Un échantillon représentatif de la population active a été interrogé par la HALDE du 26 au 30 novembre 2009. Voici quelques résultats de cette étude (limités aux réponses données par les salariés du privé auxquels le Code du travail est applicable de plein droit).
Les sondés pouvaient se déclarer « victime » ou / et « témoin » d’actes de discrimination. Les questions portaient aussi sur le ressenti (le « sentiment d’être discriminé »). Parfois, plusieurs réponses pouvaient être données aux questions posées.
Concernant les réponses des salariés se déclarant « victimes » d’une discrimination :
36 % des salariés interrogés ont le sentiment d’être victimes d’une discrimination au travail à un moment ou un autre de leur carrière.
Donc, plus d’un tiers des salariés partagent le sentiment qu’ils ne sont pas traités ou n’ont pas été traités de façon égalitaire dans le cadre de leur travail.
Dans quelles situations ?
Au quotidien : 14 % ; dans l’évolution de leur carrière : 17 % ; pour les augmentations : 16 %
Au retour d’un congé de maternité : 13 %
Les raisons de cette discrimination pour les victimes sont (plusieurs réponses possibles) :
Grossesse / maternité : 31 %
Age (plus de 45 ans) : 30 %
Sexe : 26 %
Origine ethnique : 32 %
Il est intéressant de noter que les réponses données par les salariés qui se disaient « témoins » d’actes de discrimination sont comparables (respectivement : 33, 30, 29 et 38 %).
Le quarté gagnant des causes de discrimination reste bien à l’horizon décembre 2009 :
Situation de famille
Age
Sexe
Origine ethnique
Bien entendu, ces causes peuvent s’ajouter pour le même salarié…
Pour les victimes, les auteurs des actes de discrimination qu’ils ont subis sont (plusieurs réponses possibles) :
Le supérieur direct : 42 %
la Direction de l’entreprise : 46 %
les collègues : 29 %
(Pour les « témoins », les réponses sont respectivement : 44, 38 et 33 %)
Il est intéressant de constater le rôle de certains collègues dans les situations de discrimination, comme dans les situations de harcèlement moral.
Quelle a été la réaction de la victime (plusieurs réponses possibles) ?
« J’en ai parlé à ma Direction » : 34 % ;
« …aux représentants du personnel » : 27 %
« J’ai gardé le silence » : 40 %
« j’ai démissionné / demandé ma mutation » : 11 %
« J’ai intenté une procédure en justice » : 9 %
« j’ai consulté un avocat » : 7 %
« J’ai contacté l’inspection du travail » : 12 %
« j’ai contacté la HALDE » : 1 %
Près d’un salarié discriminé sur deux a donc subi en silence sa situation de discrimination et / ou choisi de démissionner ou de se faire muter pour la faire cesser. Dans ces hypothèses, l’acte de discrimination a pu se développer sans frein et sans aucune sanction.
Seul un salarié sur dix à peine a cherché à faire reconnaître sa discrimination en justice et à obtenir réparation pour le dommage subi.
La HALDE, pourtant chargée de ces questions, n’est citée que par 1 victime sur 100.
L’inspection du travail, chargée du contrôle de l’application des dispositions sur la non-discrimination et de constater les infractions commises, est également consultée dans environ un cas sur dix seulement. Elle a pourtant le pouvoir de se faire communiquer tout document ou information susceptible d’établir l’existence d’une discrimination (Articles L. 8112-2 et 8113-5 du Code du travail).
Les « témoins » d’actes de discrimination en parlent à leur Direction et à leurs représentants du personnel dans les mêmes proportions.
Concernant enfin l’attitude des « témoins » d’actes de discrimination :
Quatre « témoins » sur dix gardent le silence sur les actes de discrimination car (plusieurs réponses possibles) :
« Cela ne sert à rien / ne changera rien » : 55 %
« je crains des représailles » : 28 %
« je n’ai pas intérêt à agir » : 24 %
Sur les deux premières réponses des « témoins », quelles sont les réponses que l’Avocat peut apporter ?
« Cela ne sert à rien de témoigner » :
L’arsenal légal est au contraire développé et redoutablement efficace à condition que les faits de discrimination soient établis. Il s’agit donc d’une question de preuve qui justifie que l’Avocat spécialisé en droit social soit consulté au préalable afin d’examiner l’intégralité du dossier avant d’agir.
La Loi prévoit qu’est nul de plein droit "toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions légales en matière de non-discrimination » (article L. 1132-4 du Code du travail). Faire reconnaître en justice qu’un acte est discriminatoire entraîne sa nullité ce qui veut dire que cet acte n’a jamais existé ou que ses effets sont réduits à néant (par exemple : licenciement, rétrogradation).
Notamment, est nul le licenciement d’un salarié faisant suite à son action en justice pour discrimination à condition qu’il soit prouvé que ce licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse à l’exception de l’action en justice du salarié. Dans ce cas, la réintégration du salarié est prononcée et le salarié est réputé n’avoir jamais quitté son emploi. Si le salarié refuse sa réintégration, il perçoit une indemnité égale au moins aux salaires des six derniers mois ainsi que l’indemnité de licenciement. L’entreprise doit, en outre, rembourser à Pôle Emploi l’équivalent de six mois d’indemnités chômage du salarié.
Les entreprises sont conscientes de ce risque financier très lourd.
« Je crains des représailles » :
La Loi garantit la protection du salarié qui témoigne d’actes de discrimination (article L. 1132-3 du Code du travail : « Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et 1132-2 ou pour les avoir relatés »).
Pour conclure,
La non-discrimination est un principe de droit à valeur constitutionnelle qui s’impose aux entreprises lorsqu’elles arrêtent une décision d’embauche, de promotion, de salaire ou pour la prise d’une sanction disciplinaire. Sa traduction juridique dans le Code du travail est l’article L. 1132-1.
Son non-respect expose à des sanctions civiles mais également pénales (si les faits font l’objet de poursuites pénales) : article 225-2 du Code pénal (amende de 45 000 euros maximum et peine de prison de 3 ans au plus).
Oui, la discrimination est bien un « délit » pénal. En tant que tel, ce délit, une fois caractérisé et jugé, entraîne inscription sur le casier judiciaire de son auteur.
La responsabilité pénale des entreprises (personnes morales) peut également être engagée (article 121-2 du Code pénal) « en raison des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ». L’amende maximale infligée à la personne morale est cinq fois supérieure à celle prévue pour une personne physique commettant la même infraction. En cas de récidive, l’amende a un taux maximal de dix fois celle prévue pour une personne physique.
L’attention des entreprises, de leurs responsables et de leurs collaborateurs doit donc être attirée par leur Conseil sur ce risque financier et d’image dont les conséquences peuvent se révéler désastreuses. En cela, la lutte contre toutes les formes de discrimination au travail n’est pas un gadget ou un vernis à la mode et ne se limite pas à obtenir un label "Diversité" : c’est l’une des données majeures dans la cartographie des risques que toute entreprise se doit de dresser pour assurer sa longévité.
Pour consulter l’étude de la HALDE dans son intégralité, rendez-vous sur le site de la HALDE : http://www.halde.fr/Egalite-au-travail-ou-en-est-on,13107.html
Nadine REGNIER ROUET
Avocat à la Cour, spécialisé en droit social
Certificat Barreau de Paris de spécialisation en droit social (1985)