Idée reçue : « un salarié ne peut pas être licencié pendant un arrêt maladie ». Par Pierre Robillard, Avocat.

Idée reçue : « un salarié ne peut pas être licencié pendant un arrêt maladie ».

Par Pierre Robillard, Avocat.

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Explorer : # licenciement # arrêt maladie # discrimination # droit du travail

Ce que vous allez lire ici :

Un employeur ne peut pas licencier un salarié en arrêt maladie en raison de son état de santé. Les discriminations basées sur la santé sont interdites. Des exceptions existent, comme des motifs de licenciement antérieurs à l'arrêt ou des perturbations sérieuses au sein de l'entreprise. Les protections augmentent pour les accidents du travail et maladies professionnelles.
Description rédigée par l'IA du Village

La période de maladie est souvent perçue comme rendant impossible la rupture du contrat de travail. Elle provoque en effet une suspension des obligations principales du salarié, qui n’est plus en mesure d’accomplir sa prestation. Mais sur le plan juridique, contrairement à l’idée reçue, la possibilité d’un licenciement n’est pas exclue. Au principe général de non-discrimination se sont greffées un certain nombre d’exceptions.

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Le principe : aucune rupture possible en lien avec l’état de santé du salarié.

Aucune mesure ne peut être prise par un employeur sur le fondement de l’état de santé du salarié (au même titre que sa situation de famille, son apparence physique, son identité de genre, son âge, ses opinions politiques, etc.). Ce genre de discrimination est prohibé par le Code du travail et même puni par le Code pénal. Un salarié ne peut donc pas être licencié parce qu’il est en arrêt maladie, quelle que soit la durée de celui-ci et de l’opinion qu’en a son employeur (notamment parce qu’il estime que l’arrêt est « de complaisance » - rappelons qu’il a alors la possibilité de faire contrôler le salarié par un médecin de recours s’il y a un doute, avec pour effet de suspendre le versement du complément de salaire mais toujours pas de pouvoir licencier le salarié).
Ce principe est applicable pendant un arrêt de droit commun, et a fortiori pendant un arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle où le salarié bénéficie d’une protection supplémentaire comme nous le verrons plus loin.
Les sanctions sont sévères pour un employeur qui s’aviserait de procéder tout de même à un licenciement pour ce motif-là : en effet, dans une première hypothèse il encourt le versement de dommages et intérêts d’un montant minimum de 6 mois de salaire, en plus des indemnités de rupture déjà versées (indemnité de licenciement, éventuel préavis). Il n’y a pas de montant maximum, le fameux barème « Macron » n’est pas applicable. Le juge le fixe en fonction de la demande qui lui est présentée qui tient habituellement compte de l’âge et de l’ancienneté du salarié ainsi que, plus généralement, du préjudice qu’il a subi en étant illicitement évincé. Dans une seconde hypothèse, le salarié peut solliciter sa réintégration dans l’entreprise. Rare en pratique, cette possibilité lui permet donc d’annuler son licenciement au sens propre c’est-à-dire le priver totalement d’effet : il reprend son poste « comme si de rien n’était ». Il ne perçoit pas d’indemnité de rupture ni les 6 mois minimum mais récupère le versement d’une indemnité d’éviction correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Première exception : la découverte par l’employeur d’un motif de licenciement pendant l’arrêt maladie du salarié.

Pendant l’arrêt, il est fréquent que l’employeur reprennent les attributions du salarié absent et il peut alors découvrir des faits susceptibles de lui être reprochés (notamment parce que le travail demandé n’a pas été accompli ou mal accompli). Cette découverte peut conduire à l’engagement d’une procédure de licenciement au motif personnel, à condition que les faits fautifs remontent à moins de 2 mois au moment où l’employeur les découvre. La procédure de licenciement peut alors se dérouler alors même que le salarié se trouve toujours en arrêt. Le motif de licenciement invoqué doit n’avoir aucun lien avec l’état de santé et l’arrêt maladie, il peut être personnel comme on vient de l’indiquer mais également économique si l’entreprise rencontre des difficultés. Le licenciement peut alors être notifié au salarié en cours d’arrêt de travail pour une cause antérieure à la suspension du contrat, mais également pour des faits survenus au cours de cette période : cela concerne le cas de manquement du salarié à son obligation de loyauté envers l’entreprise. Cette obligation de loyauté est la seule qui perdure pendant la suspension du contrat ; elle consiste principalement pour le salarié à ne pas effectuer d’actes de concurrence envers son employeur pendant l’arrêt.
Enfin, l’employeur et le salarié peuvent parfaitement convenir d’une rupture conventionnelle pendant une période d’arrêt de travail à condition que le consentement du salarié reste valide (autrement dit que sa pathologie ne lui est pas retiré ses capacités d’appréciation pour un acte aussi important : il pourrait en effet en demander l’annulation s’il a été victime de menaces ou de pressions ou encore si l’employeur a abusé de son état de faiblesse pour lui faire accepter la rupture).

