur, domiciliation bancaire, …). En revanche, en cas de litige, les contestations se cristallisent toujours autour de quelques informations :
la présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ;
le nombre d’entreprises qui ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document et les causes de cette sortie du réseau (contrat venu à expiration, résilié ou annulé) ;
la présence, dans la zone d’activité d’autres membres du réseau ;
la nature et le montant des dépenses et investissements à engager avant de commencer l’exploitation.
Ainsi, le document d’information précontractuelle (DIP) remis à un franchisé n’est pas conforme aux obligations légales lorsqu’il ne contient pas de présentation du réseau des affiliés, qu’il n’alerte pas sur la faible rentabilité des sites pilotes ni sur le fait que les résultats des affiliés faisaient apparaître des pertes au titre des deux premières années d’exploitation, qu’il ne mentionne pas la présence de quatre instituts « dépositaires » dans la zone d’implantation prévue au contrat, alors qu’ils bénéficiaient du même savoir-faire et avantages que les affiliés [2].
De même, est non conforme aux dispositions légales, le document d’information très succinct remis au franchisé (6 pages), avec une description du marché local tout aussi succincte et ne comportant aucune mention relative aux autres magasins du réseau implantés dans la zone géographique [3]. Dans le même sens, une présentation générale du secteur économique de la coiffure au niveau national qui renvoie « à la lecture d’une étude d’implantation, établie par le franchiseur, ne [faisant] état d’aucune information pertinente sur la situation économique des salons ou leur développement ou même leur simple localisation, [rassemblant] pour l’essentiel des statistiques anciennes […] » ne saurait être conforme à l’obligation requise [4].
Pour autant, « si les articles L. 330-3 et R. 330-1 […] mettent à la charge du franchiseur la communication d’un état et des perspectives du marché concerné, [ils] ne lui imposent pas la fourniture d’une étude du marché local » [5], de sorte qu’il « appartient au franchisé de procéder, lui-même, à une analyse d’implantation précise lui permettant d’apprécier le potentiel, et, par là même, la viabilité du fonds de commerce qu’il envisage d’exploiter en franchise » [6].
« En effet, tandis que la finalité de l’étude de marché est d’accompagner le porteur de projet dans sa prise de décision, l’état local du marché se limite à la fourniture des éléments primaires de celui-ci » [7]. Néanmoins, un état local du marché de la parfumerie comportant « tout particulièrement des renseignements sur la population et les indices de richesses […], ces informations, fondées sur les statistiques INSEE [étant] avérées » est suffisant [8].
Cependant, si le franchiseur n’est pas tenu de remettre un compte d’exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, le DIP doit contenir « la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l’exploitation » [9]. Il appartient ensuite au franchisé d’établir son compte prévisionnel à partir de ces données [10].
En revanche, si le franchiseur remet un compte d’exploitation, il doit donner des informations sincères et vérifiables. En effet, « si les comptes prévisionnels ne figurent pas dans les éléments devant se trouver dans le document d’information pré-contractuelle, ils doivent, lorsqu’ils sont communiqués, présenter un caractère sérieux » [11].
Tel n’est pas le cas si les « comptes prévisionnels fournis par le franchiseur se sont révélés grossièrement irréalistes » [12] car la comparaison avec les prévisionnels mettait en évidence un écart substantiel de 78,15 % en année 1 et de 49 % pour les années 3 à 5, par rapport aux prévisions pour l’année 3 [13]. De même, si un cabinet d’expertise comptable qui travaille habituellement avec le franchiseur élabore des prévisionnels, le franchiseur ne peut pas décliner sa responsabilité puisque c’est essentiellement sur le fondement des informations communiquées par lui que ce cabinet a élaboré ces prévisionnels [14].
La vigilance s’impose donc pour les franchiseurs lorsqu’ils fournissent des informations sur le réseau, les investissements, le marché ou lorsqu’ils établissent des comptes prévisionnels. Si le franchisé se trouve en difficulté après la conclusion du contrat, ce sont ces informations qui seront examinées par les juridictions pour apprécier leur éventuelle responsabilité. Pour autant, même si l’information n’est pas fournie ou si elle est erronée, elle n’entraine pas toujours de sanctions civiles.
II. Les conséquences d’une information pré-contractuelle non-conforme.
Les sanctions d’une information pré-contractuelle non-conforme aux dispositions légales peuvent prendre différentes formes. La nullité du contrat signé à la suite d’une information erronée peut être prononcée et/ou des dommages et intérêts peuvent être infligés.
