Dans ce cadre de la mise ne place d’une mesure de protection, une distinction est traditionnellement faite entre trois type d’actes :
- Les actes conservatoires : des actes qui visent à sauvegarder un droit ou un bien matériel, en raison d’une urgence ou d’une impérieuse nécessité (par exemple, réparer un bien pour éviter qu’il soit détruit, conclure un contrat d’assurance habitation, payer un créancier pour éviter qu’il saisisse un bien, etc.) ;
- Les actes d’administration : le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 les définissent comme des « actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal » (payer des factures, réaliser une démarche administrative classique, conclure un court bail de location, etc.) ;
- Les actes de disposition : le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 les définissent comme des « actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire » (vente d’un bien immobilier, réalisation d’une donation, etc.).
Ainsi, en matière de tutelle, les pouvoirs du tuteur sont, sauf exceptions, les suivants (article 474 du code civil) :
- Pour les actes conservatoires : le tuteur les accomplit seul au nom du majeur protégé (article 504 du code civil) ;
- Pour les actes d’administration : le tuteur les accomplit seul au nom du majeur protégé (article 504 du code civil) ;
- Pour les actes de disposition : le tuteur doit être autorisé par le juge des tutelles, ou le conseil de famille s’il existe (article 505 du code civil).
En matière de curatelle, le principe est inversé. Le majeur protégé réalise lui-même les actes, sauf exceptions (article 467 du code civil) :
- Pour les actes conservatoires : le majeur protégé les accomplit seul, sous la vérification du curateur ;
- Pour les actes d’administration : le majeur protégé les accomplit seul, sous la vérification du curateur ;
- Pour les actes de disposition : le majeur protégé les accomplit avec l’assistance du curateur.
Attention : Cette présentation schématique reste théorique. De nombreuses exceptions et spécificités existent, notamment en curatelle renforcée et en curatelle aménagée.
S’agissant des opérations bancaires, l’article 427 du code civil prévoit un régime spécifique applicable tant en matière de tutelle que de curatelle. Ce régime vise notamment à protéger les majeurs protégés contre d’éventuels abus de la part de leur protecteur : il s’agit par exemple de mettre fin à la pratique des comptes-pivots.
Cependant, force est de constater qu’en pratique, ce régime ne permet pas de répondre à toutes les incertitudes. Nous tentons ici de faire le point sur les principales questions en matière d’opérations bancaires.
I – L’ouverture de comptes ou livrets bancaires par ou pour le majeur protégé.
A/ Le protecteur peut-il ouvrir à un majeur protégé qui n’en dispose pas ?
L’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 précise que l’ouverture d’un premier compte ou livret bancaire est un acte d’administration.
L’article 427 (alinéa 4) du code civil dispose en outre que « Lorsque la personne protégée n’est titulaire d’aucun compte ou livret, la personne chargée de la mesure de protection lui en ouvre un ».
Ainsi, que la mesure soit une tutelle, une curatelle renforcée ou une curatelle simple, le protecteur peut ouvrir seul un compte ou livret bancaire au majeur protégé.
Le décret du 11 mars 2022 facilite cette démarche : sans réponse de la banque sollicitée dans un délai de 15 jours, la Banque de France peut en désigner une d’office.
B/ Le protecteur peut-il ouvrir un nouveau compte ou livret dans un autre établissement bancaire ?
L’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 précise que l’ouverture d’un nouveau compte ou livret bancaire est un acte de disposition.
L’article 427 du code civil dispose en outre que le protecteur ne peut pas ouvrir un nouveau compte ou livret bancaire auprès d’un nouvel établissement bancaire, sauf si le juge des tutelles (ou le conseil de famille) l’y autorise et que l’intérêt du majeur protégé le commande.
Il existe donc deux conditions :
- Le juge des tutelles (ou le conseil de famille) autorise l’ouverture du compte ou du livret ;
- L’intérêt du majeur protégé le commande.
Attention : L’intérêt du majeur protégé doit être consciencieusement analysé et expliqué dans la décision d’autorisation du juge des tutelles (ou le conseil de famille).
Si ces conditions sont respectées, le protecteur peut ouvrir un compte ou livret bancaire dans un autre banque que celle du majeur protégé.
Attention : À défaut, l’opération est nulle de plein droit (article 465 du code civil).
