Il s’agit pour cet accord de responsabiliser les entreprises de la branche de la publicité quant aux violences morales et sexuelles subies par les victimes, pour mieux lutter contre ce fléau.
Ainsi, cet accord se démarque en ce qu’il impose aux entreprises un « changement des mentalités » et une intolérance totale quant aux pratiques « visant à suggérer, demander ou imposer aux salariés des stéréotypes liés au sexe, notamment comportementaux ou vestimentaires ».
De nombreuses mesures sont donc prévues pour prévenir et sanctionner les violences susmentionnées, par cet accord.
I) Un accord contre les violences sexistes et sexuelles, et le harcèlement.
A) Harcèlement moral et sexuel.
L’accord du 8 juillet 2021 sur les harcèlements au travail et les violences sexistes dans la branche de la publicité vise le harcèlement de manière générale, et se réfère pour cela aux différentes définitions possibles de celui-ci.
Tout d’abord, l’accord qui entend assurer une approche commune du harcèlement, repose sur la définition donnée par l’ANI du 26 mars 2010 qui le définit ainsi :
« Le harcèlement et la violence au travail s’expriment par des comportements inacceptables d’un ou plusieurs individus ; ils peuvent prendre des formes différentes (physiques, psychologiques, sexuelles), dont certaines sont plus facilement identifiables que d’autres. L’environnement de travail peut avoir une influence sur l’exposition des personnes au harcèlement et à la violence.
Le harcèlement survient lorsqu’un ou plusieurs salariés font l’objet d’abus, de menaces et/ou d’humiliations répétés et délibérés dans des circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail, soit dans des situations liées au travail.
La violence au travail se produit lorsqu’un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l’incivilité à l’agression physique. La violence au travail peut prendre la forme d’agression verbale, d’agression comportementale, notamment sexiste, d’agression physique...
Le harcèlement et la violence au travail peuvent être exercés par un ou plusieurs salariés ou par des tiers avec pour but ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’un salarié, affectant sa santé et sa sécurité et/ou créant un environnement de travail hostile ».
Ensuite, l’accord se base sur des définitions plus particulières du harcèlement, codifiées dans le Code du travail et dans le Code pénal.
L’article L1152-1 du Code du travail dispose à cet effet qu :
« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »
Tandis que le Code pénal sanctionne en son article 222-33-2, le harcèlement moral :
« de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».
Enfin, l’accord insiste sur la définition du harcèlement sexuel donnée à la fois par l’article L1153-1 du Code du travail et l’article 222-33 du Code pénal, qui donnent la même définition depuis la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 :
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
Le harcèlement sexuel est également constitué :
a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
Cette énumération exhaustive des différentes définitions légales et juridiques du harcèlement vise à en englober toutes ses formes et à souligner par-là, la volonté des signataires de se montrer intolérants quant aux manifestations de quelconque harcèlement dans l’objectif de protéger aux mieux les victimes.
B) Propos et agissements sexistes.
L’accord du 8 juillet 2021 ne se contente pas seulement de lutter contre le harcèlement en son sens large, mais aussi de lutter contre les propos et agissements sexistes.
Ces derniers sont visés par l’article L1142-2-1 du Code du travail :
« comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Une attention toute particulière est portée sur les propos sexistes qui sont très présents dans la branche de la publicité.
C) Agressions sexuelles.
L’accord ayant été adopté consécutivement au constat de la réalité des violences sexistes et sexuelles subies par de trop nombreux salariés de la branche publicité, celui-ci vise de toute évidence une meilleure sanction et prévention des agressions sexuelles.
Celles-ci sont « toute atteinte sexuelle commise avec violence, menace ou surprise, ou dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur » (Article 222-22 du Code pénal) et aussi en application de l’article 222-23 du Code pénal, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle ».
D) Discrimination.
En dernier lieu, l’accord vise à lutter plus radicalement contre les discriminations directes ou indirectes, dont la définition est rappelée à l’article L1132-1 du Code du travail :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi nº2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ».
II) Un accord axé sur la protection des personnes.
La répression des pratiques mentionnées ci-dessus nécessite que les personnes en étant les victimes ou témoins, soient particulièrement protégées au vu de la gravité de ces actes et de la difficulté pour ceux-ci d’être dénoncés en raison de la peur qui en résulte et de leur non-considération habituelle.
En conséquence, l’accord mentionne les différentes dispositions du code du travail et du code pénal, relatives à l’interdiction d’être sanctionné pour avoir témoigné, à l’interdiction de prendre des sanctions en cas de refus des faits de harcèlement sexuel (article L1153-2 du Code du travail), et enfin à la protection des lanceurs d’alerte.
III) Un accord qui vise en premier lieu l’information contre les violences sexuelles et sexistes et le harcèlement.
En premier lieu, l’accord du 8 juillet 2021 de la branche de la publicité offre une solution intéressante de lutte contre les violences sexuelles en son sens large, en ce qu’elle vise avant tout à informer massivement les salariés sur celles-ci, en leur précisant notamment « qu’il s’agit de fautes pouvant aller jusqu’à la faute lourde et des sanctions supplémentaires ».
Cette information se manifeste surtout, conformément à l’article 3.1 de l’accord du 8 juillet 2021, dans une nouveauté consacrée dans les contrats de travail des salariés.
En effet, l’employeur devra intégrer « dans les contrats de travail des salariés, un paragraphe dédié aux violences au travail, au harcèlement moral et sexuel, et les agissements sexistes, ainsi que les différents outils de lutte et de prévention mis à disposition ».
De cette manière, le salarié est obligé de prendre connaissance de cette clause qui l’engage dans son travail.
