En l’espèce, un patient consulte un chirurgien orthopédiste en raison de l’apparition de douleurs au genou gauche suite à un accident de roller survenu quelques mois plus tôt. Le chirurgien, posant le diagnostic d’une subluxation rotulienne, indique au patient la nécessité d’une opération de type arthrolyse fémoro-patellaire externe.
Lors de l’opération, le chirurgien découvre une poche de tissus sous-cutané qu’il décide d’enlever immédiatement et de l’envoyer pour analyses.
Après l’opération, le patient développe un hématome nécessitant une seconde intervention chirurgicale. Le chirurgien indique au patient que les analyses de la proche de tissus démontrent que celui-ci n’était pas inflammé, qu’il n’y avait donc aucune nécessité de procéder à son ablation.
La Cour de cassation sanctionne doublement le professionnel de santé :
D’une part, en raison de l’ablation d’un organe sain ;
D’autre part, en raison de la délivrance d’une information erronée sur l’état de santé du patient en post-opératoire.
L’ablation d’un organe sain.
Sur ce point, la Cour de cassation valide le raisonnement opéré par la cour d’appel qui a retenu que l’exérèse de la bourse était inutile et donc constitutive d’une faute du chirurgien l’obligeant ainsi à réparer un préjudice moral découlant de l’ablation d’un organe sain.
Elle poursuit à travers un attendu de principe dont la simple lecture suffit à comprendre la portée :
« les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances n’incluaient pas ce préjudice, dont elle avait constaté l’existence, elle a pu l’indemnisation distinctement et n’a pas méconnu le principe d’une réparation intégrale sans pertes ni profit pour la victime ».
Autrement dit : l’exérèse d’un organe sain constitue, en elle-même, une faute et un préjudice moral indemnisable pour le patient du seul fait de l’ablation.
Le patient peut donc en solliciter l’indemnisation alors même que cette ablation n’a entraîné, en elle-même, aucun déficit fonctionnel ou souffrances endurées.
Cette jurisprudence s’inscrit dans la continuité d’un mouvement déjà opéré par la Cour de cassation qui tend désormais à consacrer l’existence de préjudices autonomes, qui existent du seul fait de l’atteinte à un droit (voir notamment l’article Le préjudice autonome en cas d’offre manifestement insuffisante) ; mais également le préjudice moral résultant de la seule atteinte au droit fondamental à la santé [1].
Reste que l’évaluation d’un tel préjudice apparaît plus que délicate, ce que confirme la jurisprudence citée, la Cour de cassation validant son indemnisation à hauteur de …. 1 000 Euros.
L’information médicale erronée donnée au patient en post-opératoire.
Au sein du compte-rendu opératoire, le chirurgien avait noté l’existence d’un épanchement de la bourse rotulienne (ce qui est inexact) mais a également indiqué que c’est justement cet épanchement qui était responsable de la pathologie préopératoire, ce qui est également inexact.
Il s’agit là d’informations erronées sur l’état de santé du patient qui lui sont données.
Cette simple circonstance justifiant là encore de l’indemnisation d’un préjudice moral autonome réparable.
Cette solution pourrait ne pas apparaître comme inédite. Il était effectivement déjà acquis que le professionnel de santé doit à son patient une information exacte sur les risques encourus, et commet donc une faute en lui indiquant un risque nettement inférieur à celui de la littérature médicale [2].
Ainsi le manquement au devoir d’information cause un préjudice moral au patient [3].
Néanmoins, cette solution avait alors été uniquement appliquée dans des cas où l’information délivrée portait sur un risque qui s’était effectivement réalisé, le préjudice réparé était celui de l’impréparation au risque [4]. Dans le cas d’espèce, l’information concernait les circonstances dans lesquelles la pathologie post-opératoire était apparue, c’est donc l’atteinte au droit à l’information du patient qui est, en elle-même, réparée. Ce faisant, la Cour de cassation confère une véritable portée juridique aux dispositions de l’article L1111-1 du Code de la santé publique.
Reste que, là encore, l’évaluation est délicate et ne peut semble-t-il revêtir qu’une portée symbolique, la Cour de cassation validant l’indemnisation à hauteur de … 2 000 Euros