C/ Le protecteur peut-il ouvrir un nouveau compte ou livret dans le même établissement bancaire ?
Lorsque le nouveau compte ou livret bancaire est à ouvrir au sein de la même banque, il existe un débat sur les démarches à suivre.
En effet, une partie de la doctrine considère que la dernière réforme des dispositions applicables au majeur protégé (en 2019) avait un objectif clair : éviter le recours au juge des tutelles pour les démarches peu risquées. Or, l’ouverture d’un compte ou livret bancaire dans la même banque que celle du majeur protégé est une opération très peu risquée. Elle ne nécessiterait donc pas l’autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille).
Cependant, force est de constater qu’aucune disposition ne prévoit que cette opération n’est pas soumise à l’accord du juge des tutelles (ou du conseil de famille).
En effet, l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 indique précisément que l’ouverture d’un nouveau compte ou livret bancaire est un acte de disposition.
Il convient donc de considérer que le protecteur doit obtenir l’autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille) avant d’ouvrir un nouveau compte ou livret bancaire, même au sein de la même banque.
Attention : À défaut, l’opération est nulle de plein droit (article 465 du code civil).
II – Le fonctionnement et la gestion des comptes bancaires par ou pour le majeur protégé.
A – L’accès aux informations bancaires (relevés bancaires, espace en ligne, etc.)
La loi ne répond pas directement à cette question.
Cependant, la charte des droits et libertés de la personne majeure protégée, annexée au code de l’action sociale et des familles, consacre le droit à l’information, le droit à l’autonomie et le droit à la participation à la mesure des majeurs protégés.
En pratique, par peur de commettre un impair, les banques ont tendance à envoyer uniquement les relevés bancaires aux curateurs et tuteurs.
Certains protecteurs les envoient ensuite automatiquement aux majeurs protégés, tandis que d’autres le font uniquement lorsque ces derniers leur en font la demande.
Sous réserve des contraintes techniques des banques, l’octroi d’un accès aux comptes en ligne et l’envoi des relevés bancaires doivent être encouragés car ils permettent de faire participer les majeurs protégés à leur mesure et partant, de favoriser leur autonomie.
En tout état de cause, s’agissant de la tutelle et de la curatelle renforcée, l’article 510 du code civil prévoit que le tuteur remet chaque année au majeur protégé une copie du compte de gestion et des pièces justificatives.
B – Est-ce qu’un majeur protégé peut disposer d’une carte bancaire ou d’un chéquier ?
Dans le cadre d’une curatelle simple, le majeur protégé réalise lui-même les actes conservatoires et les actes d’administration. Il perçoit et dépense lui-même ses revenus mensuels et peut donc disposer d’un chéquier et d’une carte bancaire de retrait ou de paiement (sauf accord du curateur, sans découvert autorisé).
Dans le cadre d’une curatelle renforcée, l’article 472 du code civil précise que le curateur perçoit seul les revenus du majeur protégé et assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers. S’agissant de l’excédent, le curateur le verse entre les mains du majeur protégé ou lui laisse à sa disposition sur un compte.
Il en résulte qu’il est possible, avec l’accord du curateur et du juge des tutelles, de fournir au majeur protégé une carte bancaire de retrait ou de paiement (sans découvert autorisé). Le plafond de retrait ou de paiement doit être défini avec le curateur, en fonction du budget, des besoins et du degré d’autonomie du majeur protégé.
S’agissant de la mise à disposition d’un chéquier, l’autorisation du juge des tutelles semble nécessaire car ce moyen de paiement reste risqué (chèques sans provision, fichage au fichier central des chèques de la Banque de France, clôture du compte, etc.).
Dans le cadre d’une tutelle, l’article 504 du code civil dispose que le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et les actes d’administration. Il perçoit seul les revenus du majeur protégé et assure le règlement des dépenses auprès des tiers. Il peut ensuite fournir au majeur protégé une carte de retrait ou de paiement (sans découvert autorisé).
C – La propriété des fruits, produits et plus-values générés par les comptes et livrets bancaires.
Les fruits, produits et plus-values générés par les fonds et les valeurs appartenant à la personne protégée lui reviennent exclusivement (alinéa 6 de l’article 427 du code civil).
D – Est-ce qu’un majeur protégé peut souscrire un prêt ?
L’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 précise que la conclusion d’un emprunt est un acte de disposition.