Deuxième exception : le licenciement pendant un arrêt en raison de la perturbation causée à l’entreprise.

Si l’absence du salarié pour maladie ne peut en aucun cas justifier en soi un licenciement, en revanche, les perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par cette absence prolongée ou les absences répétées du salarié en raison de sa maladie peuvent constituer une cause de licenciement. Pour être valable, ce type de rupture doit remplir deux conditions cumulatives : d’une part, la perturbation de l’entreprise ou d’un service essentiel à son fonctionnement et d’autre part, la nécessité du remplacement définitif du salarié (c’est-à-dire une embauche au même poste sous CDI).
Au-delà de ces deux conditions indispensables, certaines conventions collectives comportent des clauses dites « de garantie d’emploi », qui interdisent à l’employeur de licencier le salarié malade pendant une période donnée même si son absence perturbe l’entreprise. Le licenciement prononcé en violation d’une telle garantie serait abusif. Sauf mention contraire de la convention, la clause de garantie d’emploi ne fait pas obstacle à un licenciement pour un autre motif que la perturbation (par exemple l’inaptitude constatée par le médecin du travail, l’insuffisance professionnelle, le motif économique ou disciplinaire).

Troisième exception : le licenciement pendant un arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle.

Comme précisé plus haut, le salarié en arrêt de travail bénéficie d’une certaine protection qui est accru si cet arrêt est consécutif un accident du travail ou une maladie professionnelle. Le Code du travail prévoit en effet une limitation au pouvoir patronal qui pouvoir justifier « soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie » [1]. La définition de la faute grave ne fait plus l’objet de débat juridique depuis un moment : c’est celle dont l’importance rend impossible le maintien du salarié à son poste pendant la durée du préavis. Pour prononcer le licenciement, c’est l’employeur qui l’apprécie mais en cas de contestation par le salarié alors c’est le juge qui portera son appréciation souveraine sur les faits litigieux et qui qualifiera la faute, soit en confirmant sa gravité, soit en la dégradant en faute simple voire en l’absence de fautes ; dans ces deux derniers cas le licenciement sera considéré comme abusif.
Le second motif possible pour prononcer un licenciement pendant un arrêt consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle est plus délicat à manier encore : en effet, « l’impossibilité de maintenir le contrat » doit résulter de circonstances indépendantes du comportement du salarié (ce ne peut donc pas être une faute - sauf grave) et de son état de santé. Notamment, le licenciement ne peut donc pas être motivé par la nécessité de remplacer le salarié pour préserver la survie de l’entreprise ou par les perturbations causées par son absence.

Quatrième exception : la déclaration d’inaptitude du salarié par le médecin du travail.

Obligatoire après un arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle d’au moins 30 jours ou 60 jours s’il s’agit d’un arrêt de droit commun, sans délai particulier pour un retour après un congé maternité, cette visite a pour objet de vérifier l’aptitude du salarié à reprendre le poste qu’il occupait avant son arrêt. Si elle débouche sur une déclaration d’inaptitude, alors l’employeur doit tenter de reclasser le salarié dans l’entreprise selon les indications mentionnées par le médecin du travail (il peut toutefois en être dispensé expressément). En l’absence de reclassement possible, le licenciement doit avoir lieu dans les 30 jours, à défaut de quoi l’employeur doit reprendre le règlement du salaire alors que le salarié ne travaille plus. Si l’on veut être très pointilleux, il s’agit en réalité d’une « fausse exception » au principe de non rupture pendant un arrêt car cette visite médicale de reprise a lieu par définition alors que le salarié n’est justement plus en arrêt - elle doit avoir lieu dans les 8 jours de la fin de l’arrêt. Ce qui signifie que si le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, ce licenciement n’a pas lieu pendant son arrêt de travail. Là aussi, le motif du licenciement ne peut pas être lié à l’état de santé du salarié mais il reposera, selon la formule consacrée, sur son « inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement ».

Conclusion.

Tout arrêt de travail doit conduire l’employeur à redoubler de prudence avant d’envisager la rupture du contrat de travail. Son pouvoir habituel est en effet plus strictement encadré et les conséquences financières d’une erreur peuvent être considérables. Du côté du salarié, l’arrêt de travail ne constitue pas une exonération de responsabilité ; pendant cette période, il conserve la plupart de ses droits et notamment celui de contester une rupture abusive.

Pierre Robillard, avocat au barreau de Saint-Etienne
spécialiste en droit du travail, diplômé de Sciences Po Paris

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Notes de l'article:

[1Article L1226-9 du Code du travail.

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