Constitution et fonctionnement de la SPFPL
Les sociétés de participations financières de professions libérales (ci-après SPFPL) ont été créées par la loi MURCEF du 11 décembre 2001.
Traditionnellement, l’objet social de la SPFPL résidait uniquement dans la prise de participations dans une ou plusieurs sociétés d’exercice libéral (par exemple la prise de participation dans une SELARL de chirurgien-dentiste).
Néanmoins, et depuis l’adoption de la loi du 11 février 2004, la SPFPL peut entreprendre des activités accessoires en relation directe avec son objet (la prise de participations) et destinées exclusivement aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des participations.
En ce sens, elle constitue la véritable holding des professions libérales.
La SPFPL est une société commerciale par la forme mais civile par son objet.
En ce sens, elle peut être constituée sous forme de SA, SAS, SARL et SCA.
La SPFPL peut être monoprofessionnelle ou multiprofessionnelle, sous certaines conditions précises, et ceci uniquement pour les professions juridiques et judiciaires.
La SPFPL se distingue, dans ses règles de constitution et de fonctionnement, par certaines dispositions spécifiques :
La SPFPL doit être inscrite sur la liste ou au tableau de l’ordre professionnel concerné ;
Le dirigeant doit être choisi parmi les associés exerçant la même profession que celle de la ou des SEL détenue(s), certaines spécificités étant prévues en matière de SPFPL interprofessionnelles ;
Certains décrets d’application, régissant notamment l’interprofessionalité, ont été adoptés.
En revanche, certains se font encore attendre, et les ordres professionnels exigent des conseils, à l’occasion de la création desdites SPFPL, une lettre de décharge, souvent produite par le Conseil, relative à l’absence de publication du décret d’application (notamment s’agissant de l’ordre des chirurgiens-dentistes).
Les avantages opérationnels : la multiplication de prises de participations
La SPFPL présente certains avantages opérationnels qui peuvent permettre, sous condition de respect des règles fondamentales régissant les sociétés d’exercice libéral, une optimisation opérationnelle.
Ainsi, s’agissant de l’identité des associés de la SPFPL, les libres règles appliquées aux sociétés commerciales (que sont les SPFPL), sont tempérées par les dispositions particulières applicables aux sociétés d’exercice libéral.
En effet, depuis la loi du 31 décembre 1990, il apparaît que plus de la moitié du capital social et des droits de vote de la société d’exercice libéral doit être détenu par des professionnels en exercice au sein de la société.
Ainsi, à la lecture de cette disposition, il apparaissait impossible, pour une SPFPL, de détenir le contrôle de sa ou de ses filiales.
Néanmoins, deux lois (loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et loi du 28 mars 2011) ont apporté un correctif à ce système.
Aujourd’hui, la SPFPL peut contrôler la société d’exercice libéral en détenant la majorité des droits de vote, la SPFPL ne devant pas être obligatoirement uniquement composée de professionnels en exercice au sein de la société d’exercice libéral.
En d’autres termes, l’aménagement de ces dispositions permet une détention commune d’une société d’exercice libéral au sein de laquelle un professionnel n’est pas en exercice.
Par exemple, un cabinet dentaire, juridiquement constitué sous forme de SELARL, peut être majoritairement détenu par une SPFPL, dont l’un des associés peut ne pas exercer au sein du cabinet dentaire, pourtant détenu, en partie, indirectement par lui (via sa participation dans la SPFPL).
Ainsi, cet associé de la SPFPL, non exerçant dans la SELARL, peut détenir une participation indirecte dans cette SELARL (et dans plusieurs autres, le montage pouvant se reproduire), en sus de celle qu’il détient dans la SELARL au sein de laquelle il exerce.
Néanmoins, il convient de préciser que des règles précises, scrupuleusement contrôlées par les ordres professionnels, et concernant, entre autres, la majorité des droits de vote, conduisent à pratiquer ledit montage susvisé avec la plus grande précaution.
Les avantages fiscaux
La SPFPL est obligatoirement assujettie à l’impôt sur les sociétés, selon les règles de droit commun.
Néanmoins, l’application de mécanismes tels celui du régime mère/fille et celui de l’intégration fiscale permet une optimisation fiscale du montage. La déductibilité des intérêts d’emprunt est également possible.