Ainsi, en tutelle, l’autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille) est exigée (article 505 du code civil).
En matière de curatelle (simple ou renforcée), seule l’autorisation du curateur est exigée (article 467 du code civil).
III – La clôture de comptes ou livrets bancaires par ou pour le majeur protégé.
A/ Le protecteur peut-il clôturer un compte ou livret ouvert avant le prononcé de la mesure de protection ?
L’article 427 (al. 1 et 2) du code civil dispose que le protecteur « ne peut pas procéder à la clôture des comptes ou livrets ouverts, avant le prononcé de la mesure, au nom de la personne protégée » mais que le juge des tutelles (ou le conseil de famille) peut l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande.
L’article 427 du code civil prévoit donc deux conditions :
- L’autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille) ;
- L’intérêt du majeur protégé le commande.
Attention : L’intérêt du majeur protégé doit être consciencieusement analysé et expliqué dans la décision d’autorisation du juge des tutelles.
Si ces conditions sont respectées, le protecteur peut clôturer un compte ou livret bancaire avant le prononcé de la mesure de protection
Attention : À défaut, l’opération est nulle de plein droit (article 465 du code civil).
B/ Le protecteur peut-il clôturer un compte ou livret ouvert après le prononcé de la mesure de protection ?
En pratique, aucune disposition ne prévoit que cette opération n’est pas un acte de disposition (malgré la réforme de 2019 qui vise à éviter le recours au juge des tutelles pour les démarches peu risquées).
L’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 dispose même que la clôture d’un compte ou livret bancaire est bien un acte de disposition.
Dans ce cadre, la prudence nécessite donc de considérer que :
- En tutelle, l’autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille) reste nécessaire pour procéder à la clôture d’un compte ou livret bancaire ;
- En curatelle, le majeur protégé ne peut procéder à cette opération qu’avec l’autorisation de son curateur.
Discussions en cours :
Bonjour,
ma fille, sous tutelle, réside dans un foyer de vie. Elle perçoit l’AAH tous les mois, mais son "loyer" n’est généralement appelé qu’une fois par an (il peut même s’écouler deux ans entre les appels de loyer). Elle se retrouve ainsi avec des sommes importantes sur son compte courant.
Je souhaite donc gérer sa trésorerie sur un Livret A.
J’ai bien compris que l’ouverture d’un tel livret ne nécessite pas l’approbation du juge des tutelles.
Mais qu’en est-il des opérations de transfert entre compte courant et livret A ?
Puis-je les réaliser librement ?
Merci pour vos conseils
Bonjour Monsieur,
En tutelle, il faut en effet l’autorisation du juge pour prélever des sommes sur un compte de placement.
Cependant, vous pouvez parfaitement demander au juge une autorisation unique pour effectuer un prélèvement récurrent (par exemple, annuel).
Bien cordialement,
Bonjour,
j’ai été désigné tuteur d’une personne majeure par le juge des tutelles. J’ai envoyé le jugement par LRAC à sa banque qui refuse de changer le libellé du comptes, de m’adresser les relevés bancaires et d’enregistrer mes coordonnées (n° de téléphone, courriel, etc). Comment faire pour faire respecter le jugement de tutelle ?
Cordialement,
Bonjour Monsieur,
La banque du majeur protégé dispose peut-être d’une antenne dédiée aux majeurs protégés : vous pouvez essayer de prendre attache directement avec elle.
Vous pouvez également solliciter un avocat pour mettre en demeure la banque et/ou saisir le médiateur bancaire.
Bien cordialement,
Bonjour,
Est ce qu’un curateur peux fermer un pel ? Un compte ? Un livret bancaire ? Dans le cadre d’une curatelle renforcée sans précision dans la décision du juge à ce sujet.
Le curateur doit il faire une demande au juge ou conseil de famille ?
2)
Est ce qu’un curateur a le droit de mettre en négatif le compte de la personne protègé (par insuffisance de versement mensuel, ne prenant pas en compte Le prélèvement du pel mensuel ) ?
3)
Est ce qu’un curateur a le droit de refuser le placement des revenus, des sommes non utilisées sur les livrets de placement à argent disponible ?
Privant ainsi la personne protègée d’interets de produits bancaires ?
Merci
bonjour ,
Un aidant familial a t il le droit de transférer le LEP du majeur protégé sur son compte courant ?
Merci