La Côte d’Ivoire aspire au développement, à l’émergence et cela passe nécessairement par des ivoiriens en bonne santé. C’est donc pour ces raisons que le gouvernement actuel a mis d’énormes moyens pour l’amélioration du système de santé. Plan national de développement sanitaire pour la période 2012-2015 basé sur la recherche de financement des projets liés à la santé, gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans, prise en charge totale des femmes enceintes et la couverture maladie universelle à très moindre coût. Toutes ces mesures ont pour but de faciliter le droit d’accéder aux soins, donc à l’hôpital à tous les ivoiriens sans distinction comme le précisent les articles 7 de la Constitution, 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et 16 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples de 1981.
Permettre aux populations d’avoir accès aux soins est un devoir pour les pouvoirs publics et accéder de façon équitable aux soins est un droit pour les citoyens. Mais que se passe-t-il une fois à l’hôpital, que l’établissement soit public ou privé ? Les patients, surtout les plus défavorisés sont très souvent laissés pour compte dans les hôpitaux publics.
Dans les cliniques privées, étant donné les sommes que vous déboursez, l’attention est un peu plus présente. Mais ce qui choque le plus c’est lorsque l’hôpital public pour des raisons de capacité d’accueil et la clinique privée probablement pour des raisons de prestige ou la crainte de statistiques sombres ou macabres décident de ramener chez lui le patient en fin de vie.
Les médecins se rendant compte que le patient n’ayant plus de chance de survie parce que étant au stade terminal d’une maladie devenue incurable. Le patient, son conjoint, la famille et la personne de confiance si elle a été désignée repartent en ignorant totalement ce qui se passe parce que aucune information n’a été fournie par le corps médical ou si elle l’a été, elle manque de crédibilité, de sincérité et de précision. Ces agissements des médecins sont en contradiction avec l’article 33 du Code de déontologie médicale de Côte d’Ivoire qui dispose qu’ : « un pronostic grave peut légitimement être dissimulé au malade… mais il doit être révélé à sa famille, à moins que le malade ait préalablement désigné les tiers auxquels cette révélation doit être faite ». En décidant de laisser le patient rejoindre son domicile qui n’est pas médicalisé et aller certes vers une mort certaine mais dans la douleur et en violation des principes du droit médical et de la santé tels que le droit de mourir dignement, le droit de mourir avec le moins de douleur possible et le droit au respect et à l’intégrité du corps humain, les médecins se posent en premiers pourfendeurs des principes qu’ils se sont eux-mêmes fixés.
En effet, au terme de l’article 2 du Code de déontologie médicale nous retenons que « le respect de la vie humaine constitue en toute circonstance le devoir primordial du médecin » ce que confirme l’article 27 du même Code « le médecin dès qu’il est appelé à donner des soins à un malade et qu’il a accepté de remplir cette mission, s’oblige : à agir toujours avec correction et aménité envers le malade et à se montrer compatissant avec lui ».
Alors quelle est cette compassion où il y a volonté manifeste de dissimuler la vérité, où il y a manque de sincérité à l’égard de son « co-contractant » ? Ne serait-il pas plus correct de dire la vérité à son patient (s’il se trouve en état de recevoir ladite information) sur son état afin de lui permettre de jouir pleinement des derniers instants de vie qu’il lui reste ? Cette vérité qui une fois dite au conjoint ou à la famille permettra à ces derniers d’accompagner dignement leur parent vers la mort. Maintenir le malade et la famille dans l’ignorance de ce qui se passe en violation de leur droit à l’information, c’est leur donner l’espoir d’une guérison future. Et lorsque la mort frappe subitement quelques temps après le départ de l’hôpital ou de la clinique, c’est l’incompréhension. Ce qu’on ne nous dit pas, c’est que le malade après avoir été « dopé » de remontants a brusquement et irréversiblement rechuté. Le drame dans cette histoire, nous sommes africains, les regards se tournent immédiatement vers le village.
Nous pensons que nous juristes, médecins, patients et autorités administratives et politiques, devrions porter un tant soit peu notre regard sur les modalités d’accompagnement des personnes en fin de vie dans nos hôpitaux. Sans vouloir dans un premier temps faire la promotion du droit à l’euthanasie, c’est-à-dire laisser le choix au malade de mettre fin à ses jours, ce qui va à l’encontre de nos mœurs africaines.
Et dans un second temps, sans vouloir ériger en principe du droit médical l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire soigner coûte que coûte le patient même lorsque son cas est désespéré, nous devons impérativement mettre en place un véritable système de soins palliatifs et d’accompagnement des malades les plus gravement atteints afin de leur permettre de rendre l’âme sans trop de douleur et dans la dignité.