L’application du régime mère/fille
En vertu de l’article 145 du Code général des impôts, toute société détenant plus de 5% du capital d’une autre société peut considérer ladite société comme sa « fille ».
L’impact fiscal est important.
En effet, ce régime permet une exonération quasi totale des dividendes versés par la société d’exercice libérale à ses associés (donc potentiellement à la SPFPL).
En vertu des dispositions de l’article 216 du Code général des impôts, une quote-part pour frais et charges de 5% s’applique aux dividendes versés par la société d’exercice libéral à ses associés (donc potentiellement à la SPFPL), soit un taux effectif d’imposition sur les dividendes distribués seulement égal à 1,67% (5% x 33,1/3%).
En d’autres termes, l’application du régime mère/fille permet une remontée quasi indolore des bénéfices de la société d’exercice libérale à la SPFPL.
La mise en œuvre du régime mère/fille est soumise à conditions, notamment relatives à la durée de détention et au formalisme de l’option audit régime, qui doivent être respectées.
L’application de l’intégration fiscale
Le régime de l’intégration fiscale, quant à lui, présente un autre avantage, celui de compenser les bénéfices et les déficits des différentes sociétés membres du groupe (dans notre cas, la ou les société(s) d’exercice libéral et la SPFPL).
L’impôt sera acquitté au niveau de la société mère, la SPFPL.
Des conditions de fond, notamment celles relatives au périmètre d’intégration, et de forme, devront être respectées.
Ces conditions ne seront pas détaillées dans la présente étude, dans un objectif de simplification de l’analyse.
L’intérêt qui résulte de la mise en place d’un système d’intégration fiscale réside en plusieurs points :
La possibilité de diminuer le résultat imposable par le déficit d’une des sociétés du groupe intégré. Par exemple, le résultat d’une SELARL de chirurgien-dentiste est de + 75 et le résultat de la SPFPL est de – 30. Hors intégration fiscale, la SELARL aurait acquitté un montant d’impôt correspondant à 25 (en considérant un taux unique d’imposition de 33,1/3%), et la SPFPL n’aurait été redevable d’aucun impôt. En intégration fiscale, la SPFPL acquitte l’impôt pour le groupe, après avoir compensé son déficit avec le bénéfice de la SELARL. L’impôt acquitté sera donc de 15, l’impôt dû étant calculé sur un résultat de 45 (75-30) et non un résultat de 75. Le gain d’impôt réalisé est donc de 10.
Les abandons de créance seront neutralisés.
Les plus-values de cession d’éléments de l’actif immobilisé seront neutralisées.
La déductibilité des intérêts d’emprunt
Lors de l’acquisition des titres de la société d’exercice libéral, la SPFPL s’endette en contractant un emprunt.
Le paiement mensuel de cet emprunt est remboursé principalement par la remontée de dividendes, quasi indolore au regard du régime mère/fille sus évoqué, ou seront réintégrés au résultat de la société holding, au regard du système de l’intégration fiscale.
Or, les intérêts d’emprunt constituent des charges imputables sur le résultat réalisé par la SPFPL (constitué des prestations rendues à la société d’exercice libéral, comme vu plus haut).
La mise en place de telles prestations accessoires doit être scrupuleusement orchestrée et correspondre à des activités réelles afin éviter tout risque de remise en cause par l’administration fiscale.
L’intérêt fiscal est donc triple.
Exemple
Monsieur A est chirurgien-dentiste et exerce au sein de la SELARL B, qu’il détient à 100%. Monsieur A souhaite optimiser sa situation, par le biais de la création d’une SPFPL C.
Lors de la création de la SPFPL, Monsieur A vend à la SPFPL C 90% des titres qu’il détenait dans la SELARL B. La valorisation de 90% des titres de la SELARL B est évaluée à 600.000 euros.
Monsieur A réalise donc, à titre personnel, un gain de 600.000 euros (qu’il conviendra de soumettre à l’impôt sur les plus-values).
La SPFPL C contracte un emprunt sur 10 ans pour acquérir les titres, à hauteur de 600.000 euros. Le montant des intérêts d’emprunt s’élève à 10.000 euros par an.
En 2017, la SELARL B réalise un bénéfice de 50.000 euros. Elle distribue cette somme à ses associés, la SPFPL C recevant alors 45.000 euros.
