Le Code mondial antidopage et le Code du sport en France ne contiennent aucune disposition relative à l’intervention et à l’assistance d’un avocat au cours de la procédure engagée contre un sportif suspecté de dopage ou faisant l’objet d’un simple contrôle, alors que ces Codes prévoient des intrusions dans la vie privée d’une particulière gravité (obligation de pouvoir être localisé à tout moment), des atteintes physiques graves (prises de sang obligatoires) ou intimes (contrôle urinaire devant témoins appelés « chaperone » en anglais ou « escort » en français).
Un sportif, vérifié, suspecté ou accusé de dopage, ne pourra à aucun moment solliciter l’assistance d’un avocat que le sportif soit majeur ou plus grave encore, mineur.
Or, l’importance des sanctions prévues, pouvant détruire définitivement la carrière d’un sportif, au surplus jamais assisté par un avocat, au cours de la procédure de contrôle, n’a jamais suscité la moindre réprobation. On en trouvera pour preuve, l’avis demandé et donné le 13 octobre 2019 sur le Code Mondial Antidopage, par Monsieur Jean-Paul Costa, pourtant ancien président de la CEDH, où il affirme avec plus de componctions que de conviction sincère :
« Il demeure que les sanctions que prévoit le Code ne sont pas pénales stricto sensu. Mais, même si toutes les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne ne doivent pas s’appliquer dans toute leur rigueur, même si par exemple les §§ 2 et 3 de l’article 6 – présomption d’innocence – droit de la défense sont moins manifestement applicables que pour les sanctions vraiment pénales, il semble important de trouver des garanties proportionnées dans le cas de sanctions sportives ».
Le Code du sport français indique en son article L232-21-1 (Chapitre II : Lutte contre le dopage) :
« Toute personne convoquée a le droit de se faire assister ou représenter par un conseil de son choix ».
Néanmoins, le règlement d’arbitrage pour les Jeux Olympiques de 2024, apporte une restriction :
« Les parties peuvent se faire représenter ou assister par les personnes de leur choix, dans la mesure où les circonstances le permettent, notamment au regard du délai fixé par la sentence ».
Les avocats étant bien entendu incapables de respecter un délai de procédure, cette restriction est de la dernière indécence !
Enfin, le site du TAS (Tribunal arbitral du sport) prévoit dans son onglet « documents utiles », un formulaire de demande d’arbitrage pour les JO, mais l’onglet est vide !
1) Un sportif désigné pour subir un contrôle antidopage est immédiatement mis sous la surveillance d’un chaperon, selon la version anglaise du Code antidopage de l’Agence mondiale antidopage (AMA) ou d’une escorte selon la version française, les rédacteurs des textes n’étant pas des linguistes bien inspirés.
Cette personne suivra et surveillera le sportif désigné, jusqu’au point de contrôle, soit pour un prélèvement urinaire, soit pour un prélèvement sanguin, soit pour les deux.
À noter que le sportif doit normalement s’abstenir de boire et ne doit répondre aux médias que succinctement pour ne pas retarder le contrôle, dans le premier cas pour ne pas délayer le produit recherché, et dans le second cas, parce que certains produits ont une empreinte de temps limitée.
2) Le prélèvement urinaire effectué sous une surveillance constante et méticuleuse, le sportif ou la sportive prélevé(e) devant être dénudé(e) depuis le sternum jusqu’aux genoux, ce qui est extrêmement gênant et porte atteinte à la pudeur.
La procédure prévoit, à titre superfétatoire, le droit pour le sportif de choisir les flacons dans lesquels il répartira lui-même l’urine produite, tout cela afin de donner l’impression d’un contrôle objectif.
Il sera procédé de même manière pour le contrôle sanguin, sauf si la personne en charge du prélèvement se révèle incapable de trouver la veine après trois tentatives, le processus est alors arrêté !
Jusqu’à maintenant le sportif n’est ni conseillé, ni assisté, cependant son avocat pourra néanmoins être utile et préserver ses droits pour la suite de la procédure si elle s’avérait ultérieurement contentieuse, pour contester la sanction prise sur un prélèvement irrégulier.
Il devra tout d’abord conseiller à l’entourage du sportif et recommander :
- de photographier son arrivée dans la salle de prélèvement, ainsi que l’escorte ou le chaperon. En effet, le défaut d’identité de sexe peut entrainer la nullité de la procédure.
- d’inciter le sportif à s’abstenir de signer le formulaire de contrôle de dopage (doping control form) et de laisser son avocat formuler, le cas échéant, les réserves appropriées.
Le simple fait de remplir et de signer le formulaire empêche toute contestation ultérieure de la régularité du dopage.
Le formulaire ne contient aucune case permettant au sportif de formuler des
observations sur la procédure dont il a été l’objet (voir ici pour accéder à ce type de formulaire).
3) L’organisation des JO de Paris 2024 a communiqué sur la création du laboratoire antidopage français le 1ᵉʳ janvier 2022, en remplacement du précédant laboratoire de Chatenay-Malabry, qui avait été suspendu pour des problèmes de contamination des échantillons, point sur lequel les organismes chargés des contrôles demeurent d’une coupable discrétion.
À sa décharge, on relèvera que 10 des 32 laboratoires accrédités dans le monde ont été suspendus à un moment ou un autre [1].
Pour cette raison, notamment, en cas de contrôle positif, on doit conseiller à son client dont le contrôle s’avère positif, de solliciter un nouveau contrôle. Mais, il faut savoir que ce nouveau contrôle est alors effectué aux frais du sportif et par le même laboratoire.
