« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers l’acquéreur des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination » [1].
« Toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter cette responsabilité, ou d’en limiter la portée, est réputée non écrite » [2].
Ainsi, au vu de ces dispositions, quel est le sort réservé à la clause d’une vente aux termes de laquelle l’acquéreur déclare « faire son affaire personnelle sans recours contre quiconque » du réseau d’assainissement ?
Telle est la question à laquelle répond la Cour de cassation dans cet arrêt publié.
Les faits sont les suivants.
Dans le cadre de la vente d’une maison raccordée à un réseau d’assainissement individuel en bon état de fonctionnement, est stipulé dans l’acte notarié que l’acquéreur prend acte de cette situation et qu’il souhaite en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque.
Toutefois, suite à une expertise, les acquéreurs ayant constaté des dysfonctionnements du réseau d’assainissement ont assigné en indemnisation l’entrepreneur qui l’avait réalisé, sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil.
Les juges du fond ont déclaré leur demande irrecevable en se fondant sur la clause excluant tout recours « contre quiconque ».
La Cour d’appel approuve les juges du fond et déclare également irrecevable la demande des acquéreurs car il résulte des termes de l’acte de vente qu’ils ont entendu exclure tout recours contre quiconque concernant le raccordement au réseau d’assainissement.
L’arrêt est pourtant cassé pour violation de l’article 1792-5 du Code civil.
Aux termes de ce texte,
« toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d’exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d’en limiter la portée, soit d’écarter ou de limiter la solidarité prévue à l’article 1792-4, est réputée non écrite ».
En effet, la clause dont les juges du fond avaient fait application avait pour effet d’exclure la garantie décennale des constructeurs énoncée par l’article 1792 susvisé (« sans aucun recours contre quiconque »). Cette garantie étant d’ordre public, il n’est pas possible d’y déroger conventionnellement, la clause doit être réputée non écrite.
La jurisprudence, récente, de la Cour de cassation sur la clause d’exclusion de la solidarité et de l’in solidum, notamment stipulée dans les contrats d’architecte, en est également une illustration [3].
Néanmoins, en réalité, l’arrêt va plus loin.
En effet, la particularité ici était que la clause litigieuse n’était pas insérée dans le contrat conclu entre le constructeur et le maître d’ouvrage mais dans l’acte de vente conclu entre le maître d’ouvrage et l’acquéreur. Or, le constructeur l’invoquait à son profit !
Les acquéreurs avaient, donc, formés un pourvoi en cassation sur le fondement du principe d’effet relatif des conventions. Ils soutenaient que la clause de non-recours stipulée dans le contrat de vente n’impliquait qu’une renonciation à recours à l’égard des vendeurs, mais non à l’égard du constructeur qui ne pouvait l’invoquer étant tiers à l’acte de vente.
Autrement dit, seul le vendeur pouvait se prévaloir de la clause de non-recours.
Toutefois, ici la troisième chambre civile de la Cour de cassation, saisit de l’affaire, a préféré se fonder sur la qualité particulière du tiers - un constructeur - et sur l’existence d’une garantie décennale, plutôt que sur le principe général d’effet relatif des conventions qu’invoquait le pourvoi.
Et l’arrêt le fait par le biais d’un moyen de pur droit relevé d’office.
La Cour de cassation peut, en effet,
« casser la décision attaquée en relevant d’office un moyen de pur droit » [4].
La troisième chambre civile de la Cour de cassation casse, ainsi, l’arrêt d’appel et soulève un moyen d’office qui se substitue à celui du pourvoi. La clause litigieuse, déclare-t-elle,
« avait pour effet d’exclure la garantie décennale des constructeurs et devait, par suite, être réputée non écrite ».
La Cour de cassation rappelle que les stipulations contraires à l’article 1792 et suivants du Code civil sont réputées non écrites et ce peu importe qu’elles figurent ou non dans un contrat dans lequel le constructeur n’est pas partie, dans la mesure où la garantie décennale est transmissible aux sous-acquéreurs du maître de l’ouvrage.
Elle applique ainsi à ces clauses indirectement contraires à la garantie décennale, la sanction prévue par la loi. Elle opte donc pour une sanction plus radicale : le réputé non-écrit au lieu de l’inopposabilité de la clause au constructeur.