En parallèle, la SPFPL C réalise une mission d’assistance administrative pour le compte de la SELARL B. Cette mission est facturée 3.000 euros par an.
En conséquence, le résultat de la SPFPL C est déficitaire à hauteur de 7.000 euros (3.000 – 4.000)
La SPFPL C détenant 90% de la SELARL B, les dispositions du régime mère/fille sont applicables en l’espèce.
L’impôt dû sur la distribution de dividendes s’élève donc à 752 euros (45.000 x 1,67%).
Par ailleurs, il est supposé que les sociétés B et C respectent les conditions relatives à la mise en place de l’intégration fiscale.
En conséquence, hors intégration fiscale, la SELARL B aurait acquitté un montant d’impôt à hauteur de 16.667 euros, en considérant un taux unique d’imposition de 33,1/3% (50.000 x 33,1/3%).
La SPFPL C n’aurait été redevable d’aucun impôt.
En intégration fiscale, la SPFPL C acquitte l’impôt pour le groupe, après avoir compensé son déficit avec le bénéfice de la SELARL B.
Le résultat imposable est donc de 43.000 (50.000 – 7.000).
L’impôt acquitté sera donc de 14.333 (43.000 x 33,1/3%).
Au cas particulier, le gain réalisé est quadruple :
Monsieur A a réalisé un gain de 600.000 euros, correspondant au prix de cession de ses titres ;
Les intérêts d’emprunt servant à l’acquisition des titres sont déductibles du résultat de la SPFPL C ;
La SPFPL C reçoit des dividendes en franchise quasi totale d’impôt ;
L’imposition du groupe permet de faire ressortir une économie d’impôt de 2.334 euros (16.667 – 14.333)
La complexité de mise en place d’un tel montage, compte tenu des nombreuses règles juridiques et, surtout, fiscales, nécessitent un examen juridique, factuel, et fiscal de chaque situation.
A ce titre, le présent exemple ne saurait s’appliquer, automatiquement, en toutes circonstances.
Discussions en cours :
Bonjour,
Est-ce qu’une SPLPF peut détenir une autre SPLPF qui elle même détient une SELARL à 99% avec à la tête de ce montage un avocat ?
Je vous remercie par avance,
Bien à vous,
G
Bonjour,
Je vous invite à me contacter au cabinet au 01 83 81 64 86 ou par mail rt chez tedgui-avocats.com pour en discuter.
Bien à vous
Bonjour.
Une SPFPL peut-elle détenir des parts de SCI patrimoniale et ainsi mobiliser les dividendes remontés sur la SPFPL pour rembourser un emprunt porté par la SCI (financement de RS par exemple).
En cas de vente à une société où on est majoritaire l’amendement Charasse ne vient il pas limiter la déductibilité de l’emprunt ?
Effectivement l’amendement Charasse limite la déductibilité des charges financières dans ce cas. C’est ce qui à mon sens manque dans cet article.
Bonjour,
je ne comprends pas bien le calcul des pertes de la société C la SPFPL, en admettant que le prêt est linéaire il faut compter 60.000 euros de capital et 10.000 euros d’intérêt, la prestation qui est fournie doit rapporter 3.000 euros, les dividendes touchés sont de 45.000 euros moins l’impôt 752 euros. Au final la SCFPL peut déduire ses frais de fonctionnement et les intérêts d’emprunt relatifs aux acquisitions.
Quel est donc son résultat avant et après la remontée fiscale par intégration ?
Concernant la plus value la détention personnelle dans le temps n’est elle pas préférable pour créer des abattements en raison des montants de valorisation (600.00 euros) qui dépassent certains seuils ?
Cordialement
Bonjour,
Très intéressant et didactique.
C’est à peu près le même système qui est mis en place dans toutes les entreprises "à filiales" sans parler des groupes : fuite de capitaux via les dividendes pour rembourser la dette contractée auprès du groupe, fuite de capitaux pour payer des "services" à la société mère. Ceci entrainant un "gel" des salaires et la dislocation de services entiers.
A mon sens, il est urgent de revoir le code des impôts pour empêcher ces montages qui nuisent gravement à la stabilité de notre économie.
Mais compte tenu du nombre d’avocats, de médecins et de "patrons" qui sont députés et sénateurs, il va falloir attendre encore un peu ;)