Aussi, l’information est présente et s’impose dans le cadre des entretiens annuels, au cours desquels l’employeur devra « s’entretenir avec les salariés sur leur bien-être au travail, leur charge de travail ainsi que le cas échéant, sur toute situation de harcèlement ou de violences au travail dont ils pourraient être victimes ou témoins. A cette occasion, l’employeur rappellera aux salariés les règles encadrant le harcèlement moral et sexuel ainsi que les agissements sexistes ».
De plus, l’accord confère à l’employeur la possibilité d’approfondir cette information à visée préventive, avec les salariés avant l’échéance annuelle, si la situation le justifie.
Par ailleurs, une fois par semestre il est prévu que la branche et/ou les directions devront faire une communication spécifique sur les violences au travail pour faire « obstacle au silence et sensibiliser ».
IV) Un renforcement de la prévention des risques liés au harcèlement.
L’article 4 de l’accord du 8 juillet 2021 prévoit l’amélioration des méthodes de prévention des actes de harcèlement et de violence au travail, et la mise en place d’une prévention primaire applicables à toutes les entreprises de la branche de la publicité.
La prévention primaire sont les actes de prévention menés en amont des situations à risque, tandis que la prévention secondaire concerne les actions de prévention qui « visent à réduire les atteintes à la santé des individus en les aidant à mieux gérer les situations à risques ».
A l’égard de la prévention secondaire, l’accord prévoit notamment la mise en place d’une cellule psychologique à l’écoute des salariés après une agression.
Au niveau de la branche, sont mis en place des formations virtuelles sous forme de MOOC pour sensibiliser les futurs collaborateurs à ces sujets de violence, de même qu’une semaine de sensibilisation chaque année ainsi qu’une campagne d’information et de sensibilisation.
Une semaine particulière dénommée « 0 harcèlement, 0 violence sexiste, 0 violence sexuelle dans la publicité » sera aussi mise en place au niveau de la branche tous les ans à la date de la journée mondiale sur la sécurité et la santé au travail.
Au niveau des entreprises, celles-ci devront organiser des « sessions de formation/sensibilisation relatives à la lutte contre le harcèlement moral et sexuel et sur les agissements sexistes à destination des managers ».
Par ailleurs, les entreprises devront s’engager à mettre à jour leur règlement intérieur conformément aux dispositions adoptées par l’accord du 8 juillet 2021 pour assurer l’effectivité des mesures contre le harcèlement et les violences sexuelles.
Enfin, l’accord du 8 juillet 2021 prévoit, pour renforcer la prévention des risques liés au harcèlement, l’édition par la branche professionnelle, d’un « guide relatif aux situations de harcèlement moral et sexuel ainsi que sur les agissements sexistes qui sera transmis sous format électronique aux entreprises ».
La multiplicité de ces dispositions démontre bien la volonté de la branche de la publicité de lutter au mieux et de manière radicale, contre les actes que subissent ses salariés en très grand nombre.
V) Les acteurs de la prévention contre le harcèlement et les agissements de violences sexistes et sexuels.
L’accord du 8 juillet 2021 insiste sur la responsabilité de chacun des acteurs, dont le rôle est déjà encadré par la loi, quant au traitement du harcèlement sexuel et des agissements sexistes et sexuels.
Outre le rappel des obligations de l’employeur en la matière, le rôle des ressources humaines qui doivent participer au « renforcement de l’information et/ou de la formation des salariés sur les situations de harcèlement moral et sexuel », et la place du CSE dans cette lutte, l’accord du 8 juillet 2021 prévoit une remontée des faits de harcèlement moral et sexuel et violences sexuelles et sexistes par le référent harcèlement présent au sein de chaque entreprise de plus de 250 salariés.
Plus particulièrement, conformément à l’article 5.1.4 de l’accord du 8 juillet 2021 :
« Le réfèrent harcèlement est chargé d’orienter les salariés (notamment vers les autorités compétentes), de les informer et de les accompagner en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et d’agissements sexistes. Il participe à la mise en œuvre des procédures internes permettant de faciliter le signalement et le traitement des faits de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes, ainsi qu’être impliqué dans le déroulement des enquêtes internes. L’entreprise peut également faire appel à une société externe pour mener les enquêtes internes ».
VI) Renforcement de l’accueil et de l’accompagnement des salariés victimes.
L’accord du 8 juillet 2021 prévoit la mise en place d’un organisme pour l’assistance psychologique et les cellules de crise, ainsi que la possibilité pour l’employeur de supporter volontairement, « la prise en charge des frais d’avocat et du suivi psychologique selon les modalités qu’il aura définies préalablement », ce qui instaure un climat de confiance et de bienveillance au sein de l’entreprise.
VII) Signalement des situations de harcèlement.
En son article 8, l’accord du 8 juillet 2021 prévoit la mise en place de plusieurs modalités de signalement des situations de harcèlement en entreprise.
Plus particulièrement, « dans le cas où, malgré les mesures de prévention mises en place dans l’entreprise, un fait de harcèlement ou de violence survient en lien direct avec le travail, une procédure d’alerte appropriée doit être mise en place par l’employeur en concertation avec les institutions représentatives du personnel et/ou le ou les référents harcèlement s’ils existent, afin d’identifier, comprendre et traiter ces situations ».
Cette procédure est particulière en ce sens qu’elle « doit être menée dans le respect des principes généraux suivants : principe de confidentialité, principe d’anonymat, principe de traitement impartial, respect de délais de traitements appropriés ».
L’enquête qui suit le signalement doit être interne et ne pas excéder 2 mois.
Par ailleurs, une nouveauté est consacrée par l’accord du 8 juillet 2021 : « la mise en œuvre d’une procédure de médiation peut également être mise en place par l’employeur à la demande d’un salarié. Dans ce cas, le recours à la médiation et le choix du médiateur doivent faire l’objet d’un accord entre les parties à la situation de harcèlement ».