Lors de la vente d’un fonds de commerce, un cessionnaire avait contesté les modalités conventionnelles d’évaluation du solde du stock. Plus précisément, il contestait la valeur réelle des marchandises constituant le stock. A l’issue de l’inventaire, il avait donc refusé d’en payer le prix. Après la mise en liquidation judiciaire du cédant, le liquidateur a alors assigné le cessionnaire en paiement du prix, tel que mentionné sur la facture relative à la cession du stock [1]. Le liquidateur invoquait alors l’article L. 441-6 du Code de commerce relatif aux délais de paiement entre professionnels.
Nous rappellerons que l’article L. 441-6, I, 12° du Code de commerce prévoit qu’à défaut de règlement d’une facture dans les délais convenus, le débiteur est redevable envers son créancier de pénalités de retard égal au taux d’intérêt européen BCE (taux de refinancement) majoré de 10 points. Toutefois, les parties peuvent convenir de modalités de calcul différentes, qui ne peuvent conduire à l’application d’un taux d’intérêt de retard inférieur à 3 fois le taux de l’intérêt légal.
En l’espèce, la Cour d’appel de Grenoble avait condamné le cessionnaire au visa de l’article L. 441-6 du Code commerce à payer une pénalité égale à trois fois le taux d’intérêt légal sur le solde du prix du stock. Le cessionnaire s’est alors pourvu en cassation.
Dans son arrêt du 3 mars 2015, la Cour de cassation censure la Cour d’appel. Si la Chambre commerciale est lapidaire dans ses développements, elle a le mérite de poser une solution dénuée d’ambiguïtés : l’article L. 441-6 du Code de commerce ne s’applique qu’aux seuls producteurs, prestataires de services, grossistes ou importateurs.
Cette solution se justifie d’autant plus au regard de la nature de la disposition soulevée, celle-ci appartenant au droit de la « transparence tarifaire » applicable uniquement aux opérateurs circonscrits précédemment. L’article L. 441-6, I vise d’ailleurs « tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur » dans l’obligation de communication des conditions générales de vente.
A cet égard, dans une ancienne décision de 1993, la Cour d’appel de Paris avait déjà affirmé cette solution [2] . Dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris avait constaté que la société régisseur de la publicité dans les annuaires officiels de France Télécom n’était ni producteur, ni grossiste, ni importateur au sens de l’article 33 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 [aujourd’hui l’article L. 441-6 du Code de commerce]. Dès lors, elle en avait conclu que la disposition était bien inapplicable au litige et qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre pour chef de refus de communication de tarifs.
Au-delà de la problématique d’espèce, cet arrêt aborde explicitement la question du champ d’application de l’article L. 441-6 du Code de commerce. La réponse que donne la Cour de cassation à propos du contrat de cession de fonds de commerce a pu déjà être donnée par certaines juridictions du fond dans d’autres configurations.
Ainsi, la Cour d’appel de Toulouse a considéré, dans un arrêt du 16 janvier 2012, que l’article L. 441-6 du Code de commerce n’était pas applicable au contrat de louage d’ouvrage [3]. Par ailleurs, à propos d’un litige s’inscrivant dans le cadre d’une cession d’actions, la Cour d’appel de Paris a jugé que ladite disposition ne pouvait trouver application [4]