Traditionnellement, la nullité prononcée est fondée sur les vices du consentement, en particulier le dol visé à l’article 1137 du code civil s’il y a eu intention trompeuse [15] ou plus marginalement sur l’erreur visée à l’article 1132 dudit code lorsque cette erreur porte sur la rentabilité [16]. Elle pourrait également être prononcée sur le fondement de l’article 1112-1 du code civil qui a été introduit lors de la réforme du droit des contrats de 2016 [17] et qui dispose que « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
Ces textes peuvent également fonder une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi, couplée ou non avec une demande de nullité du contrat. Plus généralement, des dommages et intérêts, sous réserve de démontrer le préjudice et le lien causal avec la faute, peuvent également être demandés sur le fondement de l’article L. 330-3 du code de commerce dont la violation constitue une faute civile. En outre, il doit être rappelé que l’article R. 330-2 du code de commerce dispose que le contrevenant peut se voir infliger l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe si vingt jours au moins avant la signature du contrat, le document d’information et le projet de contrat ne sont pas communiqués [amende maximum de 1.500 euros pouvant être portée à 3.000 euros en cas de récidive pour les personnes physiques (amende multipliée par cinq pour les personnes morales)].
Le défaut d’information ou une information faite hors délai sont cependant insuffisants à caractériser un vice du consentement et donc la nullité du contrat [18].
Le franchisé doit démontrer qu’il n’aurait pas conclu le contrat s’il avait eu les informations manquantes (Paris, pôle 5 ch. 4, 6 juin 2018, n° 16/10621).
Par ailleurs, il doit être tenu compte de son expérience pour apprécier si le consentement a été vicié [19], même si son inexpérience ne peut suffire à elle-seule à caractériser le vice du consentement [20].
La cour d’appel de Paris a ainsi retenu, à propos du DIP fourni par un franchiseur proposant une technique d’épilation assimilable à un acte médical ne pouvant donc être effectuée par des franchisés, que ces derniers « professionnels de l’épilation, étaient parfaitement informés de la problématique juridique [et] ne pouvaient ignorer que l’interprétation de [la réglementation] donné[e] par [le franchiseur] était sujette à contestation […] ». Pour la Cour, « l’interprétation [que le franchiseur] faisait des textes en vigueur n’exonérait pas les co-contractants de vérifier les textes applicables et de s’assurer en leur qualité de professionnels qu’ils ne commettaient pas d’actes illégaux en pratiquant sans médecin l’épilation par la technique de la lumière pulsée » [21]. Il peut également être tenu compte du fait qu’il « ressort des courriels échangés entre les parties avant la signature du contrat de franchise que les futures franchisées étaient assistées d’un avocat et d’un expert-comptable, de sorte qu’elles ne peuvent prétendre aujourd’hui avoir été insuffisamment informées sur ce point » [22].
En revanche, le consentement du franchisé est vicié lorsque l’information est insuffisante sur l’état du réseau, notamment sur les départs intervenus au cours des douze derniers mois, sur l’état du marché local et la remise d’un compte d’exploitation non sincère [23] ou encore lorsque les comptes prévisionnels fournis par le fournisseur se sont révélés exagérément optimistes et même « grossièrement irréalistes » [24].
Le consentement vicié a pour conséquence la nullité du contrat, laquelle emporte son effacement rétroactif, de sorte que le franchisé peut obtenir la restitution des sommes versées au franchiseur, de même que les pertes subies dans l’exécution du contrat. En revanche, ne sont pas indemnisables la perte de chance de rentabiliser les investissements ou les gains manqués car le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé [25], ni le passif à la suite de la procédure collective du franchisé « faute de justifier d’un lien de causalité entre les pertes d’exploitation et les manœuvres dolosives » [26].
Si la nullité du contrat n’est pas demandée ou prononcée, « le préjudice résultant du manquement à une obligation pré-contractuelle d’information est constitué par la perte de la chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, et non par les pertes subies. La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée » [27].
Ainsi, le franchisé aurait pu ne pas connaître de pertes. La Cour a fixé dans une espèce susvisée à 80 % le pourcentage de chance de ne pas contracter et l’a indemnisé à hauteur de 80 % de ses pertes, le dirigeant du franchisé pouvant également être indemnisé à hauteur de 80 % du salaire qu’il aurait dû gagner selon le prévisionnel [28]. Les dirigeants peuvent également être parfois indemnisés au titre de leurs apports en compte-courant car « s’ils avaient été informés, ils n’auraient pas engagé ces apports. Toutefois, ils ne peuvent être indemnisés que de leur perte de chance » [29].
En cas de litige à propos de l’information précontractuelle, la jurisprudence reste constante dans le sens d’une analyse équilibrée des conséquences de cette défaillance. Les juridictions font bien le tri pour savoir si le franchisé a pu être trompé du fait du franchiseur qui n’a pas fourni une information suffisante de peur de dissuader les candidats de s’engager ou si le franchisé a accepté trop facilement d’être séduit sans prendre le temps de se faire une opinion par lui-même. Mieux vaut cependant être prudent quant à l’information fournie car le sens de la législation actuelle va vers un renforcement de la protection de la partie considérée comme faible du contrat [30].