Rapport d'application de la loi Economie Numérique à l'aune de la LCEN 2, par Aurore Bechar

Rapport d’application de la loi Economie Numérique à l’aune de la LCEN 2, par Aurore Bechar

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Explorer : # Économie numérique # responsabilité des hébergeurs # commerce électronique # protection des données personnelles

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Depuis sa publication le 22 juin 2004, la LCEN (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) a « vécu » et des dérives sont apparues.

Ce texte s’est attaché notamment à la cryptologie et au commerce électronique : délimitation de l’activité de commerce électronique, dit encore e-commerce, responsabilité des commerçants en ligne, encadrement juridique des instruments du commerce électronique.

Rappels :

La loi n° 2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique est un texte fondateur. Composée de 58 articles, elle transpose la directive européenne du 8 juin 2000 relative au commerce électronique et une partie de la directive européenne du 12 juillet 2002 relative à la protection des données personnelles dans les communications électroniques.

Les rapporteurs M. Jean DIONIS du SÉJOUR et Mme Corinne ERHEL (Députés) ont tout d’abord soulignés que sur les 58 articles de la loi, 12 nécessitaient des décrets d’application.

Or au 23 janvier 2008 l’on comptait pas moins de 5 articles de la loi totalement inapplicables du fait de l’absence de décret d’application.

En conséquence, les articles 6, 18, 22, 28 et 55 de la loi ne sont sans effet.
Précisément, le décret relatif à l’article 6 concernant l’obligation de transparence (identification des auteurs de site notamment) est en cours, de même pour l’article 22, relatif aux automates d’appel.

De leurs côtés les décrets pour l’application des articles 28 (Adaptation des règles du e-commerce aux terminaux mobiles) et 55 (Numéros d’appel gratuits depuis des téléphones portables) ne verront tout simplement pas le jour.
En effet, pour le premier, le décret n’est pas à ce jour nécessaire tandis que le second voit son application suspendue.

Bilan de l’application de la loi :

La nouveauté du statut d’hébergeur est qu’il prévoit, par rapport à celui d’éditeur, une responsabilité limitée pour les contenus illicites. La loi prévoit donc que la responsabilité, civile ou pénale, des hébergeurs pour les infractions commises sur leur réseau n’est engagée que s’ils en ont eu effectivement connaissance, et n’ont pas alors « agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible ».

En pratique, pour faire une distinction telle que la loi le prévoit, le juge doit apprécier le statut de l’individu qui lui est présenté. A la lecture du texte de loi, rien de plus facile semble-t-il.

L’hébergeur en contrepartie de cette responsabilité allégée s’est vu contraint par la loi de :

- concourir à la lutte contre les infractions d’apologie de contre l’Humanité, l’incitation à la haine, la pornographie enfantine et d’incitation à la violence et les atteintes à la dignité humaine.
En conséquence doit « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données ».

- Ils ont également l’obligation « d’informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites mentionnées à l’alinéa précédent qui leur seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de leurs services ».

- Enfin, il doit « de rendre publics les moyens qu’elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites. »

L’article 6-III dispose que les éditeurs sur Internet doivent mettre à la disposition du public leurs coordonnées (nom, raison sociale, adresse, numéro de téléphone, nom du directeur de la publication) et les coordonnées de l’hébergeur.

Qu’en est-il en pratique ?

Ce dispositif est loin de faire l’unanimité.

Il est clair qu’une demande de plus grande responsabilité des hébergeurs continue à traverser la société. La jurisprudence quant à elle propose des solutions qui sont souvent discordantes.

Les rapporteurs citent :

Ces deux décisions se sont d’abord appuyées sur le fait que l’hébergeur organisait une structure d’hébergement pour la publication des informations stockées pour justifier sa qualité d’éditeur.

- Arrêt « Tiscali Media c/ Dargaud Lombard » du 7 juin 2006, la Cour d’appel de Paris.
- Décision du Tribunal de grande instance de Paris du 22 juin 2007

Or la loi avait prévu un dispositif simple évitant toute confusion entre l’un et l’autre.

Le rapport souligne aussi que des décisions de justice ont choisi d’étendre de fait aux propos diffamatoires ou aux atteintes à la vie privée le régime des contenus odieux qui doivent être notifié par les internautes aux hébergeurs.
- décision du 6 juin 2007 (SARL Lycos France c/Abdelhadi S. et SA Dounia et SAS iEurop)
- décision du 6 décembre 2006 rendue dans la même affaire Lycos France, la Cour d’appel de Paris.