Il est bien évident, que ce système manque de la plus élémentaire objectivité et il est bien certain que la vérification du contrôle initial s’avère systématiquement conforme au précédent. Mais, cette procédure doit être sauvegardée, car il faut pouvoir se réserver la faculté de la contester judiciairement.
4) Si le contrôle s’avère positif, il entrainera une sanction de la part de la fédération à laquelle appartient le sportif.
En général, elle est de 4 années et interdit toute participation à des activités sportives, compétition ou entrainement, que ce soit à titre personnel ou comme simple intervenant.
5) Le seul recours consiste à porter l’affaire devant le TAS (Tribunal arbitral des affaires de sport de Lausanne) lequel a ouvert une branche pour les JO de 2024 à Paris.
À ce stade, l’avocat pourra officiellement prendre en mains la procédure, ce qui n’est toutefois pas évident, car les entraineurs ou les dirigeants sportifs s’estiment toujours plus compétents soit pour diriger la défense de leur licencié, soit pour essayer de négocier la suite de la procédure avec le CIO. Ces deux initiatives s’avérant toujours irréalistes.
6) Normalement, le TAS suit la procédure habituelle en matière d’arbitrage international, sauf que les arbitres, y compris celui du sportif, exerçant le recours, doivent obligatoirement être choisis sur une liste des arbitres agréés par le TAS.
En conséquence, la juridiction arbitrale sera constituée de la manière suivante :
- La fédération internationale désignera son arbitre.
- Le sportif désignera également le sien.
- Le président sera désigné par les co-arbitres. Tous devront être agréés et figurer sur la liste des arbitres approuvés par le TAS. Il est bien évident que la composition de la juridiction arbitrale ne laisse aucune chance au sportif recourant.
7) Néanmoins, pour son client, un avocat se doit de poursuivre la procédure jusque dans ses derniers retranchements et pour préparer la défense, il conviendra :
- de se faire assister d’un pharmacien ou d’un médecin spécialiste des problèmes de dopage.
- de garder à l’esprit que si la plupart des arbitres, surtout s’ils sont anglosaxons ou de formation germanique, font précéder leurs noms du prédicat de « Dr » et ne sont pas scientifiques, mais uniquement juristes et ne risquent pas de contester les conclusions du laboratoire d’analyses dont on a vu qu’il n’y a aucune chance qu’il se contredise, puisqu’il fait l’expertise et la contre-expertise. L’assistance d’un médecin ou d’un pharmacien est essentielle.
8) Le TAS juge uniquement sur les principes élémentaires de l’AMA et la pertinence du raisonnement en défense est sans aucun effet.
Les principes suivants sont systématiquement applicables :
- Le sportif est le seul responsable des produits pouvant être retrouvés dans son organisme.
- La présence d’un produit suffit pour justifier les poursuites et fonder la condamnation, même si la quantité est insignifiante pour provoquer un effet dopant.
- Il est impossible de plaider que le produit a été inscrit par erreur sur la liste de l’AMA, et n’a aucun effet sur la performance.
9) Les moyens de défense sont donc très limités et ne peuvent résulter finalement au fond que des griefs suivants :
- Irrégularité de la procédure de prélèvement (à la condition que l’irrégularité ait été mentionnée dans le formulaire de contrôle du dopage ou que le sportif se soit abstenu de le signer pour la faire développer postérieurement par son avocat).
- Contamination accidentelle, le cas le plus fréquent et l’incrimination d’un contact physique entre deux partenaires dont l’un ou l’une utilise des produits dopants.
- Contamination involontaire due à l’imprudence d’un soigneur.
Mais, même dans ces deux dernières hypothèses, le sportif ne peut pas espérer une absolution, mais uniquement une réduction de la sanction à quelques mois au lieu de quelques années.
10) Recours contre la sanction du TAS.
Le recours contre la sentence arbitrale du TAS consiste à porter une demande de nullité de la sentence arbitrale devant le Tribunal fédéral de Lausanne (Il est à noter que la sanction s’applique immédiatement, dès que le contrôle s’est révélé positif.)
Il est vain de pouvoir espérer un remède devant cette juridiction. La population de Lausanne est celle d’un grand village (140 000 habitants).
Tout le monde se connait, l’arbitrage est le fonds de commerce de la Suisse et la présence de quasi-totalité des fédérations sportives internationales ne va pas justifier une initiative procédurale qui pourrait leur être préjudiciable !
On pourra seulement alors soutenir que la décision des juridictions helvétiques est le seul moyen de pouvoir accéder à la CEDH, qui n’accepte de déclarer recevable un recours qu’après épuisement des recours internes.
Il n’y a donc aucun espoir dans cette voie. La CEDH n’a jamais éprouvé un quelconque intérêt pour les affaires sportives qui ne viennent d’ailleurs jamais à l’audience (il suffit de rappeler les termes de la consultation de l’ancien président de la CEDH Jean-Paul COSTA, mentionné au début de cette étude), pour se faire une religion.
On peut en conclure que la défense du sportif est pratiquement impossible. D’autant plus que les médias ne se privent pas de diffuser les résultats d’un contrôle positif et de la sanction qui le suit. La solution ne peut être trouvée que dans la préparation des membres des équipes sportives au contrôle dont il peut faire l’objet.
Ainsi, certaines équipes sont assistées en permanence d’un avocat qui est en relation avec le médecin de l’équipe et peut donc utilement la défendre.
Par ailleurs, il faut une préparation en amont des épreuves sportives et insister pour que l’encadrement médical et juridique soit conscient des risques inhérents aux compétitions internationales et à leur articulation avec la préparation qu’elles nécessitent [2].
Enfin, il faut tenir compte de l’évolution des mœurs, la compétition internationale est un spectacle et l’épuisement des possibilités de records est inéluctable.