Par un arrêt du 14 janvier 2010 la 1ère Ch de la Cour de Cassation apporte de nouvelles limites au statut d’irresponsabilité des hébergeurs en reconnaissant une éventuelle responsabilité éditoriale (Tiscali c/ Dargaud, Lombard, Lucky Comics), pourvoi numero 06-18855.
La société TISCALI hébergeait des sites personnels dont l’un donnait accès de façon illicite à des reproductions de bandes dessinées.
L’éditeur du site ayant communiqué une adresse fantaisiste et les données de connexion ayant été détruites, les titulaires des droits des bandes dessinées ont assigné la société TISCALI pour sa responsabilité éditoriale.
Tiscali invoquait pour sa part le tatut d’irresponsabilité de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 (version LCEN).
Cet arrêt pose des limites au principe d’irresponsabilité de l’hébergeur en constatant que celui ci ne s’est pas limité à des prestations purement techniques.
Pour autant, faute d’un pourvoi adequat, la Cour de Cassation n’a pas eu à se prononcer sur l’étendue de la responsabilité éditoriale de ce prestataire et rejette le pourvoi de Tiscali qui contestait la moindre responsabilité éditoriale sur un site personnel pour les contenus illicites de reproduction de bandes dessinées.
L’arrêt n’en est pas moins extrêmement interessant en ce qu’il retient, comme la Cour d’Appel de Paris ( Paris 7 juin 2006), la possibilité pour un hébergeur d’être également éditeur des contenus du site hébergé.
Mais cette affaire laisse malgré tout un gout d’inachevé. Qu’en aurait il été si d’autres arguments avaient été invoqués ?
Le raisonnement que je préconise , en matière de communication sur Internet, est de toujours procéder par analogie et d’appliquer le principe communautaire de neutralité technologique (pour un exemple : Cf Dijon 17 février 2009.)
L’application du principe de neutralité technologique aurait déja permis de constater, ce qui était contesté, que Tiscali n’était pas seulement hébergeur, mais également support de publicité, ayant à ce titre une responsabilité éditoriale sur les publicités affichées.
Ce n’est dès lors pas en qualité d’hebergeur qui n’aurait pas respecté ses obligations que Tiscali est condamné ("le premier moyen est inopérant"), mais en qualité d’éditeur.
Faute pour l’éditeur réel d’être identifié, la Cour a retenu que TISCALI avait une responsabilité éditoriale sans pour autant rechercher si elle n’était pas limitée au contenu publicitaire.
Naturellement, il aurait été souhaitable que la défense mette en avant devant la Cour d’Appel les limites de cette responsabilité éditoriale à la seule publicité éditée, plutot que son absence.
L’auteur des contenus n’ayant pu être recherché, faute pour l’hébergeur d’avoir pu communiquer des données permettant de l’identifier , la Cour d’Appel avait constaté que TISCALI était responsable en qualité d’auteur de la publication en ayant effectivement également contribué à la création d’une partie du contenu.
Rappelons que la Cour de Cassation ne juge pas une troisième fois mais se borne à vérifier que les textes ont été bien appliqués.
Il aurait été interessant que par un troisième moyen elle soit interrogée sur l’étendue et les limites de la responsabilité éditoriale de l’hébergeur qui ne se limite pas à de simples prestations techniques mais dont l’activité éditoriale est limitée à de la publicité ....
Extrait de la décision : Mais attendu que l’arrêt relève que la société Tiscali média a offert à l’internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et proposé aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion ; que par ces seules constatations souveraines faisant ressortir que les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage, visées par l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2000 applicable aux faits dénoncés, de sorte que ladite société ne pouvait invoquer le bénéfice de ce texte, la décision de la cour d’appel est légalement justifiée ; que le premier moyen n’est donc pas fondé et le second est inopérant
Une affaire décidemment très interessante !
Gilles BUIS - Avocat
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