Dans l’éventualité d’un licenciement pour motif économique, c’est bien souvent une modification de leur contrat de travail qui est d’abord proposée aux salariés. En cas de refus, l’obligation de reclassement commence à s’appliquer.
Des propositions de reclassement sont alors soumises par l’employeur au salarié. Si aucune n’est acceptée, l’employeur notifie le licenciement pour motif économique.
L’obligation de reclassement en matière de licenciement pour motif économique intervient en amont. C’est, comme le disait le Doyen Philippe Waquet, une obligation de moyens renforcée, car l’employeur devra prouver la loyauté et le sérieux de ses recherches d’un poste de reclassement.
Le caractère protecteur de l’obligation de reclassement permet de l’assimiler à un droit fondamental, le Conseil constitutionnel considérant qu’elle découle directement du droit de chacun d’obtenir un emploi.
En amont de la procédure de licenciement, l’employeur doit tenter, de reclasser le salarié dans l’entreprise mais aussi dans le groupe auquel appartient l’entreprise. Ainsi les sociétés multinationales ont-elles une double obligation de reclassement, ce qui peut constituer, selon le point de vue, une action nécessaire au maintien du salarié dans l’emploi ou une action délicate à mettre en œuvre pour les entreprises.
La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, instaure une nouvelle version de l’article L 1233-4-1 dans le Code du travail.
Qu’en est-il aujourd’hui du reclassement à l’étranger dans les groupes à dimension internationale ?
Afin de mieux comprendre l’apport de la loi Macron sur la question du reclassement à l’étranger, il convient de s’intéresser à son évolution depuis le 1er mai 2008.
Le reclassement à l’étranger avant la loi du 18 mai 2010.
L’ancien article L 1233-4 du Code du travail en vigueur du 1er mai 2008 au 20 mai 2010 disposait : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. ».
Sans autre précision quant au périmètre géographique de l’obligation de reclassement, la jurisprudence est venue préciser que :
« les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » [1], « même si certaines de ces entreprises sont situées à l’étranger dès l’instant que la législation applicable localement n’empêche pas l’emploi de salariés étrangers » [2].
L’employeur était donc tenu de proposer des offres de reclassement dans des entreprises situées à l’étranger et appartenant au groupe.
La Chambre sociale a par ailleurs considéré que l’obligation pour l’employeur de proposer « des postes disponibles » était une obligation à appliquer à la lettre. Ce dernier ne pouvant se contenter d’une seule proposition de poste refusée par le salarié [3].
Jusque là, les employeurs pratiquaient pour la plupart la technique de la fiche d’intention ou du questionnaire, afin de recueillir les souhaits du salarié. Cependant, la Cour de cassation très exigeante avec les employeurs, considérait tout de même qu’ils ne pouvaient se dédouaner de leur obligation de reclassement et ne pouvaient limiter leurs offres en fonction des réponses données par le salarié au questionnaire [4]. L’absence de réponse au questionnaire ne valant pas refus.
L’employeur devait donc informer préalablement le salarié des offres disponibles à l’étranger et, ensuite seulement, recueillir son avis.
Il pouvait aussi recueillir son souhait et proposer des offres en fonction de ce souhait, notamment pour des raisons familiales de demeurer dans un périmètre géographique défini [5].
La validation de la méthode du questionnaire de mobilité par la loi du 18 mai 2010.
Dans le but de lutter contre les propositions dites « indécentes », la loi du 18 mai 2010 est venue mettre un terme à tous ces débats jurisprudentiels en instaurant, préalablement au reclassement à l’étranger, un questionnaire de mobilité géographique.
Lorsqu’un licenciement pour motif économique était envisagé, l’employeur devait soumettre à son salarié un questionnaire afin de recueillir son avis sur un éventuel reclassement hors du territoire national. Si le salarié refusait, l’employeur était alors dispensé de lui proposer des offres de reclassement.
L’instauration de cette loi a fait couler beaucoup d’encre en doctrine, car certains y voyaient un dédouanement de l’employeur de son obligation de reclassement. Pour d’autres, c’était un mécanisme plus raisonnable, une simplification du processus de reclassement qui évitait aux entreprises un travail titanesque de recherche de postes à l’étranger.
La circulaire DGT n° 3 du 15 mars 2011 relative aux modalités d’application de la loi du 18 mai 2010 a précisé les apports de la loi, notamment sur le contenu du questionnaire mais aussi sur la procédure.
Sur le contenu, l’employeur devait énumérer les pays dans lesquels le reclassement pouvait être effectué, ensuite à charge pour le salarié de se prononcer sur les pays dans lesquels il choisissait d’être reclassé et selon quelles restrictions.
Les emplois concernés par l’obligation de reclassement, telle que résultant de l’article L.1233-4 du Code du travail, devaient être équivalents et avec une rémunération équivalente. La circulaire a aussi précisé que la « rémunération équivalente » exigée visait la rémunération globale.
Sur la procédure, l’envoi du questionnaire se faisait « au moment de la convocation à l’entretien préalable au licenciement ou, en cas de procédure de licenciement collectif, à l’issue de la dernière réunion des institutions représentatives du personnel [6] et après application des critères d’ordre de licenciement » et le salarié disposait de 6 jours pour faire connaitre sa réponse, son absence valait refus.
Depuis la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi Macron.
Le 6 août 2015, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a inséré dans le Code du travail le nouvel article L. 1233-4-1 :
« Lorsque l’entreprise ou le groupe dont l’entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises.
Les modalités d’application du présent article, en particulier celles relatives à l’information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret. »
De ce fait, c’est tout le principe du reclassement hors du territoire national qui est bouleversé.
Désormais, l’obligation pour l’employeur de reclasser le salarié dans les entreprises situées à l’étranger se trouve facilitée : l’employeur devient exonéré de l’envoi de tout questionnaire relatif au reclassement et c’est au salarié de lui faire connaître son souhait d’être reclassé à l’étranger.
Cette évolution législative suscitera des réactions divergentes avec d’une part, les représentants des salariés qui y verront certainement la mise à mal d’un principe protecteur des droits du travailleur au maintien dans l’emploi.
Il n’est plus possible pour le salarié qui ne s’est pas préalablement manifesté auprès de son employeur, de contester l’irrégularité d’une procédure de reclassement à l’étranger.
L’employeur étant exonéré de lui proposer d’office des postes à l’étranger, ne saurait manquer à une obligation inexistante.
D’autre part, en ce qui concerne l’employeur, la procédure de licenciement pour motif économique est simplifiée. Ne pas rechercher de poste à l’étranger ne peut plus donner lieu à contentieux, sauf à penser que le salarié ait exprimé le souhait d’être reclassé hors du territoire national et qu’aucune proposition ne lui a été faite.
Dès lors, le salarié qui souhaite contester un éventuel manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, ne pourra plus qu’invoquer le reclassement sur le territoire national.
Discussions en cours :
Il est clair que l’exonération de l’employeur orchestrée par la loi macron en cas d’absence d’une demande de reclassement par le salarié pourrait simplifier la procédure de licenciement économique et favoriser les employeurs dans les contentieux relatifs à leur manquement de cette obligation de reclassement contenu dans le plan social et qui les opposerait aux salariés visés. Maintenant il faut s’assurer que les salariés aient l’information qu’il leur appartient désormais d’en faire la demande sous peine d’en perdre le bénéficie et l’impossibilité de s’en prévaloir devant les juges.
Cher Monsieur,
Je partage pleinement votre avis sur l’information du salarié. Par ailleurs il est regrettable que le texte ne mentionne aucune procédure d’information.... Peut-être sera-t-il complété ou précisé ultérieurement ...