La l’article 6 de la LCEN est clair : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 (c’est-à-dire les hébergeurs) ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. »

- Les rapporteurs attirent l’attention du législateur sur le fait que depuis la publication de la loi, la technologie a évolué. Est apparu le Web 2.0 qui correspond à l’ensemble des sites coopératifs ou collaboratifs (tels Wikipedia, Daily Motion).

- Ensuite se pose aussi le problème de la protection des intérêts privés et des droits d’auteur sur le net. Sur ce point la protection n’est pas satisfaisante.

- Concernant les dispositions relatives au commerce électronique, le bilan de ce côté est positif.
Le législateur avait souhaité développer ce type de commerce, la croissance est de mise.
La loi avait prévu un régime de responsabilité particulier permettant à l’internaute de contracter en toute confiance. L’article 14 de la loi définit le commerce électronique comme étant « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services. »
Selon l’article 15 de la loi, «  toute personne physique ou morale exerçant l’activité définie au premier alinéa de l’article 14 est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. »

« Le commerçant électronique est responsable si par exemple « un matériel commandé n’est pas livré, le vendeur électronique est responsable devant l’acheteur du problème constaté, alors même qu’il l’aurait bien fourni mais que ce serait le livreur qui l’aurait égaré »

Si les rapporteurs soulignent que les commerçants en ligne ont du faire face à un contentieux important, l’objectif est atteint.
Le régime de responsabilité spécifique instauré par la LCEN a créé les conditions de développement du commerce en ligne.

- Le début de la dématérialisation du droit privé avait été prévu par la loi. Mais aujourd’hui le bilan est maigre. Le code civil a été modifié afin d’assimiler l’écrit papier à l’écrit électronique.
Précisement l’article 1108-1prévoit que : « Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu’un acte authentique est requis, au second alinéa de l’article 1317.
« Lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même. »

Mais certains domaines ont été exclus dans l’article 1108-2 :« – Il est fait exception aux dispositions de l’article 1108-1 pour :
« 1° Les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions ;
« 2° Les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession. »
Mais les difficultés subsistent comme le démontre l’audition du Conseil supérieur du notariat.

- Le spamming doit lui aussi être modifié pour tenir compte de la naissance du bues spam (message électronique envoyé à travers le réseau Bluetooth sur un téléphone portable).
La loi a prévu que la prospection directe automatisée envers les personnes physiques ne doit être adressée qu’à des personnes ayant librement communiqué leurs coordonnées électroniques à cette fin.
Le principe ne connaît que deux exceptions :
> « les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services » ;
> « la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale » et cela à condition que le destinataire se voie offrir très clairement la possibilité de s’opposer, sans frais, à l’utilisation de ses coordonnées lors du recueil de ses coordonnées et à chaque fois qu’un courrier électronique de prospection lui est adressé. »

Des difficultés concernant la détermination des services analogues est apparue.
Enfin la CNIL a considéré que ces dispositions n’avaient vocation à jouer dans le cas de prospection électronique auprès d’interlocuteurs professionnels en conséquence le consentement des personnes physiques à recevoir des messages publicitaires n’avait pas à être demandé.
Des zones d’ombres subsistent et les rapporteurs souhaitent que le législateur se saisisse de ces questions.
- Concernant la couverture numérique du territoire, il faut selon les rapporteurs « demander au Gouvernement d’établir un bilan de la manière dont les collectivités locales se sont saisies des possibilités offertes par l’article L. 1425-1 (1) du code des postes et des communications électroniques »

Que doit-on modifier ?

Les rapporteurs proposent notamment de :

- « confirmer le régime juridique dérogatoire du commerce électronique, qui attribue aux commerçants électroniques la responsabilité de plein droit de l’exécution du contrat à l’égard de l’acheteur.
- Travailler à lever les obstacles à la numérisation du droit privé, notamment en matière d’état-civil et d’actes sous seing privé.
- Préciser le régime législatif de la prospection commerciale électronique de professionnel à professionnel ».

(1) « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, deux mois au moins après la publication de leur projet dans un journal d’annonces légales et sa transmission à l’Autorité de régulation des télécommunications (devenue depuis Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de télécommunications (…), acquérir des droits d’usage à cette fin ou acheter des infrastructures ou réseaux existants. »)

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